Je ronchonne. On m’a fait partir tout seul. Je pensais que Felicia ou Wolfgang pourraient m’accompagner mais aucun n’était disponible. Pas que je ne me sens pas courageux de partir seul, mais si, quand même, je ne me sens pas courageux du tout. Mon meilleur ami et ses blagues foireuses me manquent cruellement, mais il a disparu des radars encore, pour je ne sais quelle aventure. Je pousse un gros soupir et me décide à m’époumoner encore une fois, en essayant de donner un ton avenant à ma voix.

« Caillouuuu ! Viens-là mon beau ! »

Caillou. CAILLOU. Qui donne ce prénom à un cheval au juste ? Il est gris pommelé. Ni gros ni maigre, et a un bon caractère. Je l’apprécie beaucoup mine de rien. Mais alors, si j’avais su que le laisser cinq minutes le temps d’aller faire ma petite commission dans un buisson allait me faire perdre ma monture, j’aurais pas pris la peine d’être pudique devant lui.

« Satané canasson ! CAILLOUUUUUUUUU ! »

Je me sens si stupide. Pas seulement de devoir marcher, non, ça encore...mais il a des livres importants sur le dos, je suis supposé les ramener à la grande bibliothèque d’Os Alta. Os Alta. C’est comme ça que Wolfgang me surnomme. Je chasse l’impression que ça me fait de penser à lui, ce sentiment de culpabilité que j’éprouve vis à vis de Felicia dans ces moments-là. Puis j’observe les traces de sabots dans le sol autour du lac, puis plus rien. C’est si sec, qu’évidemment, les fers à cheval ne marquent pas vraiment passé la berge.

« Raaaah ! CAILLOU ! REVIENS ! »

J’ai bien conscience que je me mets à la merci de brigands ou de n’importe quels autres ennuis possible. Mais, je n’ai rien d’autre avec moi. Rien. Enfin, si. Une dague que je ne saurais pas manier et ma petite science qui risque de me mettre tout autant en danger si je l’utilise. Je marche là où un semblant d’instinct me dicte d’aller, dans l’espoir de recroiser mon brave Caillou, en espérant qu’il n’ait pas été volé ou tué. Je fais la moue, il ne reste que quelques heures avant la nuit et je commence à avoir faim. Où est ma nourriture ? Dans les sacoches situées sur le dos de ce satané canasson ! Je tourne brusquement la tête à ma gauche. J’ai l’impression d’entendre….