[TW Vi0l] Enfer ~ PV Nalini

Je me sens crade. Je me sens dégueulasse. Je suis dégueulasse. Putain, je suis dégoûtée. J'ai mal. Mes sanglots sont coincés dans ma gorge. Qu'est ce que je ne volerais pas pour pleurer là, maintenant. Pour évacuer tout ce que ce gros porc m'a fait.

J'ai fait de la merde. Je sais que j'ai fait de la merde. J'ai essayé de voler le mauvais gars. Mais c'était une proie si facile... Il regarde jamais derrière lui, il m'a offert une pièce parce que je lui ai sourit, il est grassouille et lent, pataud. Il est riche, naïf et con.

Enfin, c'était ce que je pensais. Je me suis tellement planté … J'ai pu aller si loin pourtant. Je suis entrée comme une ombre, comme Adrian m'a apprit. Je suis allée directement dans son bureau, je sais que c'est là qui planque son argent. Je voulais un beau coup pour l'impressionner. Je voulais le rendre fier ! Qu'il me sourit et qu'il passe la main dans mes cheveux et les ébouriffent pour que je puisse râler et bouder en lui disant « je suis pas une gamine ! ».

Il fait chier celui-là aussi, à être gentil et attentionné. J'ai pas besoin de lui d'abord !

Sauf maintenant. Maintenant, je veux qu'il me protège, qu'il me dise que ça ira. Je veux lui exposer mon mal-être et le laisser se démerder avec pour ne plus qu'il me colle à la peau.

C'est ça. Je suis collante. Mais tellement énervée. Et triste. J'ai mal.

Il m'a frappé une première fois, je l'ai pas vu venir. Mais j'en ai prit des coups, j'en ai prit plein ! Mais lui, il m'a fait plus mal. Il m'a surprise. Ca m'a un peu sonné alors il a passé la main dans mes cheveux et il a tiré. Il m'a trainé dans le couloir, il m'a trainé dans la rue. Personne n'a rien fait, personne n'a bougé. Il m'a emmené dans une ruelle. Comme toutes ces ruelles mal famé dans lesquelles j'ai traîné. Je les connais presque par cœur, elles se ressemblent toutes. Mais elle, elle est différente maintenant.

Il bloquait la lumière. Il y avait ces mouvement là. Et les bruits qu'il faisait.

J'ai hurlé, j'ai crié, je l'ai griffé. Et il m'a encore frappé. Je me sens déconnecté. J'ai mal.

-Adrian...

Pourquoi c'est encore lui que j'appelle ? J'ai la voix cassé. Ca rend pas bien. Je peux pas rentrer comme ça chez lui. Je suis sale.

Il va me faire une remarque. Et j'ai pas la capacité, actuellement, de supporter ça.

Je veux qu'il dégage. Qu'il me laisse ce connard. Il écrase mes poignets, s'appuie de tout son poids sur ma poitrine. J'arrive pas à attendre mon couteau.

Il me fait mal.

Est ce que je vais mourir ?

Je comprends rien.

Je suis sale.

Ketterdam, ville du vice. Nalini le savait bien avant d'arriver sur l'île.
Mais le monde entier avait toujours été dangereux pour les gens comme elle. Ça n'avait jamais empêché son peuple de vivre en conséquence. La misère elle la connaissait. La violence aussi. Sans doute pensait-elle avoir tout vu. Si seulement.

Ce jour-là, Nalini rangeait ses affaires plus tôt que d'habitude comme si elle etait appelée ailleurs. Dans l'intérieur de son manteau, elle cacha des fioles en tout genre et avec le tissu qui lui servait de nappe, elle porta en baluchon ses outils de prédiction.

Les odeurs du barrel n'avaient rien d'agréable. Elles ressemblaient à un savant mélange d'eau croupie et d'encens moisis. Quelque chose d'indefinissable mais assurément quelque chose de mauvais. Les immeubles sales, les poubelles renversées, tout ce spectacle de pourriture qui ne la faisait même pas sourciller. Nalini se fondait dans la masse, un long manteau de cuir noir lui recouvrait les épaules. C'était ce qu'elle savait faire de mieux, ce que le peuple suli faisait depuis des générations : investir des espaces sans prendre de la place.

Ce jour-là, le soleil était voilé et une succession de micro incidents la menèrent au drame.
D'abord elle se fit bousculer par un homme apparemment ivre en pleine journée. Par la suite, on l'invita à emprunter un autre itinéraire pour rejoindre son point de chute car il y avait des travaux. La jeune femme demeura impassible. Son chemin la mena sur une place silencieuse où l'ambiance était froide. Nalini passa la fontaine pour suivre la route sud.

Ce fut d'abord un cri qui la fit se retourner puis le vrombissement de poubelles qui se renversaient. Nalini se stoppa dans sa course. Les hommes et les femmes autour d'elle avaient la tête baissée, personne ne souhaitait regarder en face le drame. Nalini reconnaissait bien la lacheté humaine. Elle en avait fait les frais toute sa vie.

Il y avait une ruelle sombre sur sa gauche, face à ce qu'elle ne voyait pas, la jeune suli s'avança dans la pénombre. Elle ne faisait aucun bruit, aussi discrète que le voulait les acrobates.
Deux masses se dessinaient devant elle et elle sut. Elle n'avait pas besoin de mots pour comprendre. Sans un bruit elle sortit de son baluchon une petit coupe en laiton avec laquelle elle récoltait son argent. Bien empoignée, Nalini porta un coup sur la tête de l'homme qui s'écroula sur le côté dans un bruit assourdissant.

"- Sale porc." articula-t-elle en suli.

Le calme reprit ses droits. Cette fois, elle vit enfin le visage de l'adolescente. Elle prit conscience de sa présence, elle la regarda. La douleur et la peur sur les traits de son visage rappelaient à Nalini des souvenirs qu'elle aurait aimé oublier.

Maladroitement, Nalini vint empoigner le haut de la jeune fille pour la tirer debout dans la crainte qu'elle ne puisse se lever toute seule. Sans savoir quoi dire, d'un regard elle lui conseilla de se rhabiller. La jeune femme se tourna de dos pour lui laisser de l'espace. Elle s'agenouilla également pour vérifier que l'homme respirait et fouiller ses poches à la recherche de papiers d'identité qu'elle déroba.

"- Il n'est pas mort." dit-elle en kerch.

Elle avait presque envie de s'excuser pour ça. Assumant que l'adolescente avait eu assez de temps, Nalini la regarda à nouveau.

"-Tu te sens de marcher ?"

Comme un écho sourd, l'homme se réveilla sans se relever et marmonna.

-"T'en mêle pas sauvageonne." Racisme décomplexé.

Nalini passa un bras autour de la silhouette de la jeune Kerch, sans la toucher pour ne pas la brusquer. Comme pour la protéger des mots acerbes de ce vieux mercurien. Sans prêter plus attention à l'homme, Nalini amorça la marche. Elle voulait s'éloigner de ce lieu de malheur.

"-Tu veux que je te ramène quelque part ? Chez tes parents ?"

Elle était en colère, elle était calme. Une colère froide.

Pour ses sœurs, elle était arrivée trop tard. Cette fois encore, elle arrivait trop tard. Mais cette fois, elle pouvait aussi faire la différence.

Je ne pleurerais pas. Je ne lui donnerais pas cette satisfaction. J'en suis persuadé. Tellement que j'ignore sans complexe les larmes qui trempent mes joues. Ca doit être de la frustration, de la douleur et de la rage.

Pourquoi je sais pas me débrouiller toute seule ? Depuis le temps !

Non non non ! Je sais faire !

Mais pourquoi j'y arrive pas ? J'ai l'impression qu'il me draine ce porc. Pourquoi je me sens si … Cassée ? Il ne m'a rien cassé... Je crois. Il m'a dégueulassé, j'en suis sûr.

J'ai déjà vu des gens baiser dans les coins sombres. Je suis pas une petite âme pure. Mais là,c 'est pas pareil. C'est moi, et moi, je veux pas. Et il me frappe et il me fait mal. Je sais pas quoi faire.

Je veux pas pleurer ! Je pleurerais pas... Mais mes larmes, de rage, de colère, débordent.

Et il s'écroule. Il ne me libère pas, il tombe juste. Il a ruiné mon pantalon. Je le déteste cet enfoiré.

J'entends une voix, une voix de femme. Je veux pas qu'on me voit comme ça. J'ai pas envie qu'on me parle, j'ai pas envie qu'on m'aide. Je pige que dalle et on me remet debout. Mes jambes tremblent.

Me rhabiller.. ? J'ai l'impression qu'on doit me dire de respirer pour que je pense à le faire. Je me sens perdu. Pourquoi il m'a fait ça ?

Je tire sur mon haut et raccroche comme je peux mon pantalon sur mes hanches même si le bouton à sauté et que la ceinture s'est déchirée. Ca tient pas bien mais c'est mieux que rien.

Il est pas mort... Il est pas mort qu'elle me dit.

-Jpeux ouais, chuis pas en sucre.

Ma colère n'est pas contre elle mais elle déborde, je me sens incapable de la refreiner. Et l'autre qui insulte la seule qui s'est bougé le cul pour m'aider ?

Ce connard me fait dresser frisonner de dégoût et de rage. Il ose ? Et il est encore vivant ?

J'amorce quelques pas, entraînée par cette mystérieuse sauveuse Suli quand un sursaut, une pulsion, de je-sais-pas-quoi me prend.

D'un coup d'épaule un peu hargneux qu'elle n'a clairement pas mérité, je me dégage de la femme pour retourner en arrière, je tiens pas bien debout et en fait, je m'écrase même à califourchon sur ce putain de porc.

Cette fois, je l’atteins, mon couteau. Je l'atteins très bien et je le manie encore mieux. Un cri, un autre, de pure rage, me déchire la voix.

Je n'ai jamais tué personne avant aujourd'hui.

Et je ne tire aucun plaisir à me venger.

Mon couteau se plante une fois, deux fois, trois fois sur ce avec quoi il m'a touché et ses cris d'agonis se transforment en gargouillis quand je tranche ses cordes vocales.

Mon souffle est court et mes cheveux sales et emmêlés me tombent devant les yeux. Ca ne m'a pas soulagé. Je sais pas quoi faire. Ca n'a rien changer. Je sais pas quoi faire !

-J'ai pas de parents.

Désolée, Adrian... Ou même toi, grand cornichon. Je veux pas que vous me voyez comme ça. Jamais.

-Je sais pas où aller... Je sais pas...

J'ai l'impression de me balancer au bout d'une corde et que celle-ci vient de lâcher.

-Merci...

J'ai une toute petite voix pour ça, comme si j'avais honte.

Mais j'ai honte. J'ai tellement honte.

J'ai tué quelqu'un. Que va dire Adiran ? Mais il m'a fait du mal... Je pouvais... Non ? Je suis un peu perdu.

J'ai un reniflement très disgracieux alors que je relève la tête vers le ciel.

-Il fait moche ce soir...

Un peu machinalement, je me relève du cadavre de ce mercurien anonyme qui restera sûrement longtemps mon pire cauchemar.

J'ai l'impression que je vais tomber.

-Vous savez où je peux prendre une douche... Sans qu'on puisse me voir... ?

Je pose enfin, vraiment, les yeux sur la Suli. Elle est élégante, d'une grande beauté... Et je sais pas, elle a cette aura...

Je vous en prie... Continuez à me sauver.

La violence.

Sans détour, sans superflu. Juste un déchaînement pur de colère.
Nalini ignorait pourquoi elle n'avait pas tenté d'arrêter la jeune fille. Elle l'avait regardé faire sans bouger. Un battement de cil, une fraction de seconde et c'était terminé. L'homme ne respirait plus.

La jeune suli ne ressentait rien.
Pourquoi les sankts n'avaient-ils pas protégé cette enfant ? Nalini ne se posait jamais la question. Elle croyait à leur bienfaisance sans pour autant croire en leur omniscience.

La jeune femme souffla un coup. Elle jaugea la situation. Des règlements de compte il y en avait souvent dans la ville marchande. Prendre le temps de couvrir le crime ou de le maquiller ne les mettraient que d'avantage en danger.

Muette, elle récita une prière dans sa tête. Un psaume qui permettait aux esprits de ne pas errer sur terre. Cette idée même serait terrible. Elle alimentait le folklore suli. Mais Nalini n'avait rien des sages de sa communauté. Elle était plus égoïste avec un fort penchant pour le profit. Par contre elle conservait le calme de son clan. Même si elle bouillonnant de l'intérieur, la jeune femme montrait un stoïcisme à tout épreuve.

Face à cette enfant, couteau à la main, aussi peu délicate fut-elle, Nalini tendit sa paume.

"Donne le moi." Elle ne voulait pas se montrer trop directive mais elle avait peur qu'elle ne se blesse avec une lame aiguisée. Elle retira également son manteau pour laisser découvrir une longue robe noire et le posa sur les épaules de la jeune fille.

"Comment est-ce que tu t'appelles ?" Lui demanda-t-elle en la zieutant du coin de l'œil. À ces mots, Nalini engagea la marche laissant le corps sans vie, joncher sur le sol. Avant de sortir de la ruelle, elle prit soin d'observer le mouvement des foules et attendit que personne ne les regarde pour s'éclipser, amorçant un rythme qui les rendrait discrètes. Alors elle continua en murmurant.

"Je doute que le conseils des marchands se taise fasse à la perte d'un mercurien. Tu devrais sûrement faire profil bas le temps que l'affaire ne s'étouffe." Elle ne voulait pas la pousser à fuir. Elle n'avait pas à avoir honte de quoique ce soit. C'était une victime. Mais le meurtre faisait d'elle une coupable.

"Je loue une petite chambre, je t'y emmène. Tu pourras te laver et je te prêterai quelques vêtements." Elle ne lui laissait presque pas le choix. Que pourrait-elle faire seule de toute manière ? Rien de productif, pensait-elle. De cette manière, les deux jeunes femmes traversèrent le barrel sans se retourner.

"Tu as quel age ?" Nalini avait besoin de savoir qui était cette jeune fille même si rien de ce qu'elle ne pouvait lui dire ou faire ne l'empêcherait de l'aider.

Je boue de rage. De douleur. Je ne sais pas vers quoi la diriger. Je ne sais pas de quoi j'ai besoin. J'ai mal. J'ai si mal. J'ai l'impression que mon âme m'insulte pour l'avoir laissé faire ça. Mon corps me hait pour avoir été touché. Je me sens mal, sale, mauvaise. Je me hais toute entière. Mes mains sont rougies par son sang mais mon esprit est martelé par ses assauts.

Il faut que je fasse quelque chose, que je me cache du monde, que je lèche mes blessure pour redevenir celle que je suis. Il me faut mon masque, celui qui me semble grotesque et grossier à l'instant T alors que je le revêts.

Je me cache derrière ma colère et gronde quand la Suli me demande mon arme.

-Ca va pas ?

Je suis sérieuse, ma question l'est tout autant. Elle veut me faire du mal aussi pour me désarmer comme ça ? Ma lame disparaît dans son fourreau, dans mes vêtements en lambeaux.

J'ai un mouvement de recul et manque de grogner quand elle s'approche de moi pour déposer son manteau sur mes épaules. Elle est belle. Ca me fait chier de le remarquer. Je la suis sans un mot, mon regard étrangement alerte bien que terrassé par la fatigue, observe tout ce qu'il y a aux alentours. Est ce que c'est ce que veux dire Adrian quand il me dit qu'il faut que j'ai les yeux dans le dos ?

Si oui, je ne veux plus jamais les avoirs... Je ne veux pas vivre ça pour avoir cette capacité. Est ce qu'Adrian a vécu ça aussi ? Je ne veux pas y penser. Je veux pas penser à lui. Je veux pas le voir. Pas tout de suite.

Pourtant... J'aimerais être « à la maison ». En sécurité, au chaud. Putain, je suis qui ? C'est quoi la sécurité et un foyer pour l'Anonyme ?

Mes doigts se referment sur mes bras. Mes mains tremblent ?

T'es faible, Mia.

-Mia.

Mes barrières sont tombées. J'ai même pas réfléchi avant de lui répondre. Mais je fous quoi ?

-Et toi ?

Mon ton est presque agressif... On va se calmer là. Elle m'a sauvé la peau. Je lui dois peut-être la vie. Il disait quoi, Adrian, sur ceux qui vous sauve la couenne ? J'ai pas envie d'y réfléchir...

-T'inquiète, profil bas, ça me connaît. Mais si on veut me reprocher un truc, je vais tous leur couper les couilles.

Il n'y a aucune conviction dans ma voix. Faut chier. Je suis lamentable. Je crois que si je m'arrête, je vais me mettre à pleurer, je vais m'effondrer. Faut pas putain ! Faut pas.

Sinon, Adrian va le voir. Et il en parlera au grand cornichon.

Je veux pas qu'ils sachent. Je veux pas de leur pitié. Je veux pas qu'ils me prennent dans leur bras...

Je veux rentrer...

-Merci...

A défaut de rentrer, au moins... Je serais propre...

-Pourquoi t'as fait ça ? J'ai rien à t'offrir pour te remercier.

Je ne vois pas trop où je vais, je la suis aveuglément, en confiance. Je suis trop bête. Mais je sais pas quoi faire d'autre.

-Quatorze.

Je commence à me cacher derrière mes cheveux.

-Tu loues ? T'es que de passage alors ? Pourquoi t'es venue dans ce foutoir du diable ?

Qu'elle me parle...