Dmitri - sur le fil du rasoir

¤ Certains naissent pauvres, d'autres riches, certains même ne naissent pas du tout

TW : Mort, sang, meurtre

Premier enfant né vivant du Comte Moskovine et son épouse, Dmitri porte le nom de son arrière-grand-père, reconnu comme une personne raisonnable et posée… tout le contraire de l'enfant. Choyé par ses parents, sans doute en raison de ses frères qui n'ont jamais ouvert les yeux, Dmitri est un enfant bruyant, extravaguant et très têtu. Il possède un sens de la justice et de l'honneur exacerbé, n'hésitant jamais à affirmer son opinion, même âgé de quelques années. Ses parents lui laissent passer beaucoup de choses, même après la naissance de deux petites sœurs, et Dmitri apprend à organiser ses pensées, à s'affirmer, à aiguiser son opinion. Qualités recherchées pour un futur comte, bien moins pour un enfant. On le dit capricieux, lui préfère dire qu'il fait ce qu'il y a de mieux pour lui-même. Il apprend vite que toute vérité n'est pas bonne à dire, dépendant surtout d'à qui on la dit.
Il ment, manipule, noie le poisson, perd son interlocuteur pour, finalement, s'en sortir sans dommage. C'est Dmitri : toujours à parler, toujours à négocier, et rarement, très rarement, en train de dire la vérité. Épris de liberté, bercé par des récits de justice, d'honneur et de loyauté, Dmitri y pioche ce qu'il veut. Ce qu'il considère comme l'honneur et la vérité lui appartiennent et ne sont pas forcément en accord avec ce que les autres mettent derrière ces mots. Il s'en fiche, le petit : lui se construit tout un monde dans sa tête, et vit selon ses envies. Il s'adapte, pour qu'on le laisse tranquille, mais au final il fait bien ce qu'il veut.

¤ L'heure de jouer au petit soldat
A dix ans, comme tous les garçons de Fjerda, Dmitri apprend à devenir un soldat. Pour la première fois depuis le début de sa courte vie, ses idéaux et ses envies se heurtent à celles de quelqu'un d'autre, et la leçon est rude à apprendre. Douloureuse, aussi. Lui le petit prince choyé et couvert de luxueux cadeaux apprend ce que c'est que de s'entraîner durement, dans le but de défendre son pays. Mais il n'a jamais eu la langue dans sa poche le petit, et ce n'est pas aujourd'hui qu'il va apprendre à se taire. Il apprend, plutôt, à adapter son discours, à suivre le sens du vent, tout en faisant le contraire de ce qu'il dit. En apparence, il devient, très vite, un parfait petit soldat. En douce, il manipule ses camarades pour obtenir la meilleure place, l'entraînement le moins difficile, quelques extras au réfectoire. L'entraînement militaire, c'est l'occasion pour Dmitri de mettre à profit son talent de manipulateur-né, d'en tester les limites et les capacités. Qui lui donnerait tort, lui, l'enfant chéri du comte de Moskovine, proche conseiller du roi ? Qui l'accuserait de quoi que ce soit, alors qu'il se réécrie qu'on l'accuse faussement, arguments à l'appui ?

¤ Écarlate sur lit de blancheur
Quatorze ans, l'âge des premiers émois, mais aussi l'âge où l'on teste ses limites, quelles qu'elles soient. Et des limites, Dmitri en a bien peu : tout jeune adolescent, il découvre déjà le jeu, les paris, l'argent facile qui coule à flots. Et les mauvaises fréquentations. Mais pour une fois, c'est le manipulateur qui se fait manipuler et c'est comme ça qu'il se retrouve dans une ruelle sordide de Djerholm, à trembler de froid et de peur devant deux hommes qui ne lui veulent aucun bien. Dépouillé de sa bourse et de son manteau douillet, le corps douloureux et le visage ensanglanté, Dmitri fait face aux conséquences de ses bêtises, et c'est plus que désagréable.
-Tues-le, qu'on en finisse
Quelques mots pour sceller un destin, une main qui saisit son bras, une dague qui s'approche… un battement de cœur dans les oreilles, fort, plus fort, encore plus fort, jusqu'à ce que l'homme qui le tient s'effondre au sol, mort. Un moment de flottement, une incompréhension, et Dmitri passe à l'action, saisissant la dague qui le menaçait auparavant pour sauter sur l'autre homme et l'égorger avant qu'il ne sonne l'alerte. Car il sait ce qu'il s'est passé, et personne d'autre ne doit le savoir. Un mort, puis deux, du sang dans la neige, une dague qui égorge l'homme déjà mort. Sa manche qui goûte d'écarlate, une longue balafre, une cruelle brûlure. Punition divine, pour ce qu'il est ? Personne ne doit savoir. Personne ne doit soupçonner quoi que ce soit.
Parce qu'il sait, lui. Il a vu, comment on traite les Grishas, comment on les traque, comment on les tue. Il se rappelle de cet homme, mis en pièces sous les applaudissements. Il a vu, et il a applaudi avec les autres, parce que c'est ce qu'on doit faire. C'est ce qui est normal. Mais rien n'est plus normal, désormais.

¤ L'habit ne fait pas le moine
Il va mourir. Peut-être. On va le traquer parce qu'il est un monstre, une abomination. Mais l'instinct de survie est plus fort que tout, et Dmitri réfléchit. Il analyse, compare, comprend. Lui l'esprit libre, lui qui n'en fait qu'à sa tête, toujours, finit par accepter avec le temps qu'il n'est pas un monstre. Qu'il n'a rien demandé et qu'au fond, ces pouvoirs ne vont rien changer à ce qu'il est. Il est toujours lui, juste avec quelque chose en plus. Ou lui, pour de vrai cette fois. Il ne sait pas. C'est un secret, si énorme, si terrifiant qu'il a l'impression d'exploser. Il perd le contrôle, parfois, et baratine, vend, manipule jusqu'à s'en sortir. Il y a des alertes, très très chaudes, mais il survit. Contrairement à d'autres.
On lui a dit, répété, appris, que c'était comme ça. Que les Grishas, c'est mort qu'il faut les voir. On les traite comme des criminels, on les tue, on les extermine même, alors qu'ils n'y sont pour rien. Il a envie de pleurer, de crier, mais il garde la tête haute, le petit trop vite grandit. Il hurle avec les loups, et il garde la vie sauve. Parce que c'est ce qu'il doit faire. Il ne se confie à personne, vomit parfois le soir, à l'abri des regards, mais il fait semblant. Il réfléchit, à comment changer les choses mais faire semblant, pour l'instant, c'est la meilleure des stratégies. Et il est fort Dmitri, très très fort pour faire semblant.

¤ Let's go hunt !
Il a seize ans Dmitri, son apprentissage est terminé et comme tous les garçons de la noblesse de Fjerda, on l'envoie chasser le loup dans les contrées du Nord. Seul avec son pouvoir, au milieu des animaux sauvages, Dmitri s'entraîne. Apprend. Accepte, malgré ce qu'on lui dit encore et lui répète, qu'être Grisha n'est pas être mauvais. Il avait besoin, peut-être, de cette solitude pour accepter de revenir sur tout ce qu'on lui a toujours dit. Ce n'est pas facile, d'aller contre son conditionnement, mais il comprend que c'est la peur qui parle. L'impuissance, face à des pouvoirs impossibles à contrer.
Alors quand il revient Dmitri, prêt à prendre sa place, prêt à partir en guerre, prêt à accepter son héritage magique, il est PRÊT. Plus que jamais

¤ Aux armes, citoyens !
An 742. Dmitri a dix-huit ans, un apprentissage à peine terminé, et la guerre se déclare. On l'envoie sur le front, jamais très loin, jamais très exposé, parce qu'il est l'enfant chéri du Comte de Moskovine, et qu'on envoie par le fils d'un proche conseiller du roi se faire tuer comme un vulgaire homme du commun. Il passe un peu de temps à la Cour Royale, il affine son opinion, ses idéaux, et il se promet d'aider les Grishas. Il ne sait pas encore comment, mais il doit faire comprendre qu'ils ne sont pas des monstres. Il ronge son frein, il apprend, il charme, il séduit, il fait étalage de son talent le petit Dmitri, et il se fait des alliés, charmés par son bagout et son talent de manipulateur. Il est décidé : il aidera politiquement, s'il le faut. Il changera le monde. Un mot à la fois.

¤ Grandeur et entraînement
Il charme, il manipule, il se fait apprécier Dmitri. Il partage son temps entre la guerre et la Cour du roi Björn, il couche avec des filles, il fait son chemin dans le grand monde. D'enfant capricieux et hautain, il devient un adulte respecté, écouté, et… toujours un peu hautain, sans doute. Il manipule, il acquiesce aux opinions des uns, des autres, défend son opinion lorsqu'il le faut. Il grandit, s'émancipe et apprend. En parallèle, il s'essaye à développer son pouvoir, pour au moins le garder sous contrôle lorsque les émotions sont fortes et que sa maîtrise de lui-même lui échappe. Il s'exerce sur les animaux sauvages, chose aisée dans son pays sauvage et isolé, et prend la liberté d'essayer de s'en servir sur les soldats ennemis. Echec retentissant, et même dangereux, mais il ne se laisse pas démonter et continue sans relâche, jusqu'à atteindre une maîtrise bien fragile, mais heureusement présente.
Il tuera son premier ennemi avec son pouvoir la veille de ses vingt-cinq ans, suivi d'un coup de dague bien ajusté. Personne ne doit se douter, et personne ne se doute. Il a toujours réussi à s'en sortir, et à manipuler son monde pour rester invisible.
Il faut dire qu'il reste discret, son pouvoir. Bien plus que s'il mettait le feu à tout le monde.

¤ Allégeance
La guerre prend fin, sur un éclat retentissant, une gigantesque démonstration de pouvoir. Et il sait, Dmitri, ce qu'il a à faire. Dès qu'il le peut, il s'échappe et file à Rakva, rejoint Kirigan et lui propose ses services. Il sait convaincre, il sait mentir, et se faire prendre ne lui fait pas peur : il est l'espion idéal, bien placé auprès du roi.
Il travaille à grimper les échelons auprès des courtisans appréciés du roi, et y excelle : il devient vite l'un de ses proches, oreille attentive, et pour cause. Il fournit des informations précieuses, sur les mouvements de troupes, sur les Drüskelles aussi. Il évite ces derniers pourtant, de peur qu'un de leurs loups ne sente son pouvoir de Grisha. Il ne sait pas si c'est vrai, tout ça, ou juste des histoires, mais ne préfère pas prendre le risque. Il a fait courir une rumeur sur lui et la sœur de l'un d'entre eux, juste pour légitimer son évitement, et ça a l'air de fonctionner. Il le sait Dmitri, plus il va grimper les échelons, plus sa position va s'avérer dangereuse. Il est prêt à s'en accommoder pourtant, pour essayer de changer les choses, le plus possible. Sauver des vies, autant qu'il peut, du mieux qu'il le peut. Tout ce qu'il a demandé en échange de ses services, c'est d'être entraîné, lorsqu'il est au Petit Palais. Un bien maigre prix à payer, il l'estime, au regard de sa contribution. Un Grisha au sein du palais de Fjerda. Un mouton seul parmi les loups. Mais un mouton capable d'arrêter le cœur d'un loup, ça doit bien compter pour quelque chose, non ?