Immaculée |ft Luka

Immaculée
@Nikodim Missalov & @Luka Leonov  
On avait fait mander l'ancien soldat. C'était une missive discrète qui lui avait demandé à plusieurs reprises le secret sur le motif de la consultation. Nikodim avait l'habitude de ce genre de choses. L'humain était ainsi, dans ce genre de milieux, il se transformait en loup avide de secrets. Une fois ces secrets dans ses crocs, il en tirait parti pour une position de force. Avoir un médecin bavard dans sa poche, c'était s'assurer d'avoir de quoi faire déchanter ses opposants auprès du souverain.

Nikodim avait toujours respecté la close du secret médical. On le lui avait apprit. Et l'homme était fidèle à ses valeurs et ses principes. Pourtant... A ces débuts, nombreux.ses étaient celleux qui l'avait invité dans leurs boudoirs pour des "goûters" et autres joyeusetés afin de lui tirer les vers du nez. La cours était un bassin de requin où il fallait apprendre à nager.

Si dans un premier temps cela était anxiogène, l'homme avait prit l'habitude et avançait désormais la tête haute dans les couloirs. Son regard froid ne donnait pas particulièrement envie de s'entretenir avec lui trop longtemps. Habile masque pour qu'on ne l'asticotte pas de trop. Mais tous.tes savaient qu'une fois malade, on pouvait compter sur lui, et sur cette chaleur et cette bienveillance surprenante qui émanait de lui. Il avait donc quitté son cabinet aux relents herbeux qui lui collait désormais à la peau.

Nikodim préférait sentir les plantes que la poudre à canon et la mort. Les cernes qui noircissaient ses yeux n'étaient que les marques supplémentaires du manque de sommeil et des cauchemars de ces batailles qui le hantait. Il n'y avait pas pris plaisir. Mais il se souvenait de ce sang qui bouillonnait dans ses propres veines quand il plongeait sa lame en poussant des cris gutturaux. Il se souvenait de l'impression d'être aussi mort que ses camarades, à la fin des conflits, et surtout, il se souvenait de la morsure du feu sur sa peau, de cette lave qui emportait avec elle son épiderme et sa beauté. Ne restait finalement qu'un spectre aussi mort qu'hideux autant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Les souverains n'avaient pas conscience de comment était la guerre, quand on la vivait éloigné, sur quelques remparts. Ils n'avaient aucune idée d'à quel point le métal hurlant contre son alter égo était assourdissant, il n'avait pas conscience que les cris déchiraient les tympans, que l'odeur âcre de la mort s'imprimait et marquait autant corps qu'âmes.

Ainsi, l'homme prit quelques bocaux, de ses mains expertes, les glissant dans une mallette contenant des rangements prévus à cet effet. L'odeur du vieux cuir... Nikodim aimait cette fragrance toute particulière. Cette valise le changeait de l'énorme coffre que l'homme devait porter sur son dos. Tout était à disposition, et rapidement. Il avait affaire bien plus souvent à de la bobologie type furoncle sur une fesse chez une marquise qui se doit de "paraître" qu'à des amputations sur le vif qu'il fallait cautériser sous les cris et dans la boue.

Saisissant son nécessaire de travail, l'homme s'était élancé vers l'endroit du rendez-vous. Cela arrivait, parfois, afin d'assurer le maximum de discrétion. L'homme était bien habillé, comme toujours, une simple chemise d'un bleu roi, un veston gris perle et d'un pantalon coupe droite d'excellente facture. Cela le changeait. Il était obligé de bien paraître, devant la noblesse du pays. Il s'était arrêté à l'un des nombreux boudoirs, et avait frappé trois coups avant d'entrer, refermant avec soin la porte derrière lui.

"Bonjour. Vous m'avez fait mander ?" qu'il murmure. Son regard neutre et apathique embrasse un instant la pièce. Il n'était pas "beau" le médecin. Du moins était ce ce qui se murmurait. Ni particulièrement charismatique ou solaire. Cette description, à contrario, collait parfaitement à la peau d'un certain duc dont il n'oserait citer le nom.

Immaculée
@Nikodim Missalov & @Luka Leonov  
Il avait longtemps hésité avant de se lancer. Faire quérir un médecin pour ça c’était comme avouer qu’il y avait un problème. Et concrètement, il y en avait un, puisque physiquement, il n’arrivait pas à faire ce qu’il voulait quand il s’agissait des femmes. Et si jusque là il s’en contentait tout à fait, car il trouvait du plaisir auprès d’une certaine Fleur aux courbes masculines, il sentait la pression du patriarche peser sur ses épaules et il sentait que bientôt, il ne couperait pas au mariage arrangé et s’il fallait faire un gosse pour satisfaire les désirs de descendance de son cher père, alors… il pourrait toujours laisser la gouvernante gérer le môme. Dans tous les cas, le problème était d’arriver à… et bien à éprouver du désir devant une femme, et ça, c’était une chose qui lui paraissait impossible.

Des coups se firent entendre contre le panneau de bois et l’anxiété de Luka monta d’un cran. Il était là, le Docteur Missalov. On lui avait dit du bien de lui, on lui avait assuré qu’il était d’une discrétion sans égale. Alors, il avait fini par le faire mander.

« Entrez ! »

Il observa l’homme entrer, refermer soigneusement la porte derrière lui ensuite saluer.

« Oui. Bonjour docteur. »

Luka salua également d’un signe de tête respectueux avant d’indiquer le sofa près d’une table basse, accompagné d’un fauteuil.

« Installez-vous où vous voulez. Souhaitez-vous un thé ? J’ai un excellent thé noir aux touches de cardamomes et de cannelle. »

Depuis qu’il fréquentait Milo, il avait pris goût pour les thés, surtout les thés épicés. Et à chaque voyage à Ketterdam, il revenait avec des thés divers. Son placard en regorgeait, il aimait l’ouvrir, ça sentait bon. Les appartements de Luka étaient extrêmement simples. Un espace très épuré avec un lit et une penderie, un autre espace pour le bain et enfin, une sorte de salon qui lui faisait office de bureau. Le meuble était installé sous la fenêtre, dos à la petite cheminée qui elle embrassait toute la pièce du regard, en face de la porte, dont les deux murs jouxtant étaient recouverts de bibliothèques et de livres. Il lisait davantage, aussi, depuis qu’il fréquentait les Fleurs du Lys Bleu. Ce n’était ni grand, ni petit, juste assez bien agencé et plus le temps passait, plus Luka personnalisait cet espace.

Il avait fini par acheter beaucoup de tableau à Milo, pour l’aider financièrement, mais aussi parce qu’il avait accepté de lui peindre des paysages et des animaux, choses qui n’éveillaient aucun soupçons chez son père. A contrario, le portrait de Frerin était jalousement gardé dans le fond de son armoire. Il ne le sortait que rarement, pour l’admirer, défaisant alors chaque couche de tissu soyeux et protecteur avec lenteur. Le souvenir de Frerin était vif, et s’il n’avait pas besoin de ce tableau pour penser à lui, il aimait le travail de Milo et savait interpréter avec justesse l’essence des personnes qu’il peignait.

« Je vous remercie d’être venu. On m’a dit que vous êtes très discret et j’ai besoin d’une grande discrétion à propos du sujet dont je vais vous parler. Cela ne doit jamais arriver aux oreilles de mon père. Cela est-il possible pour vous ? »

On était jamais trop prudent. Il avait besoin de voir dans le regard du médecin qu’il pouvait lui faire confiance et il ficha ses prunelles azur dans les iris sombres de l’homme qui lui faisait face, comme s’il cherchait à sonder son âme.

Immaculée
@Nikodim Missalov & @Luka Leonov
Et l'homme est une ombre, dans les couloirs. Il ne regarde personne, et on ne le regarde peu. Comme si il utilisait ses dons pour passer inaperçu. La réalité est autre. Les gens ont bien compris qu'il ne révélerait jamais ses secrets, qu'il les emporterait dans la tombe. Alors à quoi bon l'inviter à des mondanités qui semblent le faire mourir d'ennui ? Il n'était pas apprécié plus que cela, contrairement à sa chère épouse qui ne laissait personne indifférent. Soit on l'adorait... Soit on la détestait. L'homme aurait voulu être aussi remarquable, mais il fallait croire qu'il était voué aux ombres. Il entrait calmement dans la pièce, se posant à l'endroit indiqué par l'homme, posant également à ses côtés son gros sac en cuir qui contenait tout le nécessaire pour résoudre les problèmes de ces messieurs dames. L'homme qu'il avait en face de lui était un militaire. Cela se voyait à son uniforme. Si Nikodim en avait eu un durant la guerre, il l'avait remisé au placard. Le fauteuil était confortable, et le médecin y aurait bien récupéré ses nuits sans sommeil, mais il était trop professionnel pour ça.

"Un thé, tiens, c'est une bonne idée, ce sera avec plaisir. Rien de mieux pour se tenir en alerte. Ce serait vraiment sympathique de votre part." De toute façon il allait bientôt savoir pourquoi on l'avait mandé. La dernière fois qu'il avait été convié, c'était dans un boudoir au moment du... Quatrième goûter de la journée ? Les nobles passaient leur temps à badiner. On lui avait fait raconter quelques récits des horreurs de la guerre, devant des ricanements ridicules. La plupart n'avaient aucune idée de ce qu'ils avaient pu traverser, perdre, sur le champ de bataille. Et Nikodim en était ressorti honteux, la plèbe était cependant divertie. Il aimait la médecine, mais détestait son travail actuel. Néanmoins il n'y avait que le soldat dans la pièce. Elle était lumineuse, bien décorée. Les paysages accrochées à des toiles étaient du plus bel effet, et donnait l'impression qu'il existait un "ailleurs" encore sauvage, loin de la cour, loin de tout. Cela lui fit penser à la demeure de Ksenia, à cette maison de maître perdu au milieu de la verdure de Ravka dans laquelle elle élevait des chevaux. Et l'homme souhaita de toutes les fibres de son corps, à cet instant précis, s'y trouver. Mais il devait être présent pour ce qu'on lui demandait.

"Oui j'ai tout intérêt à l'être, sinon on ne ferait pas appel à moi." Qu'il dit, un micro sourire sur la bouille. Il ne dit rien, à personne. Il pourrait l'assurer encore et encore, mais il trouve ça étrange et suspect de le faire. Alors l'homme ne dit rien de plus. Avant de finalement hocher la tête. "Pour tout vous dire, je ne connais pas votre père, et je me vois mal lui parler de l'intimité d'une autre personne. Secret médical. C'est possible pour moi. Respirez, on dirait que vous allez me faire une annonce incroyable." Quelle pression son père pouvait mettre sur lui pour qu'il en vienne à demander cela à Nikodim ? Il ne le savait pas. Mais il avait connu le père de Darius, et il savait que quand une réputation était en jeu, certains puissants étaient prêts à tout. Son regard froid se plonge dans celui de son vis à vis. Il ne parlait pas, jamais, à personne, il gardait tout pour lui. Toujours. Il n'avait pour l'instant jamais failli. Même pas devant sa compagne. Car il était lié par le secret et la confidentialité à ses patients. "Vous vous êtes sans doute renseigné sur moi avant de me faire mander. Vous avez entendu les avis, les dires des gens, et ma réputation. Il n'y a aucun soucis à vous faire. Expliquez moi la raison de ma venue." Sa voix est douce, apaisante. L'homme est d'un naturel calme. Toujours. En d'autres mondes, il aurait été faiseur de marée, peut être, au lieu d'être un changeur de peau.

Immaculée
@Nikodim Missalov & @Luka Leonov  
L’homme qui avait pénétré ses appartements était d’une discrétion impressionnante. C’était à peine s’il entendait le bruit de ses pas, et pourtant Luka avait l’ouïe affûtée. Cela confortait la description qu’on avait fait de lui et ça l’arrangeait bien. De toute façon, il détestait les gens bruyants. Il l’invita à s’installer et commença à préparer le thé, qu’il en veuille ou non, le fait d’avoir cette boisson chaude entre les mains pour ce qu’il s’apprêtait à dire le rassurait fortement. Il hocha la tête avec un demi-sourire lorsque le docteur accepta la proposition.

Il revint vers lui avec les tasses et puis se déplaça à nouveau pour la théière. Ils devaient attendre un peu avant de pouvoir le boire. Il en profita pour le questionner sur sa fiabilité et le médecin ne tarda pas à lui fournir des arguments convaincants. Luka eut un haussement de sourcils tout à fait surpris quand son interlocuteur affirma ne pas connaître son père. Il était crispé, devait-il désormais vendre son identité ou la garder jalousement secrète pour éviter que le docteur ne fasse le lien s’il venait à le rencontrer ? Mais enfin, cela était difficile de ne pas faire le lien, non seulement ils se ressemblaient mais Vladimir Leonov n’hésitait pas à vanter les mérites de son fils à qui voulait l’entendre.

Plongé dans ces réflexions particulièrement difficiles pour lui-même, il fut presque surpris lorsque le docteur l’invita à parler en tout confiance. Il était vrai qu’il avait fait tout ce chemin pour ça. Alors, Luka servit précautionneusement le thé dans les tasses de porcelaine blanche en provenance d’un marché de Ketterdam, elles étaient sobrement décorées de motifs abstraits d’une couleur ocre. Il poussa une tasse vers le docteur et enroula ses mains autour de la sienne, malgré la sensation de brûlure que ça lui provoquait. Son regard chercha celui du docteur.

« Je...j’ai mis du temps à comprendre que mes préférences ne vont pas là où elles devraient. Physiquement c’est….impossible pour moi de….m’occuper d’une femme. Je n’arrive pas à …. »

Il marqua une pause en désignant d’un signe de tête son entre-jambe, puis tâcha de reprendre sa respiration, il essaya de ne pas avoir le regard trop fuyant alors qu’il poursuivait.

« J’aimerais que vous me conseilliez pour remédier à ça. C’est...si je me marie...pour faire des enfants. »

Il soupira, dépité. Mais il avait enfin dit ce qu’il avait à dire. Désormais, il regardait le docteur avec inquiétude. Il n’avait aucune intention de se marier, de faire des enfants, mais si jamais il cédait à son père, et c’était fort possible, alors...il devrait en arriver là. Il avait bien songé à penser à Frerin pendant qu’il serait avec une femme, mais rien que l’idée le rebutait. Il n’avait pas envie d’associer son amant à des obligations de ce genre. Il but une gorgée de son thé, du bout des lèvres, attendant un retour du médecin présent. Il paniquait intérieurement. Il avait tout dit, ou presque. Désormais son sort était entre les mains de cet homme dont il ne savait pas grand-chose et ça commençait à sérieusement l’angoisser. Malgré l’expression bienveillante de cet homme, malgré la boisson chaude qui réchauffait ses mains.

Immaculée
@Nikodim Missalov & @Luka Leonov  Le médecin est là, on ne l'appelle pas toujours pour "quelque chose" en particulier. Cependant, étant donné l'absence totale de public, cette fois ci, il sait qu'il n'aura pas à se représenter comme un chien savant, réciter un texte qu'il ne connaît que trop bien, alors, subrepticement il se détend, petit à petit, il tend l'oreille. Il observe, l'homme est nerveux, il le voit, dans la crispation de sa mâchoire et de ses mains, dans ses allers et venues, dans son regard, qui a du mal à se poser sur sa propre personne. Un médecin, et un soigneur, en général, ça apprenait à desceller les moindres indices, ce que la langue ne disait pas, le corps lui, le disait.

Chez certains c'était plus difficile à déceler que chez d'autres. Darius était parfois aussi compliqué à déchiffrer qu'un recueil de poème zémini. Tasse de thé entre les paumes, l'homme tentait de graver dans sa mémoire les motifs, il s'imaginait comment ils avaient étés dessinés, traçait le trait imaginaire dans sa mémoire. Nikodim faisait toujours ça, lorsqu'il voyait un dessin, un motif ornant certaines choses. Peut être que dans une autre époque, il aurait pu être artiste. Ou... Peut être aurait-il pu s'écouter un peu plus, et ne pas rechigner à utiliser ses dons de grisha pour réellement soigner. Au lieu de s'orienter vers la voie des tailleurs, peut être aurait-il pu devenir... Fondeur ? Soigneur ? Le soucis aurait été le même. Et pourtant, ces capacités, il les avait travaillés dans son adolescence, quand l'apparence est importante, quand on veut briller à certains regards.

Le militaire se livre, finalement. Et Nikodim croise élégamment les chevilles, finalement il restera plus longtemps, au regard des mots de l'homme. Il l'écoute, avec attention, avant de laisser échapper un sourire plein de bienveillance. Le sourire d'un homme qui, comme beaucoup, est passé par le même chemin. Il y a des tas de traces de bottes, sur ce chemin, parce que l'humanité peine encore à accepter ce type de personnes. Les Grishas, passe encore à la limite, mais le reste, il ne faut pas abuser. Oh il avait été chassé de son foyer pour cette raison.

"Les gens comme nous... Ils ont plusieurs solutions." Et en disant cela, le médecin croise le regard de l'homme. Son index se lève, alors qu'il porte sa tasse de thé à son nez, humant le parfum. "Je peux vous gaver de plantes et autres médicaments connus pour ces effets secondaires, après tout... Même si l'envie n'y est pas, une fois stimulé par les bonnes plantes, alors, l'étendard se dresse malgré tout." Puis, délicatement, son majeur vient se dresser également. "Sinon vous pourriez faire comme beaucoup d'autres, c'est la solution que j'ai choisi. Ce que nous appelons entre nous "un mariage lavande". Ma femme est attirée par et uniquement par les femmes, et moi... Hé bien... Voilà. Loin de la pression sociale, nous avons décidés de nous marier, pour maintenir les apparences pour... Pouvoir vivre nos vies en toute discrétions." Et, finalement, c'est son annulaire, orné d'une jolie bague en or blanc, qu'il lève. Le médecin. Et finalement il plonge le regard dans le sien. "Soit vous avez une ancre, une personne, un souvenir, peut être la chose qui vous a fait vous rendre compte que vous étiez inverti.... Et peut être... Peut être que cela suffira." Et il murmure, sirotant une gorgée de son thé. "Il n'y a néanmoins aucun bonheur, sur ce chemin, beaucoup d'angoisses, et de grands risques de vous rendre compte, à quarante ans passés, que ce n'est pas une vie que vous voulez continuer à vivre." Et Nikodim hausse les épaules. "D'autres personnes sont passés par là avant vous, d'autres y passeront encore après vous alors... Vous n'êtes pas seul. Si cela peut vous rassurer. Et... Il y a, il y aura toujours des... Solutions. Je peux vous aider, peut importe ce que vous choisissez." Qu'il murmure, baissant les yeux sur son thé. Son expression est humble. De toute façon, c'est ce que la vie lui a apprit.

Immaculée
@Nikodim Missalov & @Luka Leonov  
Il était impressionné par le calme que dégageait le docteur. Et surtout alors qu’il s’attendait à du jugement dans le regard, il n’en capta aucun. Pas même une once. Au contraire, ses prunelles semblaient dire qu’il comprenait. Lorsqu’il commença à parler, Luka se renfrogna. Il détestait être associé à ce nous. Et pourtant, il ne pouvait nier qu’il se sentait plus proche de ces personnes-là que de celles que son père aime tant côtoyer. Malgré tout le malaise que cette association lui faisait éprouver, cette colère grondante, il s’empara de sa tasse pour la tenir et se calmer. Le docteur reprenait déjà.

Luka rougit presque à la description de l’effet des plantes. Oui, c’était ça l’idéal, que ça soit mécanique, comme ça, nul besoin de réfléchir. Il observa les doigts du docteur évoluer sur la tasse et se sentit comme hypnotisé. Mais la voix s’éleva à nouveau. Suggéra une autre idée. Une idée qui lui était quelque part venu en tête puisqu’il avait fait la démarche de trouver une fiancée qui accepterait de jouer le jeu sans rapprochement physique, du moins, pas au-delà du baiser chaste pour faire plaisir à son père. Il fut surpris du terme employé.

« Lavande ? Pourquoi lavande ? »

Il parla de discrétion, de commun accord entre les époux. Il hocha la tête, plutôt curieux à vrai dire, et surtout surpris que le médecin lui offre un tel secret sans même hésiter un seul instant. Il regarda la bague sur l’annulaire avec curiosité. Pourrait-il se marier à une femme et continuer de fréquenter des hommes ? Ça lui semblait compliqué.

« Inver-quoi ? »

Malgré son incompréhension de ce terme spécifique, il compris l’idée. Aussitôt l’image de Frerin s’invita dans son esprit et il secoua la tête.

« Non pas ça. »

Il était catégorique dans son ton. Il ne voulait pas l’associer à ça. Il chérissait malgré lui ce souvenir avec lui et il ne voulait pas penser à lui en compagnie d’une femme. Il but une gorgée de thé, pour se reprendre. C’est la voix peu assurée qu’il lança.

« La première option me semble acceptable. J’ai trouvé une jeune femme qui accepte de faire semblant de m’épouser, mais si on devait aller jusqu’au bout, alors… je ferais appel à vous pour cette première solution docteur. Dites-moi, c’est sans danger pour le corps ? Ces plantes spéciales. »

Luka compris rapidement que le calme qui provenait du médecin avait beaucoup avoir avec son expérience. Il avait l’air d’accepter sa situation avec une tranquillité sans égale, là où Luka fulminait plus que de raison.

« C’est une solution qui vous convient ? Votre mariage ? »

Buvant de nouveau une gorgée, Luka en profitait pour l’observer, captant son regard curieux. Il était difficile pour lui de ne pas lui poser plus de questions personnelles. Il ne voyait pas comment il était possible de vivre comme ça tout en étant sûr d’être discrets.

« Je veux à tout prix éviter le mariage. Mais si j’y suis contraint, je ne me vois pas être infidèle à mon épouse. »

Malgré lui, Luka cherchait en ce médecin la solution à ses problèmes et une partie de son indécision. Alors, il le regardait comme s’il détenait la clef d’un trésor inestimable.

Immaculée
@Nikodim Missalov & @Luka Leonov Le médecin voit bien, que ce qu'il dit, que sa remarque déplaît. Mais il est détaché, et il ne fait que livrer, en substance, son message, les opportunités qui s'offrent à l'homme, il les décompte les uns après les autres.

"Le violet est une couleur qu'on associe aux femmes et à leurs luttes généralement. Ce mariage lavande c'est l'opportunité donnée aux femmes de vivre leurs vies comme elles l'entendent. C'est aussi la couleur que certains portent comme message, subtil, pour que..." Il fronce les sourcils, cherchant à évoquer clairement les choses. "Pour que les gens comme moi, on se reconnaisse entre nous." Il ne l'a pas mis dans le panier, de peur de le faire entrer dans une rage folle. Manifestement l'homme sait ce qu'il est, mais refuse de mettre les mots dessus. L'un des aspects les plus pernicieux du déni. Et peut être le plus désagréable. Il répond volontiers aux questions, le médecin, que faire d'autre, quand on a quelqu'un d'aussi troublé, perdu en face de soi. Mais il n'a pas l'habitude. Nikodim a su très tôt quels étaient ses goûts. Et il a également su très vite vers qui son coeur balançait. Amour de jeunesse, il était devenu figure inaccessible. L'homme, naguère enfant insouciant était désormais un adulte ployant sous les regards de la cour. Il avait tellement changé. Peut être qu'il se serait battu, à une époque pour des idéaux qu'il ne brandissait plus en étendard depuis longtemps. Sa bannière était désormais terne.

"Mais... Si elle accepte de faire semblant, accepte t-elle d'aller jusqu'au bout ? Vous évoquez le fait d'avoir des enfants, est-ce sa volonté ? Dans ce genre d'entreprises il est primordial de discuter en amont afin de poser ses propres limites." On ne se soucie pas assez de l'avis des femmes, au goût du médecin. Et il hausse finalement les épaules. "Il y a des tas de personnes qui y ont recours. Il n'y a jamais eu corrélation entre la cause de leur mort et ces plantes. Mais tout antidote peut devenir poison et inversement pour peu qu'on le dose convenablement, après tout. Je ne saurais vous le dire."

Un rictus échappe à l'homme, lorsque le militaire lui demande si la solution lui convient. Oh... Il aurait tellement rêvé mieux. Il aurait voulu tellement de choses. Mais... Il y avait les apparences, ces foutus apparences. Toujours les mêmes. L'homme lisse distraitement son veston du plat de la main. Main qui a été rendue calleuse par le labeur. Des mains de guerrier, des mains de guérisseur. Il lève les yeux pour croiser le regard de Luka. Lui, l'homme plein de ce spleen qui ne le lâche jamais. De cette morosité accroché à son faciès. Il était plein de cette essence. C'était peut être également pour cela qu'on ne le faisait pas vraiment assister à certaines mondanités, qu'on ne l'intégrait pas réellement à la cour. Et cela arrangeait l'homme.

"Vous en voyez une autre ici ? Ksenia... Nous nous connaissons depuis des années. Elle avait besoin de liberté qu'aucun autre n'aurait pu lui laisser. Et moi... J'avais besoin d'une alliée lorsque je suis arrivé à la cour. Elle a prit soin de moi au dispensaire et est devenue ma plus fidèle alliée. Je ne pourrais jamais caresser l'espoir de vivre au jour ma relation, et je dois me contenter de la nuit et des apparences. Mais..." Il montre tout l'endroit d'un geste du bras. "Après tout... Cela va avec l'endroit. Toute cette opulence... Tout cela pour une meute de chiens avides de faveurs, ils feront tout pour se faire tomber en déchéances les uns les autres." Et il boit, tranquillement. Ce qu'il dit, encore une fois, pourrait l'envoyer en prison, il le sait. Et il sait, également, que son Duc ne sera pas toujours là pour le protéger. Il sait également... Qu'il n'aura jamais plus que quelques miettes.

"Vous cherchez à faire plaisir à qui ? A l'âge que vous avez, le mariage ne doit pas être une préoccupation bien grande pour vous. Du moins... Jusqu'à maintenant. Sinon... Cela ferait bien longtemps que vous auriez une bague au doigt." Qu'il murmure. "Ce n'est pas une question de fidélité ou d'infidélité. Si ce mariage est une mascarade aux yeux du monde, pourquoi emprisonner l'autre, et s'emprisonner soi même ?" Nikodim repose doucement sa tasse, se redressant. "Enfin. Je ne suis personne pour vous dire ce genre de choses. Pardonnez moi. Je ne pourrais pas être protégé éternellement après tout, je devrais surveiller ma langue." Qu'il murmure, un piteux sourire sur les lèvres. "J'ai passé la plupart de ma vie sur le front ou auprès des plus démunis, on ne s’embarrassait pas de ronds de jambes. J'ai encore du mal à trouver un positionnement adéquat ici. Mais il ne fait aucun doute qu'un jour, on me remettra à ma place." Et il vient se poser tout proche de la fenêtre, l'homme a vu sur les jardins, sur ces jolies portails et grilles de fer recouverts de feuilles d'or. Il caresse un instant le carreau. Parfois ce joli palais a des airs de prison.

Immaculée
@Nikodim Missalov & @Luka Leonov  
Bien qu’il ne se soit jamais intéressé particulièrement à la cause des femmes, il avait remarqué que très souvent, à en côtoyer quelques unes, elles semblaient souvent véhémentes et acharnées quand il en touchait à des droits humains. Et il était aussi vrai qu’éduqué par son père, la considération des femmes comme des être égaux à part entière n’était pas son fort, loin de là. Il était extrêmement difficile pour lui de faire le cheminement de pensées par lui-même. Alors, heureusement pour lui, la curiosité lui permettait d’apprendre des choses, et de s’ouvrir l’esprit. Il n’avait pas le désir d’écraser les femmes au quotidien, mais il ne percevait pas non plus la lutte qu’elles menaient tous les jours pour se faire respecter. Ainsi, cette histoire de couleur l’intrigua énormément. A côtoyer Milo, il s’était quelque peu ouvert à l’importance des couleurs et des formes, ainsi qu’aux messages qu’il était possible de transmettre à travers elles, mais, là, avec cette exemple, et malgré sa gêne contradictoire à y être associé, il trouvait l’exemple très parlant.

« D’accord, merci pour la précision. »

Il était parvenu à maîtriser cette colère, car après tout, c’était lui qui avait fait mander ce médecin, lui qui posait des questions. Il était impulsif et sanguin, mais il ne voulait pas se montrer injuste. Du moins, il essayait, le plus possible. Alors qu’il évoquait Olivia sans la nommer, il sentit le médecin se tendre. Il avait l’air d’avoir besoin de mettre des choses au clair. Luka hocha la tête.

« On a pas parlé de ça, mais je ne la forcerais à rien si c’est ça qui vous inquiète. Je me renseigne juste des possibilités en avance. On m’a toujours appris à avoir plusieurs coups en avance. »

Rassuré d’entendre que personne ne semblait être mort de ces mélanges de plantes, il eut cependant conscience que ce n’était pas à prendre à la légère pour autant, et la réserve qu’émettait le médecin lui parvenait et lui donnait matière à réfléchir. Finalement, Luka laissa sa curiosité prendre libre cours et questionna l’homme en face de lui. Il évoqua une relation aux allures idylliques pour la situation dans laquelle il se trouvait. Mais il semblait envahit d’une mélancolie si forte et intense à la mention de celui qu’il aimait et voyait en secret qu’il se sentit happé par cette émotion. Il ne voulait pas ressentir ça avec Frerin. Il ne voulait pas. Son cœur s’ébroua avec force. Il ne s’indigna même pas des propos à l’égard des nobles. Il haussa les épaules. Il pensait comme lui. Il ne les aimait pas, ces nobles qu’il était obligé de côtoyer. Il préférait les soldats, les inconnus dans les taverne. Il songea à sa rencontre avec Ace. Oh oui un bon ami qui ne se prenait pas la tête avec des courbettes inutiles. Il songea à Frerin, encore une fois. Il se sentait si vivant à ses côtés. Et Olivia, elle aussi l’obligeait à être spontané. Il commençait à l’apprécier, et sa langue bien pendue.

La question du médecin le fit revenir à la réalité. L’obligea à une introspection à laquelle il n’aimait pas s’adonner. Il était vrai que depuis le départ, il faisait simplement tout ce que son père lui disait de faire, il le laissait diriger chaque instant de sa vie comme si il en avait tous les droits. Parce qu’il était son père, voilà tout. Il devait rester le fils prodigue. Le fils aimé. Le fils parfait. Malheureusement, la perfection l’avait délaissé lorsqu’il s’était aperçu qu’il préférait la chaleur du corps des hommes à celle des femme. Il désirait Frerin comme il ne désirerait jamais aucune femme. Il voyait en lui la liberté à laquelle il se sentait interdit. Il voulait être à ses côtés. Plus que tout à présent. Mais il ne pouvait pas.

« Ne vous excusez pas docteur. J’entends bien que c’est compliqué. Vous-même savez à quel point il est difficile de se défaire du carcan dans lequel on nous a façonné depuis notre plus jeune âge. J’ai pu échapper au mariage parce que je travaille au plus près du roi, mais mon père commence à se faire vieux et il commence à insister. Il est la seule famille qui me reste. Et je n’emprisonne personne, ma fiancée est tout à fait au courant de ce qu’il en est. »

Il soupira. Songeant à Olivia et ses raisons. Ils s’étaient probablement bien trouvés. Et il était persuadé qu’elle saurait l’aider au moment venu. Peu importe la solution. Il avait étrangement appris à lui faire confiance. Luka observa le médecin se déplacer jusqu’à la fenêtre, puis son regard accrocha les peintures de Milo. Il songea à toutes ces personnes qui lui demandaient pourquoi il faisait ça. Il se crut obligé de préciser.

« Vous savez, ce n’est que temporaire tout ça. J’ai songé à faire machine arrière, mais… J’ai promis à ma fiancée de jouer le jeu maintenant, selon nos accords. Je ne veux pas me débiner maintenant. »

Il se cachait peut-être derrière sa promesse, puisqu’elle lui assurait une atmosphère confortable auprès de son père qui insistait moins pour avoir sa présence et qui l’envoyait retrouver sa chère et tendre, dans l’espoir de voir une descendance arriver plus tôt que prévu.

« Par contre.. Je sais que je blesse une autre personne en faisant ça. Et, je ne sais pas comment faire pour atténuer ça. Votre compagnon… comment il prend ça ? »

Il plongea son regard dans sa tasse vide et froide. Les quelques feuilles de thé au fond semblaient le narguer. Frerin lui manquait, terriblement.

Immaculée
@Nikodim Missalov & @Luka Leonov Le médecin reste bien droit, digne, certains diraient, alors qu'il regarde son vis à vis. Le militaire -son uniforme parle pour lui- a bien des choses à avouer, et si il n'en a pas conscience, cet entretien tient plus place de thérapie que de consultation. Mais Nikodim se doute que si il le dit à voix haute, l'homme risque de se renfrogner. Alors il préfère le silence. Il est délicat avec ses patients, caractéristique qui n'est pas propre à tous les médecins qu'il connaît. C'est contre-productif selon lui. Il boit ce thé qui lui réchauffe délicatement le corps, le coeur, et les paumes, ses souvenirs sont éparses, et il les revoit, les uns après les autres. Alors qu'un timide sourire vient glisser sur ses lèvres. Il inculque à l'homme un peu de la culture dans laquelle il a passé sa vie à baigner. Le médecin hausse les épaules, un sourire jaune sur le visage.

"Effectivement. Je comprends le besoin d'avoir des coups d'avances... Néanmoins vous vous aventurez sur un terrain glissant, et il y a bon nombre de traces de bottes qui ont devancés les votres. ça se finit rarement bien."

L'homme était comme un oiseau en cage, lorsqu'il évoluait dans la cour, mais son regard perçant ne mentait pas, et cachait une langue acéré, lui donnant des allures de tigre, plutôt que d'oiseau. La mélancolie lui bouffait le visage. Sa femme lui avait déjà dit, qu'elle commençait à trouver son état alarmant, mais lui faisait comme si de rien n'était. Le médecin ne pouvait que comprendre la situation dans laquelle se trouvait son vis à vis. Un rire sans joie lui échappe.

"Certains parents espèrent la renommée et la descendance de leur enfant, plutôt que son bonheur. J'avais 15 ans quand on m'a chassé de chez moi et envoyé sur les routes "pour mon bien" et parce que mes parents me considéraient anormal. Et si nous arrêtions de chercher à plaire à d'autres ? Et si on cherchait à être nous même, réellement ?" Son expression se fait dure. "Oh. Bien sûr ici, c'est impossible. Parce que la renommée fait tout, et les rumeurs sont destructrices. Je ne puis pas être à votre place, mais... Il vous faut tenir au courant votre fiancée du moindre de vous "coups d'avances". Dans ce genre de partenariat, la communication est le maître mot."

Nikodim observe les jardins, il y voit des nobles s'y balader, des p'tites gens travailler. Lui il était gamin de rien. Un gueux, cela se murmurait sur son passage. "Alors ne faites pas trop durer le plaisir, sinon, je me fais la sibylle de votre situation : Vous serez malheureux. Croyez en quelqu'un qui le vit." Et Ksenia était adorable, elle était soutenante, forte, téméraire. Mais lui comme elle étaient incapable de vivre leur idylle comme ils le souhaitaient. "Et ce genre de choses, ce genre d'attrait finit toujours par se remarquer, dans ce nid de crabes. Nous projetons d'avoir un enfant ensemble pour le bien de notre secret, et dans le fond, aucun de nous le veux. Je pense... Qu'il n'y a rien de pire."

Et quand il est mention de son compagnon, le médecin rit jaune. "Mon compagnon ? Trop haut placé pour vivre autrement que dans la bonne voie. On attend beaucoup de chose de lui." Et son regard se plonge dans celui du blond. "Je suis condamné à être dans l'ombre de sa vie, à être un secret honteux et inavouable. Je suis l'amant du placard, qui jamais ne pourra se balader au bras de l'homme qu'il aime. Je suis celui qui doit vivre caché, impossible d'échanger un regard ou un baiser quand on se croise, impossible de vivre. Je suis piégé, acculé, et il en sera toujours ainsi. Alors mon compagnon... Il n'a pas le choix d'accepter."

Et le Duc avait épousé une femme infidèle, incapable de lui fournir ce qu'il souhaitait le plus. Une descendance. Il tenait bon, droit dans ses bottes, jusqu'à ce qu'il finisse en morceaux. Et Nikodim n'était qu'un spectateur du supplice volontaire. Il ne pouvait l'aider autant qu'il le voulait. Il souffrait de la situation autant que son vis à vis. Un sourire à en fendre le coeur, ses doigts osseux tenant fermement la tasse, il ferme les yeux, pour cacher cette douleur et cette peine.

"De grâce, si vous aimez cette personne, ne lui faites pas subir ce genre de choses. Généralement... Quand on est prit dans la chose, on ne se rend pas compte de la peine qu'on engendre, ni même ce qu'on impose à autrui. Pour en revenir à votre secret, il sera bien tenu. Quant à votre requête... J'ai ce qu'il faut pour vous, n'hésitez pas à venir à moi lorsque vous en éprouverez le besoin. Et si un jour... Vous le désirez, je pourrais vous présenter aux bonnes personnes. Vous offrir un cercle prêt à vous soutenir."

Il repose la tasse, toujours digne, faisant fit de ce trou béant, de cette blessure mortelle qui le fait souffrir, jours après jours. Ah... L'amour n'était pas affaire facile. Et Darius n'était pas un homme dont il était plaisant de tomber amoureux. Il ne montrait rien, jamais. Il détestait les grishas, en prime. Le médecin devait souffrir d'une affliction le poussant vers des amants qui ne pourront jamais lui être entier, sans doute. Une certaine forme de masochisme. Ou alors... Peut être était-il trop attaché à ces souvenirs de jeunesse. A leurs corps, en pleine croissances, leurs corps de jeunes adulescents pressés, l'un contre l'autre. A l'époque où rien n'avait d'importance, à l'époque où tout était possible. A l'époque où rien n'était brisé. C'était le temps qui avait sans doute donné un vernis particuliers, à ces souvenirs qu'il chérissait bien plus que le reste. "Promettez moi de ne pas faire les mêmes erreurs... Que nous." Qu'il souffle.

Immaculée
@Nikodim Missalov & @Luka Leonov  
Dans une écoute attentive, Luka comprenait les mises en garde du médecin sans pour autant renoncer à ses plans. Il se promettait d’être plus prudent. Nikodim n’était pas le seul à lui dire de se méfier. Frerin s’était emballé à propos du mariage là où Luka se sentait certain d’avoir le temps. De toute façon, même s’il demandait tout ça, vraiment, il ne se sentait pas capable de passer à l’acte. Il appréciait désormais beaucoup trop Olivia, et même s’ils faisaient un beau couple pour les apparences, il avait hâte qu’elle trouve ce qu’elle cherche, pour qu’ils puisse prétexter une incompatibilité et se séparer.

Le discours du médecin retraça une partie de son enfance et Luka pinça les lèvres. Il sentit la part de souffrance que l’homme avait enduré. Lorsqu’il parla de la mettre au courant, il précisa à nouveau, presque sur la défensive. Il avait beau avoir tout un tas de torts, il était honnête.

« Elle saura rapidement. Je ne suis pas du genre à la faire à l’envers. »

Mais finalement, Luka se braqua pour rien. Nikodim parla surtout de son expérience personnelle, soulignant la difficulté de sa situation. Et c’était peut-être naïf, mais il avait également envisagé cette option.

« Je me mêle peut-être de ce qui ne me regarde pas, mais je crois qu’au point où on en est, ma question n’est probablement pas si dérangeante. Avez-vous déjà songé à faire croire à la stérilité de l’un de vous et adopter ? »

Puis vinrent les questions sur le compagnon caché. Un autre homme enchaîné à une vie traditionnelle pour des responsabilités dont il ne veut pas. Luka soupira, les sourcils arqués, pensif. Le rire sans joie du médecin le perturba mais son regard lui ébranla le cœur. Il se sentit obligé de lui promettre.

« Ce n’est que temporaire, je le jure. J’ai donné ma parole à ma fiancée avant de retrouver l’homme que j’aime, je ne peux pas revenir dessus. Mais ça  n’implique pas d’aller aussi loin que ce que nous avons évoqué. J’ose espérer que d’ici quelques mois tout au plus, ma part du marché sera remplie. »

Au départ, c’était pour lui la meilleure idée du monde, et visiblement, une idée qu’il était loin d’être le seul à avoir. Mais plus le temps passait et plus il apprenait à connaître Frerin, moins il avait envie de laisser traîner. Il avait beau avoir annoncé qu’il était prêt à se faire déshériter, il ne pouvait s’empêcher de redouter la réaction de son père s’il venait à lui annoncer qu’il renonçait à marier une femme et à avoir une descendance, pour se mettre en couple avec un homme. Oh bien sûr, ils resteraient discrets pour ne pas s’attirer une attention non nécessaire, mais Luka ne serait évidemment plus considéré comme présentable et fils parfait parmi les nobles. Il soupira encore, regarda le médecin qui, une nouvelle fois lui demandait de ne pas l’imiter. De ne pas les imiter.

« Je ne sais pas pourquoi j’ai envie de vous le promettre, mais, je vais le faire, parce que je crois ça possible. Merci d’avoir pris le temps de parler avec moi. S’il y a quoi que ce soit que je puisse faire pour vous aider dans votre situation… n’hésitez pas. »

Il lui offrit un sourire amical. Il n’était pas du genre à pouvoir détourner le regard de la douleur des autres, surtout lorsqu’elle l’atteignait aussi franchement. C’était un des miracles qu’avaient provoqué ses retrouvailles avec Frerin, ces heures à discuter avec Milo.