Trouble [Dmitri/Zero]

Il est en mission secrète Dmitri, pour le compte de Sa Majesté le Roi Björn. Enfin, il l’était, puisque sa mission s’est achevée lorsqu’il a donné la missive qu’il était chargé de transporter à un émissaire de l’ambassadeur Fjerdan à Shu Han. Il a eu un gros pincement au cœur le grisha, à savoir ses copains si près mais en même temps si loin, mais c’est un honneur d’être l’espion du roi. Un espion qui espionne pour le mauvais camp, mais personne ne le sait, sauf lui. Björn lui fait confiance, assez pour le laisser remplir cette mission, et Dmitri ne comptait pas le décevoir.

Sa mission accomplie avec brio, ses ordres sont de rentrer à Djerholm aussitôt. Prendre un bateau à Ivets et longer la côte lui paraît être un bon plan, même s’il n’aime pas particulièrement les bateaux : cela semble moins dangereux que de traverser Ravka en étant Fjerdan, de toute façon. Mais puisqu’il est là… les rumeurs sur des enfants disparus sont monnaie courante, avec la guerre, mais les Grishas du sanctuaire n’ont pas remis la main sur les enfants disparus, et l’occasion est trop belle pour qu’elle lui échappe : l’orphelinat de Keramzin alimente bien des conversations, et il serait stupide de ne pas y jeter un coup d’œil. Il a confiance en ses capacités Dmitri, tant de grisha que d’espion : il connaît la langue, sait se faire passer pour un ravkan sans difficulté, et surtout sait s’adapter aux circonstances.

C’est ce qu’il se dit, en tout cas, pour justifier ce détour dangereux. Mais il a toujours été très doué pour raisonner avec lui-même et se persuader que sa cause est juste Dmitri, aussi ne s’appesantit-il pas longtemps sur le danger du détour qu’il compte faire. Il s’est bâtit une fausse histoire, de faux prétextes, et il ne va pas aller hurler partout qu’il recherche des enfants dotés de petite science. Ça devrait aller. Il n’a aucun mal à trouver la route du monastère et, mettant pied à terre, pénètre sans aucune difficulté dans le domaine.

Il est plutôt circonspect sur la religion en vigueur dans la région le Fjerdan. Lui qui prie Djel a étudié les croyances ravkanes, mais cela ne veut pas dire qu’il les a faites siennes. Mais il ne vient pas demander à s’enrôler dans un quelconque culte, de toute façon, juste le gîte et le couvert pour quelques heures, le temps de se reposer et de reposer sa monture.

Le moine qui l’accueille est aimable et poli, lui indiquant les règles de l’endroit et l’invitant à se délasser avant de pouvoir être mené à une chambre. Le confort sera modeste, Dmitri en est conscient, mais pour quelques heures, cela fera l’affaire, et lui permettra de mener l’enquête. Par définition, il y a forcément des enfants dans le coin, et il va falloir être subtil, sans oublier méfiant et prudent. Dmitri n’oublie pas que plus que grisha, il est fjerdan, et cela n’est clairement pas un gage de sécurité ici.

Ses cheveux blonds dissimulés sous un bonnet de laine, ses habits passe-partout, rien ne révèle quoi que ce soit de son identité, même à des observateurs attentifs. En théorie. Le moine l’a invité à s’installer sur la terrasse, où un homme est en train de manger, et Dmitri ne se fait pas prier. D’une façon bien plus détendue qu’il ne l’est réellement, il salue à son tour l’homme qui s’étouffe presque et le grisha se retient à grand peine de lever les yeux au ciel, avant de s’installer non loin. Cependant il n’est pas là pour jouer les ours des cavernes, mais pour rechercher des informations, aussi c’est avec son air le plus angélique qu’il adresse la parole à l’homme. « Bonjour à vous aussi. Vous êtes également un voyageur qui attend qu’on lui accorde l’asile pour la nuit ? J’ai rarement fait halte dans un endroit aussi reposant. » Entame de conversation légère, sujet bateau, mais cela n’en est pas moins vrai. L’endroit est calme et dégage une impression de sérénité que Dmitri ne peut s’empêcher d’apprécier.

   

L’homme lui sert un verre de vin, que Dmitri accepte sans se faire prier. Il se sent relativement en sécurité, ici, tant que rien ne vient démontrer qu’il est fjerdan, et son but est d’obtenir des informations, après tout. Fraterniser avec les locaux est plutôt recommandé, pour le coup. Répondant à son sourire, Dmitri s’apprête à répondre quand un moine s’approche, déposant du pain et du fromage, avant de l’informer que sa chambre était prête.

Repas frugal, chambre monacale, il n’en attendait pas davantage Dmitri. Il se rattrapera plus tard, en attendant, il se contente de remercier le moine et l’inconnu, qui affirme pouvoir lui montrer ses quartiers. Plutôt logique, puisqu’il lui a dit être un habitué, mais il n’empêche que le jeune fjerdan est sur ses gardes : il n’est pas le bienvenu ici, et il le sait. Si quiconque découvre qu’il est en réalité fjerdan, avec cette guerre déclarée, mieux vaut qu’il prenne la poudre d’escampette avant l’arrivée de soldats. Mais l’inconnu ne semble pas animé de mauvaises attentions, pour autant qu’il puisse en juger. Et de toute façon, il n’a pas réellement de raison de refuser. « C’est très gentil à vous, merci. » Répond-t-il avec un sourire charmeur, avant de se couper un morceau de pain. Repas frugal, mais peu importe. Il a l’habitude de pire sur les routes le fjerdan.

Entre deux bouchées, il se rappelle qu’il n’a pas répondu à la question de l’homme et y remédie aussitôt. « Je viens de Cardyeva. Mon père m’a envoyé prendre quelques contacts avec les éleveurs locaux pour reproduire l’une de ses pouliches. » Il affiche son air le plus innocent Dmitri avant de questionner à son tour l’homme. « Vous voyagez souvent dans la région, j’imagine. » L’homme lui a dit être un habitué, après tout. « J’étais tout petit la dernière fois que je suis venu ici. A peine plus grand que les orphelins que l’on recueille ici, en vérité. » Puisqu’il est là, autant creuser, après tout. « C’est une chance que quelqu’un puisse veiller sur ces enfants. » Continue Dmitri, avant de tendre la main vers la bouteille pour se servir un nouveau verre.

« Au fait, je m’appelle Anton. » Ajoute-t-il, levant son verre vers l’homme pour le saluer. Il sait bien donner le change Dmitri, se montrer charmeur et affable, à mille lieux de la vérité. Parce qu’il se méfie le fjerdan, même si l’homme semble bien innocent. Il ne peut s’empêcher de l’étudier, et de se questionner. Un ancien soldat ? S’il ne mélange pas son ravkan – et Dmitri sait bien que non -, la réponse de l’homme au moine lui a fait dresser l’oreille. Ses quartiers ? Peut-être un hasard, peut-être une erreur, mais on ne sait jamais. A nouveau, Dmitri est sûr de son déguisement et de la fiabilité de son mensonge, mais il n’a pas survécu en tant qu’espion en ne se méfiant pas. « Je termine mon repas, et je vais probablement aller me coucher. » Indique-t-il, faisant mine de retenir un bâillement.

   

Les réponses de l’homme sont laconiques et clairement, il ne faut pas trop longtemps à Dmitri pour comprendre que soit sa méthode de questionnement laisse grandement à désirer, soit l’homme n’est pas un grand bavard. Il penche pour la deuxième solution le grisha, et suppose déjà qu’il lui faudra trouver une autre source d’information. Il n’a certes pas énormément de temps, mais il projette déjà d’aller à la pêche aux renseignements demain, aux alentours. Peut-être qu’un paysan aura vu quelque chose ?

Il lui offre son nom, tout de même, dans la conversation. Un faux nom, pratique, passe-partout, qui lui vient sans même qu’il ait besoin d’y réfléchir. Ce n’est pas très important, un échange de politesse, simple, et il prête une oreille distraite quand l’homme lui dit également son prénom. Zéro. Et heureusement qu’il sait se maîtriser Dmitri. Heureusement qu’il a appris, depuis, à faire mine de rien, à jouer un rôle. Parce qu’il n’est pas tout à fait sûr, sinon, qu’il aurait été capable de se maîtriser.

Le prénom est familier. Pas courant, mais familier. Se peut-il que ce ne soit qu’un hasard ? Quel pourrait être le rapport entre un ancien drüskelle et un… il ne sait trop quoi ravkan ? C’est sûrement un hasard oui. Sûrement. A moins que cela n’en soit pas un ? Il fait mine de rien Dmitri, mais il n’est pas sûr que l’homme en face ne voit pas qu’il semble troublé. Il est un bon menteur, mais peut-être pas assez encore. Par défaut d’une autre idée, le grisha enchaîne en disant qu’il ne va plus tarder à aller ce coucher, et l’homme acquiesce.

S’il a un plan, Dmitri, maintenant semble être le bon moment pour l’appliquer. Il ne se sent pas en danger, pas encore, en tout cas, même si le simple prénom donné par l’homme a réveillé en lui une inquiétude diffuse. Leurs regards se croisent et le grisha décide de jouer un coup de dé. Au mieux, cela fera réagir l’homme, au pire… il se tient près, Dmitri. Mieux vaut être sûr maintenant, qu’assassiné dans son sommeil. Il n’a pas d’armes sur lui : pas dans un monastère, s’est-il dit, et il regrette un peu cette décision maintenant. Il a sa petite science, évidemment, mais il aurait préféré éviter de se dévoiler. A moins que tout ça ne soit dû qu’à la fatigue et à un léger sentiment de paranoïa. Il ne peut pas être sûr que ce ne soit pas le cas, en vérité.

« J’ai connu un Zéro, une fois. Il y a longtemps. » La phrase est presque innocente, l’air de ne pas y toucher. Assez innocente, l’espère Dmitri, pour ne pas provoquer une forte réponse de l’homme en face. Car les hostilités sont déclarées, entre Ravka et Fjerda. Et les paroles du grisha, indubitablement, sont énoncées dans une langue qui n’est pas la bienvenue ici, désormais.