Le bijou de la biquette [PV ~ Flynn]

Il a joué aux cartes toutes la soirée. Il a joué une petite partie de son salaire. Ca lui arrive pas souvent, il a tendance à plus le perdre en boisson et en autre breloques délirantes qui le feront irrémédiablement rire. C'est tout ce qu'il cherche. Et quand il s'en lassera, il n'aura qu'à l'offrir ou le rejouer aux cartes en vantant une armée de mérites extravagant et absolument faux. Mais que voulez-vous, le charisme ca fait tout vendre. Le tout accompagné d'un sourire enjôleur et qui paraît tout à fait sincère. Non vraiment, ca fonctionne à tout les coups !

Et donc, il a passé la soirée à jouer aux cartes. Il n'a pas beaucoup perdu... Où ce qu'il perdait, il le récupérait immédiatement... Où le troquait. Il ne perd rien de valeur dans tout les cas. Et ne gagne rien de valeur non plus. Qu'importe, il s'amuse ce soir, comme tout les autres soirs, et il ne cherche rien de plus. Passer du bon temps avant de reprendre la mer et d'en passer du encore mailleur.

La soirée aurai pu s'arrêter là, comme ca, tranquillement, entre deux verres de Kvas mais non.

Il fallait qu'il y ai mieux. Mieux mais pas à sa table. Son regard ne quitte pas le morceau de papier roulé dans une bouteille sur la table de jeu d'â côté. Oh non ! Ca pue l'aventure ca et une aventure, ca ne se fait pas sans lui !

Prétextant la fatigue, voilà le vaillant Lev qui baille et s'étire de tout son long, exagérant largement pour mettre fin à la partie en cours, saluer ses compagnons et s'éclipser avec les trois boutons en or qu'il n'avait pas perdu.

Le tout pour s'installer à la table voisine sans aucune gêne. Écrasant lesdits boutons sur la table, ajoutant quelques bijoux qu'ils s'était bien gardé de parier sur la table précédente. Il entend quelques vociférations derrière lui, des « tu te fous de nos gueules » et quelques injures. Lev, radieux, fait la sourde oreille, un sourire éclairant la totalité de son visage alors qu'il pointe la carte dans sa bouteille du doigt.

-Je veux que vous pariez ça !

Il voit bien les regards en coin et les sourires torves. Il voit bien sur les visage que ce n'est pas grand chose cette carte. Et pourtant, il la veut. Il veut voir ce qu'elle renferme, il veut passer un bon moment à chasser ce trésors peut-être fictif. Juste pour l'aventure. C'est tout ce qui compte. Et c'est tout ce qu'il veut.

Sa concentration retrouvé et décuplé, il joue comme un chef, gagnant en un rien de temps ce que qu'il voulait pour quitter la table aussi rapidement qu'il était venu. Lev, sans demandé son reste, s'enfuit dans la nuit pour rejoindre l'Impolite avec son butin.

Maintenant, il lui faut un compagnon de connerie. Et qui est mieux placé que lui que Flynn pour ca ? Personne ! Absolument personne !

Alors il fouille le pont.

-Flynn ?

La cuisine.

-Flynn ?

La cale.

-Flynn ?

Jusqu'à ce qu'il le trouve.

-Flyyynn ! Tain, t'es insupportable à trouver ! Regarde !

Lev secoue la bouteille qu'il n'a pas ouvert sous le nez de son collègue.

-Tu viens chasser un trésors avec moi ? Promis, tu pourras chanter notre merveilleuse aventure et à quel point j'ai été magnifique ! Ah... Et tu pourras chanter sur la route aussi.

Il a un grand sourire d'enfant, les yeux pétillants. Il s'amuse toujours et il s'amusera toujours, mais c'est quand même mieux à deux !

Le dos calé contre le mat, mon luth entre mes bras, je fredonnais tout en jouant quelques accords. Étonnement, j’étais discret. Un doux sourire ornait mes lèvres. Mes yeux étaient fermés et je m’imaginais mille et une aventure rythmées par le son que je produisais de mes doigts.
J’avais passé des heures à la taverne, chantant je ne savais combien de chansons, parfois gratuitement, parfois gracieusement récompensées. Je revenais avec quelques pièces en plus dans les poches et des souvenirs remplis de luxure.
Qu’importait ce que mon cerveau me montrait, je revenais inéluctablement dans le même costume : celui de pirate. Il me collait à la peau, il était ma nature, il était ce que j’étais au plus profond de moi. Enfant du cirque, j’étais un saltimbanque, mais mon cœur appartenait également à l’océan. Il ne pouvait pas en être autrement. C’était sur les eaux que je pouvais exprimer le plus librement ma petite science, que je me sentais libre, que je me sentais le plus vivant.

Soudain, je m’arrêtais en entendant mon prénom. Je regardais en bas et je vis Lev qui me cherchait visiblement. Mon sourire s’élargit et tel un chat, je le regardais faire, m’appeler encore et encore dans le navire. Je finis par descendre, en silence en usant de ma petite science, calant mon postérieur sur un tonneau, les jambes croisées, mon instrument de musique dans mon dos.
Je ricanais lorsqu’il s’arrêta enfin devant moi.

« J’étais bien caché et j’adorais te voir hurler mon prénom, fis-je malicieusement avant de regarder la bouteille qu’il me présentait. »

Elle aurait pu être basique, passablement usée, mais je remarquais immédiatement ce qu’elle contenait - et ce n’était pas quelque chose de liquide : un papier roulé. Je mourrais d’envie de la briser.

« Oh ! Trop cool ! Seulement si je peux briser la bouteille. »

Même si je ne pouvais pas, je viendrais avec lui. Un trésor à la clé, ça faisait rêver ! Et si en plus on remplissait les coffres du bâtiment de notre Capitaine, il n’en sera que ravi.

« Il était évident que j’allais chanter. Je ferais une chanson sur toi, si tu veux, ajoutai-je en souriant en coin. Quand part-on nous ? »

Parce que j’avais déjà envie d’y aller, là, maintenant, tout de suite.
J’attrapais donc la bouteille et la brisais sur le navire, laissant quelques morceaux de verre sur le sol. Ce n’était pas ma priorité. Je n’avais qu’une chose en tête : partir à l’aventure et trouver ce fameux trésor. Je me voyais déjà avec Lev et un coffre qui nous ouvrait grand ses bras.

« Dans la forêt je me suis caché, à l’ouest de ma maison vous pourrez me trouver, uniquement à la lueur de la lune je me découvre, que l'œil aiguisé me trouve, lus-je à haute voix après avoir déroulé le morceau de papier. Ça ne va pas être simple cette affaire... »

Je tendis le morceau de papier au pirate, réfléchissant sérieusement à l’emplacement. À quoi ces mots faisaient-ils référence ?

Il s'est bien foutu de lui à le faire le chercher partout alors qu'il avait bien capté que le hurleur voulait le voir. Un sourire vient jouer sur son visage. Ca lui ressemble bien à son collègue finalement.

-J'adore crier ton nom, je suis persuadé que tu le sais !

Sourire malicieux et taquin, peut-être un peu séducteur, définitivement provocateur. Parfaitement Lev.

La bouteille change de main et il s'appuie contre la balustrade, bras croisés sur la poitrine, sourire aux lèvres et attitude détendu. Il sait qu'avec Flynn, ca va juste être du pur bonheur. Il compte dessus même. Il compte toujours sur la légèreté apparente de son binôme. C'est tout ce qu'il cherche et c'est bien pour ca qu'il est parfait l'ange !

-Tu as le droit de briser la bouteille.

Parfois, ses réaction l'amuse, l'amuse beaucoup, il y a un petit côté enfantin d'une fraîcheur bienvenue. Lev aussi est sautillant, bout-en-train et souriant, mais l'offrir et le recevoir, ce n'est définitivement pas la même chose

-Une chanson sur moi ? T'es sûr ? Ca va me faire grossir les cheville, je vais finir par croire à ma grandeur !

Une main sur le front, le dos légèrement cambré, une position de diva exagérée et surtout assumé. Il adore la voix de Flynn, il aime l'entendre chanter et ne rate pas une seule soirée s'il sait qu'il fait l'animation. Jamais.

-On part de suite si tu es partant !

Même pas eu besoin d'attendre le consentement de son binôme que celui-ci explose la bouteille au sol. Un éclat de rire de Lev accompagne la brisure du verre. Il y a beaucoup d'enthousiasme de la part de Flynn et ca lui fait vraiment plaisir.

Il quitte sa balustrade pour se glisser aux côtés du second hurleur et lire aussi par dessus son épaule sans aucune gêne. Il lit et relis le message avant d'agrandir son sourire.

-Une énigme, évidemment. Ca ne pouvait pas être une carte avec juste écrit « Vous êtes ici, le trésor est juste là, sur la croix rouge. »

Il relève la tête tout en récupérant le morceau de papier que Flynn lui tend. Il n'a pas besoin de le relire une énième fois. Il n'a aucune idée de ce qu'il cherche et ne sait pas vraiment comment le chercher.

C'est parfait.

-On sait même pas d'où vient cette bouteille, il peut y en avoir tellement des forêts.

Il pose les yeux sur l'ange et sourit d'autant plus.

-Ca me plaît peut-être un peu trop... Mais quand même ! Partons à l'aventure !

Il commence à descendre au pont inférieur pour se diriger vers la terre ferme.

-Bon, bah on peut commencer par essayer la forêt et si on rencontre des gens on leur fait lire et on leur demande si ça leur parle ? T'en dis quoi ?

Il attrape une bouteille de Kvas qui traîne là et la porte à la bouche pour une grande rasade d'alcool qui lui fait pousser un « Ouuh » appréciateur.

-Faites que ce qu'on cherche ne soit pas une femme.

A nouveau, il ricane. Gay comme il est, il n'aura aucun plaisir à chasser un « trésor » comme ca... Par contre, pour un torse bien dessiné, c'est une autre histoire. Une histoire qui se raconte parfaitement à ses oreilles.

-Tu prend ton instrument, quand même ?

Il sourit à Flynn.

-T'as une chanson à écrire sur moi, je tiens à la voir évoluer.

Et cet intraitable sourire joueur qui vient jouer sur ses lèvres.

« Je ne dirais rien ! »

Nez en l’air, visage presque hautain, seul mon sourire malicieux trahissait le petit jeu auquel nous étions en train de jouer. J’aimais jouer, tout comme Lev, même si nos jeux étaient aussi bien différents que similaires. J’étais parfois surpris de me dire que nous n’avions pas franchi le cap, comme avec Madden, mais peut-être était-ce une question de temps ? Cette bouche était un appel à la luxure.

Je fus plus que ravi de pouvoir casser quelque chose, même une simple bouteille. Je m’y donnais à cœur joie même, le bruit du verre étant un son agréable à mes oreilles.
Cette énigme, un peu moins.
Mais sans énigme, il n’y aurait pas de trésor ! c’était bon signe. Les phrases rimaient, elles étaient presque poétiques. On pouvait penser à une invitation du trésor lui-même. Et cette idée me donna des frissons d’anticipation. La chasse venait de commencer, réveillant mon âme d’une certaine chaleur.

« Pour qu’on nous prenne le trésor sous nos yeux alors qu’on aura fait tout le boulot ? Certainement pas ! répliquai-je les sourcils froncés. Il doit bien y avoir une légende avec une maison. Il y a bien une légende sur un moulin. Et encore, en partant du principe que le trésor se trouve sur l’île de Kertch. »

Parce que s’il était sur un autre continent, nous pouvions tout aussi bien vendre cette énigme au plus offrant. C’était un moyen de se faire rapidement quelques pièces d’or, même si c’était prendre le risque d’obtenir plus. Parfois, il fallait faire un choix.

« Et pourquoi pas ? Une femme, un homme, du moment qu’il y a plaisir et consentement. »

Je savais que Lev n’était attiré que par les hommes. Je le comprenais d’une certaine manière, mais mon côté hédoniste était si présent que je trouvais qu’il passait à côté de certaines beautés. Il n’avait pas choisi, en même temps, et je n’allais pas me plaindre non plus. L’un comme l’autre, nous ne nous battions pas. Et c’était assez étonnant d’ailleurs.
J’attrapais la bouteille d’alcool et bus à la suite une bonne gorgée. Nous pouvions partir désormais.

« De quel instrument parles-tu exactement ? demandai-je en haussant les sourcils de manière suggestive, ricanant de ma blague de mauvais goût. Je laisse mon luth ici, je n’ai pas envie de devoir en acheter un nouveau. Je l’aime bien celui-là. »

Lui faisant signe de venir, je quittais l’Impolite. Direction la forêt. Nous avions un trésor à chercher et j’avais une musique à écrire. Ce n’était pas forcément inné - presque. Je ne doutais pas trouver rapidement de quoi faire l’éloge de mon partenaire hurleur. Je devais faire le vide en moi, laisser la musique m’emporter, mais l’appel de l’or était si fort que j’avais dû mal à avoir un rythme nouveau sur le bout des lèvres.

« Tout se crée dans ma tête au départ, ça se fera naturellement. Je n’ai pas besoin d’un instrument pour imaginer une musique, encore moins les accords et les paroles. Tout cela viendra en temps voulu. Plutôt rythmé comme musique ou langoureuse ? Ne t'inquiètes pas pour tes chevilles : même si elles grossissent, tu peux voler. »

Autant demandé et faire une commande spécifique, non ? Ça sera comme un défi à relever. Je lui fis un clin d'œil, ma bouche tordue dans un sourire en coin.

Les deux lascars ont une façon de voir les choses assez similaire, épicurien jusqu'au bout des ongles bien que Flynn soit encore plus loin sur ce chemin de par son orientation sexuel. Lev adore échanger avec lui, juste pour le plaisir de voir où sont les limites pour peu qu'il y en ait. Et souvent, le Troubadour n'en a pas tant que le plaisir est en jeu.

Il est rafraîchissant le collègue, le matelot qui évolue à ses côtés. La Roussette le considère comme un ami, définitivement, en plus de juste être celui qui partage sa bouteille de rhume, le soir, pendant que l'autre chante pour le plaisir de l'équipage.

Lev se dirige vers la planche pour débarquer dans l'idée de se mettre en route alors qu'il entend Flynn derrière lui palabrer sur les femmes, ou les hommes. Le Hurleur se met alors à rire.

-Si c'est une femme, je te la laisse, si c'est un homme, faudra soit se battre, soit le partager. Et si ce n'est ni l'un ni l'autre, c'est toi que je garde.

Il tourne le visage vers Flynn et lui sourit effrontément par dessus son épaule. Juste pour le plaisir de la placer. L'Ange des mers est un bel homme plein de charme, alors autant le lui faire comprendre par un moyen parfaitement détourné.

Il rit à la blague graveleuse qui lui est présenté et fini par descendre la passerelle.

-Tant que j'entends ta voix, tu prend ce que tu veux.

La magie du double sens, Lev sent qu'il va bien s'amuser !

L'Ange finit par le doubler et lui faire signe de le suivre, la roussette se met donc à sa hauteur, son long manteau noir virevolte derrière lui sous l’influence d'un vent sorti de nulle part, juste pour son bon plaisir. Un grand sourire éclaire son visage, définitivement, il est ravi de partager cette aventure avec lui.

Lev l'écoute lui demander quel type de chanson il préfère et, faisant mine de réfléchir, celui-ci croise les doigts à l'arrière de son crâne, dans ses boucles, son nez remonte vers le ciel et un sourire continue de jouer sur ses lèvres, nonchalant.

-Huuum... Laisse moi réfléchir.

Non, c'est tout trouvé en vrai.

-Rythmé ! Fais vivre l'aventure ! Je veux sentir les frissons d'un moment épique !

Il s'emballe un peu alors que son regard s'illumine, il voit déjà les escalades dangereuses, les monstres par centaine et les blessures de guerre pour lesquelles il prendra un malin plaisir à exagérer les faits.

-Pour la maison, quand j'y pense, je suis pas sûr que ce soit une vraiment maison, ça serait trop simple et si on se retrouve avec une bâtisse en pain d'épices, je pense qu'on peut m'abandonner là-bas, je mangerai tout !

Il désigne la forêt de la main.

-Tu connais la faune de cette partie de l'île ? Ca pourrait être un lapin ou une autre bestiole dans le genre ? Un animal nocturne peut-être ? Vu que ça parlait de la Lune ? Je suis vraiment pas doué quand ca rime, même quand c'est une énigme. Je compte sur toi moussaillon ! Tu pourras me faire creuser autant que tu veux tant que tu me laisses pas avec ces palabres !

Il aime les énigmes, mais il aime encore plus le concret. Et puis bon, il espère surtout passer un bon moment avec l'Ange, le trésors sera un merveilleux bonus !

-En route ! Et fais tourner le rhume, je suis plus intelligent quand je suis heureux !

S’il y avait bien quelqu’un qui ne se laissait pas de me voir chanter, c’était Lev. Non seulement nous pouvions parler de tout et de rien, mais nous formions en plus un duo incroyable. Non, vraiment, il n’y avait pas à dire. Deux hurleurs pour hisser la voile, pour voguer plus vite que n’importe quel autre bâtiment, pour dresser le vent au gré de nos envies. Nous ne pouvions que nous entendre. Nous n’avions pas la même philosophie, mais elles se rapprochaient malgré tout.

« Tu ne peux te passer de moi, je le sais, répliquai-je en lui faisant un clin d'œil. »

J’avais conscience que ce n’était pas forcément évident d’assumer son orientation sexuelle. Le regard des autres, je l’avais apprivoisé avec les années et j’avais toujours ce truc qui faisait que je n’en avais rien à foutre de ce que les autres pensaient. Ils allaient mourir avant moi et en plus, ils mourraient plus cons. Je ne m’attardais pas sur la question, je ne le prenais même pas mal lorsque les mots pouvaient être aussi tranchants que des lames. La lame se retournait plutôt aisément.
Présentement, il n’était nullement question de cela - bien au contraire. Mon rire faisait vibrer mes cordes vocales et mes épaules.

« Prendre ou recevoir, tant que le plaisir est présent… »

Si on me surnommait l’Ange des mers, ce n’était pas que pour mon côté belle gueule. C’était aussi parce que j’étais un charmeur irrécupérable. Mais comment vouliez-vous que je ne le sois pas avec autant de belles personnes autour de moi ? Impossible !
Je notais mentalement ce qu’il me disait sur la chanson, hochant la tête. Dans ma tête, le son des tambours résonnait déjà.
Un rire me secoua en l’entendant dire qu’il mangerait la maison si elle était en pain d’épices.

« La gourmandise est un vilain défaut… mais tellement bon que je peux te comprendre. Je te laisserais manger la maison par contre. »

Ma gourmandise était tout autre. Bien qu’en terme de nourriture, j’étais plutôt du genre à manger salé que sucré. Néanmoins, je ne faisais jamais le difficile, ayant connu des temps où l’estomac vide était un quotidien.

« D’accord, mais j’ai une question : vas-tu creuser avec ou sans ta chemise ? Ta réponse influencera ma créativité. »

Je l’avais déjà vu torse nu, cela allait sans dire. C’était justement l’occasion rêvée de le revoir et en plus, en train de faire un truc chiant et long. Parfait ! Je pourrais l’encourager en chanson, ça serait un bon compromis, n’est-ce pas ?

« Allons-y ! »

Je me penchais par-dessus des tonneaux pour prendre une bouteille de rhum et un sac en toile. Je mis la bouteille d’alcool à l’intérieur, me disant que dans le cas où nous ne pourrions pas prendre tout le trésor, on en aurait une petite partie déjà.

« Mais n’es-tu pas déjà heureux d’être avec moi ?... Alors tu es intelligent, fis-je en lui adressant un clin d'œil. »

Et ainsi nous pénétrâmes dans la forêt sans savoir concrètement ce que nous cherchions. Seuls des arbres à perte de vue peuplaient notre paysage. Nous étions hors du sentier et les herbes étaient relativement hautes - jusqu’à nos genoux.

« Bon alors… Outre une maison visible… Peut-être la maison d’un animal qui aime creuser. Comme un lapin, une taupe ou alors une tanière, donc quelque chose dans la roche… Et on serait tout sauf dans la bonne direction. »

Je me repassais les vers dans ma tête, cherchant ce que cela pouvait dire.

« C’est à l’ouest de quelque chose, pas à l’ouest actuel déjà. C’est à peu près la seule chose dont on est sûr. »

 
-Non, je ne peux pas et franchement, j’en ai pas envie non plus que veux-tu ? T’es mieux que du Jurda… Et bien plus délicieux aussi.
 
Bien que Lev ne l’ai jamais gouté, il n’en est pas moins une gourmandise pour le regard. Et sa voix. Envoutante et agréable, jouissive. Il sait d’ailleurs qu’il ne lui dira jamais non. Ils sont très proche, trop peut-être ? Qu’importe, ils ne sont pas là pour être en couple, ils sont la réflexion déformée de l’autre, un miroir étrange dont les reflets s’offrent d’étranges sourires complices.
 
Ses mains viennent se croiser à l’arrière de sa tête alors qu’il marche tranquillement en direction de la forêt, pas léger d’un je-m’en-foutiste assumé. Tout ira toujours bien tant que le monde lui coule dessus comme une douce brise chaude. Un rire répond à un autre et la vie continue. Leur quête aussi.
 
Son sourire s’agrandit encore quand Flynn répond exactement ce qu’il souhaitant.
 
-Je te reprends… Prendre ET recevoir. L’un dans l’autre, c’est intéressant.. Et le plaisir est présent.

Le plaisir avant tout. Toujours avant tout. Le plaisir de se trouver coincer dans une armoire avec un certain Pirate, le plaisir de rendre fou un Arnaqueur en lui volant un bien précieux que pour lui, le plaisir de partager une chasse au trésors sans queue ni tête avec un ami.

Plaisir.

Maître mot.

Lev jette un oeil à l'Ange après sa question et un sourire narquois apparaît sur ses lèvres.

- Je ne voudrai pas avoir trop chaud ou la salir...

Sans, évidemment, surtout si ça peut créer quelque chose.

-Au nom de l'art et de la musique, je me dois de laisser tomber la chemise.

Grand sourire amusé, l'excuse est parfaite. Il n'en a pas besoin en vrai. Mais ça l'amuse de s'en offrir.

-Je suis toujours heureux avec toi, tant que tu l'es en ma compagnie... Que dis-je ? On ne peut que l'être en ma délicieuse compagnie.

Il frappe des mains quand les arbres s'étalent au dessus de leur tête. Il est temps de se mettre en chasse. Il l'écoute attentivement et un sourire naît sur son visage.

-Imagine, on aplatit toute la forêt d'une immense bourrasque pour voir un truc ? Ca serait énorme !

Il s'arrête dans sa marche.

-Mais on peut en vrai. Je t'envole au dessus de la cime, tu souffles la zone par au dessus et tu regardes si un truc est visible ?

Il écarquille les yeux et sourit largement à Flynn.

-Et bien, je suis un génie en vrai !

Il attend avec un sourire d'enfant que son comparse le confirme, juste pour le plaisir de son ego. Il ne croit pas un mot de ce qu'il dit, comme toujours, mais ca reste bien plus drôle dans ce sens !

« Comment peux-tu l’affirmer ? Tu ne m’as jamais goûté. »

Yeux plissés, sourire amusé, je ne pensais pas que l’on puisse faire la comparaison entre un alcool et ma personne. Mais pourquoi pas après tout ?
Je haussais les épaules lorsqu’il me reprit. Tout était une question de point de vue et d’envie. L’un dans l’autre… Oui, c’était le cas de le dire. Néanmoins, je comprenais ce qu’il voulait dire et je ne pouvais qu’être d’accord en définitive : tant que le plaisir était présent. C’était la seule chose qui comptait réellement.

« Évidemment ! m’exclamai-je alors qu’il parla de sa chemise, me frappant dramatiquement le front de la paume de ma main. »

Je ris à gorge déployée. Cela pouvait bien être au nom de ce qu’il voulait, je m’en fichais comme de ma première chaussette - et ce n’étaient pas mes yeux qui allaient dire le contraire. Oh non ! Voir un beau gosse suer à la tâche allait être une vision très plaisante.

« Il est vrai que ta compagnie est délicieuse, je reconnais. C’est toujours rafraîchissant d’avoir un partenaire si joueur. Je ne dis pas que ce n’est pas le cas des autres, mais… c’est différent. »

Je savais que j’avais l’incroyable capacité de les énerver avec mes blagues limites et mon charme omniprésent. Certains étaient attendris et me laissaient faire, d’autres en avaient ras-le-bol. Et je m’amusais deux fois plus à les titiller. S’en rendaient-ils seulement compte d’ailleurs ?
Je m’arrêtais net en entendant l’idée de Lev.

« Je sais que tu as envie de m’envoyer en l’air, mais je peux le faire tout seul. »

En même temps, je comprenais pourquoi il me le proposait. J’adorais faire voler les gens, j’imaginais sans peine que c’était la même chose pour lui. Je me demandais s'il avait autant fait voler de personnes que moi. Peut-être pas... Ou peut-être que si... Je ne me souvenais jamais de l'âge des personnes, encore plus lorsqu'il s'agissait de Grisha. L'âge était tellement dérisoire pour nous. Quoi qu'il en soit, ça demandait une certaine confiance de le laisser user de sa petite science sur moi. L’avais-je pour lui ? Suffisamment pour accepter, j’en avais peur…

« Bon ok, mais ne me perds pas non plus ! Je veux continuer de vivre. »

Je gesticulais, me préparant à encaisser sa petite science, genoux légèrement fléchis, épaules roulantes. Ça n’allait pas être terrible, mais si je pouvais éviter de recommencer ou de me manger une branche, ça pouvait être pas mal non plus. J'étais complètement fou d'accepter, mais l'idée était assez drôle - et j'étais assez fou pour croire que ça allait nous être utile.

-Mais je n'attend que ça !

Un regard en coin, un sourire évocateur, un jeu frémissant de braises exquises. L'ambiguïté est un plaisir certain auquel Lev adore se soustraire. Et Flynn est un partenaire parfait, définitivement parfait. Avec lui, il marche sur un sentier qu'il ne connaît pas, qu'il découvre tout en sachant qu'il sera, dans tout les cas, parfait et agréable. Qu'importe les péripéties, qu'importes les embûches, il sait que ça sera toujours un bon souvenir. Tant que son binôme de hurleur est là. C'est tout.

-Différent. C'est le mot. On marche sur la même cordes quitte à se marcher tout les deux sur les pieds et à se marrer ensuite.

Faudrait qu'ils draguent la même personne un jour, juste pour voir ce qu'il se passe. Qui remporterait la mise ? C'est bien une question que Lev adorerait élucidé, il faudra qu'il lui propose à l'occasion. En attendant, il se permet de rire à la remarque de Flynn à côté de lui.

-Tu sais que j'adorerai ça ! Mais en vrai, par des questions pratique, tu me dis comment tu souffles les arbres si tu souffles déjà pour te maintenir en l'air ? Vraiment. Je veux bien que tu ais un niveau sympa mais on arrive à autre chose là, tu crois pas ? Et puis ouais... J'ai quand même bien envie de te faire grimper au septième ciel.

Un large sourire sardonique vient jouer sur ses lèvres pendant que son acolyte de la journée se prépare à encaisser. Il adore faire valser ses ennemis, il aime beaucoup trop user de sa petite science en général. C'est un plaisir réel qui s'installe dans ses veines.

Il se place face à Flynn et s'encre dans le sol, prépare ses appuies. Ses mains se frottent l'une contre l'autre en signe d'appréhension, son sourire plein de confiance ferait peur à n'importe qui.

Doucement d'abord, il invoque une bourrasque, des alizées des quatre coins de cette forêt. Il s'agirait de ne pas lui faire mal. Et bientôt, la concentration des vents se font autour du corps de son ami, doucement, ses pieds quittent le sol, son corps embrasse l'air et le voilà qui décolle. Lev, d'un mouvement des bras l'envol plus haut que la cime des arbres, au niveau des oiseaux. Il es stable. Il ne voudrait pas qu'un excès de confiance blesse son ami, c'est une hantise. Et les hantises, il les fuit. Il n'en a pas beaucoup, elle sont pas dur à éviter mais blesser les gens auquel il tient, elle est définitivement en haut de sa liste.

Il gonfle les poumons pour se faire finalement entendre de Flynn.

-Bon alors mon Ange ? Tu nous dégages la vue ?

Les mains toujours en mouvement, il fait attention à le maintenir sans trop le ballotter.

Je levai les yeux au ciel. Évidemment, je tendais la perche et il ne faisait que la saisir.

« Bien entendu ! »

Je doutais que l’on en arrive à ce stade avec Lev. Nous étions souvent sur la même longueur d’onde, jouant aux mêmes jeux dangereux et ambiguës, mais je doutais qu’un jour nous franchirions cette limite. Était-ce vraiment une limite d’ailleurs ? La limite de notre amitié ? Je ne trouvais pas meilleure description…

« Nous ne nous sommes jamais marchés dessus, c’est faux ! rétorquai-je en le regardant avant de poser mon pied sur le sien. Ah si ! C’est vrai, on se marche dessus. »

Je ricanais, ayant simplement posé mon pied sur le sien sans même appuyer réellement dessus. Juste histoire de faire une trace sur sa chaussure de la mienne. Une marque de mon passage. Rien de bien fameux.

« Je le savais, il n’y a que mon corps qui t’intéresse, fis-je avec un air de drama queen, la main en l’air, dos de main sur mon front, menton légèrement relevé. Tu n’es même pas fidèle à Bobby ! »

En réalité, je n’étais nullement offusqué. Je m’étais presque employé à créer cette réputation de coureur de jupons et de pantalon de cuir - pas de jaloux, voyons.

« Il n’y a rien de plus simple, en vérité, ajoutai-je en haussant les épaules. Je manipule l’air pour qu’il aille sous mes pieds, me donnant une sorte de propulsion. Comme pour projeter quelqu’un au loin, sauf que je le fais pour moi. Si on peut dire. »

Mon explication n’était peut-être pas aussi claire que je le pensais, mais cela faisait des années que je pratiquais ainsi. En autodidacte, j’avais appréhendé ma petite science, la travaillant sans relâche jusqu’à épuisement parfois. Mes parents y avaient veillé afin que je fasse des shows de plus en plus exceptionnels. J’avais été bon, j’étais bon même, mais il était vrai que je ne m’entraînais plus quotidiennement pour augmenter ma maîtrise de ma petite science. Était-ce pour cela que je fatiguais parfois ? Était-ce pour cela que ma petite science refusait de m’écouter lorsque je l’utilisais un peu trop souvent ?

Je mis mes réflexions de côté, me plaçant face à Lev. Je pris appui, me préparant physiquement et mentalement à me laisser faire. J’espérais qu’il ait conscience de la confiance que je lui accordais pour le laisser user de sa petite science sur moi, même si c’était la même que la mienne. Le vent se mit à souffler, nos cheveux partant dans tous les sens et enfin, mes pieds décollèrent du sol. Je me laissais faire, le palpitant cognant ma cage thoracique avec virulence. Ma chemise virevoltait, montrant à quel point elle était large et dissidente - elle n’avait pas voulu rester dans mon pantalon. Enfin, je fis mon envol comme un oiseau. J’observais les environs, cherchant du regard un détail pour éviter de faire appel à ma petite science, mais non. Rien en vue.

« Oui ! hurlai-je en direction du sol. Tu fatigues déjà ? le taquinai-je en lui faisant un clin d'œil qu’il ne pouvait pas voir. »

Je joignis mes mains, les faisant danser, appelant mon pouvoir. Je tendis mes bras devant moi, ordonnant au vent de courber la cime des arbres. Ce que je n’avais pas prévu, c’était de partir en arrière. Et de ne plus être porté par la petite science de Lev.

Spoiler:

Ca ne l’aurait absolument pas déranger, la Roussette, de partager la couche d’un aussi bel énergumène. Ils sont tous deux assez détachés pour que ça ne foute pas le bordel sur l’Impolite. Mais il n’apprécierait pas non plus de forcer les choses. Il apprécie l’alchimie, c’est même ce qu’il préfère.

Lev a un sourire torve en repensant à une certaine armoire. Là, ce jour avec Pearl, il y avait eu l’Alchimie avec un grand A. Il n’a pas son nom, il n’a entendu sa voix presque que via les soupirs et les demandes. Il ne sait rien de lui et pourtant il brûle de le revoir un jour.

Il rit à l’intervention de Flynn et colle un air faussement offusqué, et donc clairement exagéré, sur son visage

-Tu viens de salir ma botte.

Botte qui a vécu plus de vie que n’importe quelle autre paire de chaussure. Botte dont le cuire est grignotée par le sel, botte crottée par la boue de la forêt. Et pourtant, le hurleur fait le vexé. Simple jeu.

Son visage se transforme à nouveau quand son collègue fait sa diva. Lev éclate de rire.

-Evidemment, tu veux que je m’intéresse à quoi d’autre ? Ta merveilleuse personnalité ?

Lev apprécie beaucoup Flynn et il sait qu’il le sait. Que c’est un ami pour qui il donnerait sa vie avant d’être un corps pour qui il donnerait une nuit. Alors une petite pique pour le plaisir, c’est toujours amusant.

-Je parlais de faire les deux en même temps Flynnouille. Voler ET aplatir les arbres.

Lev hausse un sourcil, parfaitement amusé. Faudrait voir un jour lequel des deux est le plus puissant. Bien qu’il soit persuadé que son acolyte fait voler le monde comme personne. Il a trop l’habitude, la Roussette, bien moins. Mais ça serait amusant. Faudra demander à Tobias d’arbitrer.

Son sourire se fait plus doux, plus confiant avant qu’il ait un hochement de tête pour son ami. Il l’envol finalement. Le maintenant le plus stable possible, se concentrant au maximum pour ne pas le faire tanguer ou pire, chuter. Il ne se le pardonnerait pas. Il se permet un rire à la remarque de l’ange des mers qui finit par faire son office.

Il y a quelque chose par contre, que ni Flynn, ni lui n’avait anticipé. Le contre coup. Comme un coup de fusil, la force du vent propulse l’Ange en arrière, quittant les vents de Lev qui écarquille les yeux avec horreur.

-PUTAIN FLYNN !

La vague de panique qui l’enflamme est parfaitement inhabituelle et clairement désagréable. Il ne peut pas quitter des yeux le corps qui chute, les arbres sont si proches de lui. Il ne peut pas le laisser comme ça. C’est son idée de merde et il assumera. Flynn ne tombera pas.

Ses mains dansent avec frénésie, force et la grâce se perd légèrement, remplacée par l’urgence.

-Tu ne tomberas pas !

Injonction spécialement pour lui, vibrante d’une force sourde et d’une détermination sans failler. Les vents se lèvent, font voler avec force ses cheveux court et son long manteau, en en faisant claquer les pans.

Large et solide, comme une coupelle d’alizées qui englobe les environs, elle remonte pour cueillir Flynn en plein vol, le stabilisant alors que les branches chatouillent sa peau et caressent ses cheveux.

La sueur coule sur ses tempes alors qu’il est à bout de souffle.

-Bordel…

Flynn n’est pas tombé ! Il ira bien. Tout ira bien…

« Maintenant que tu en parles… »

Je lui lançais un regard en coin, un sourire amusé sur le visage. Ma personnalité était merveilleuse, à n’en point douter ! Et j’étais bien content qu’il s’en rende compte d’ailleurs. J’étais un ami fidèle, une oreille attentive lorsqu’on en avait besoin et je savais toujours remonter le moral - ou presque. N’était-ce pas la définition même d’une personnalité merveilleuse ? Hm ? J’en étais sûr.
Je me tournais vers lui, un regard choqué, main sur le cœur. Comment avait-il osé ?

« Flynnouille ?! Tu oses ?! Malotru ! »

Tout en gardant un air de drama queen, je le frappais d’un revers de main, sans pour autant lui faire mal. Ce n’était pas le but. Je savais qu’il avait dit ça sans réellement le penser et plutôt pour me taquiner un peu plus. Ce n’était que de la taquinerie entre nous. Il n’y avait aucune arrière-pensée et je doutais que l’on s’engueule un jour à dire vrai. Nous étions aussi joueurs et libertins l’un que l’autre, nous n’avions donc pas de problème de conquête dangereuse. Je ne voyais pas Lev se poser avec quelqu’un. Comme moi en somme. C’était peut-être aussi ce qu’il faisait que l’on s’entendait bien - un détail en plus.

Après quelques assouplissements au niveau des jambes et quelques soupirs, je lui donnais le feu vert pour m’envoler dans les airs. J’avais une impression étrange, mais cela n’avait rien à voir avec Lev. J’avais confiance en mon partenaire pirate. Il était doué avec sa petite science, il la maîtrisait, il ne me lâcherait pas. Arrivé à la cime des arbres, j’appelle à mon tour ma petite science et fais courber le haut des arbres. Néanmoins, dans mon acte, je fus propulsé en arrière, mangeant contre mon gré des branches et des feuilles. Ma joue en fut meurtrie, éraflée sans pour autant que le sang coule sur ma peau.

« Putain ! jurai-je bruyamment. Lev, qu’est-ce que tu branles !? »

Non mais sérieusement, on se posait la question ! J’avais peut-être été une part de ma vrille dans les airs, mais il était là pour me maintenir en vie quand même. J’essayais de me stabiliser, apercevant un toit étrange un peu plus loin. Je n’avais aucune idée si c’était la bonne direction ou non, mais c’était un indice malgré tout. Peut-être tomberions-nous sur ce que nous cherchons, peut-être tomberions-nous sur des mercenaires, des squelettes ou pire…

« Fais-moi descendre ! lui hurlai-je. »

Nous devions reprendre la route. Finis les galipettes dans les airs ! Nous avions un bijou pour Bobby à récupérer.

« Malotru ». Rien que pour ca, Lev est absolument obligé de garder ce surnom. Au placard l'ange des mers ! Au diable le troubadour des Océans ! Bonjour Flynouille ! C'est à ça qu'il pense en puisant dans ses forces pour maintenir son ami en l'air, c'est à ça qu'il faisait attention. Sa vie. Parce que la Roussette y tient malgré ses grands air de je-m'en-foutiste. Il a envie d'avoir encore longtemps le hurleur à ses côtés. C'est sa famille et eux, on y touche pas ! Aucun requin ne perdra une écailles sous sa protection. Il se l'est juré. Ils le supportent depuis trop de temps, il leur doit au moins ça.

Flynn(ouill) est stabilisé, Lev est en nage. Et il a été terrifié. Parfaitement terrifié par la perspective de le perdre. Il prend quelques secondes pour souffler, immobilisant Flynn au dessus de la cime des arbres. Il ne le quitte pas des yeux. C'est vrai qu'ils n'ont pas du tout pensé au contre coup, c'est aussi la première fois qu'ils travaillaient de cette façon. Et Lev se dit qu'ils resteront à leur poste habituel, ou qu'ils s’entraîneront pas aussi haut ! C'était une idée bien débile pour une première fois. Évidemment que ça devait être la sienne...

Il fini par entendre son ami lui demander de le faire descendre. Ca lui plaît comme idée, c'est rassurant de savoir les pieds de son ami sur le sol plutôt que sous la responsabilité seule de sa petite science. Il le fait descendre en douceur.

-Et bah, quelle aventure, ca va ?

Il remarque la joue éraflé et passe les doigts dessus.

-J'ai abîmé un si beau visage...Il nous faudrait un soigneur parce qu'à par des bisous magiques, je peux pas faire grand chose.

S'il savait qu'il couchait régulièrement avec un pirate excellent soigneur. S'il savait quelque chose de Pearl, ne serait-ce que son nom, ça serait énorme. Tout viendrait en suivant. Il aurait le Kraken, il aurait Siver, il aurait une légende. Le plus grand queutard de la Vraie-mer. Lui, Lev, qui se pensait bien placé ne pourrait que rougir face au nombre de conquêtes de cet homme, cette légende !

Mais non, il n'y a que lui et ses vents, ses bourrasques et ses alizées. Il n'est qu'une Rousette dans un océan de Grisha. Ni unique, ni merveilleux, ni remarquable. Il n'est que Lev, inconnu au yeux du monde, il le restera et tant que les siens le reconnaissent, alors tout ira bien !

-Alors Flynouille ? T'as trouvé un truc ?

Ouiouioui, Flynnouille.

Avoir des surnoms était quelque chose qui ne me dérangeait pas. Vraiment, ils étaient, généralement, gratifiants. Et je ne pouvais pas dire le contraire : mon ego était flatté. Cependant, je gardais une réserve sur Flynnouille. Non, vraiment, il pouvait faire mieux. C’était mon imagination, mon âme de créateur, d’artiste, qui parlait. Flynnouille, c’était un peu comme si j’étais une nouille. Autant j’aimais les pâtes, les nouilles aussi, autant combiné à mon prénom… Non, il y avait quelque chose qui me faisait grimacer. Qu’importe. Je ne doutais pas un seul instant que si je lui disais quoi que ce soit pour lui faire changer d’avis, Lev allait me le matraquer encore plus. Mais j’étais plus intelligent, n’est-ce pas ? Sachant cela, je pouvais bien prendre sur moi et montrer à quel point j’avais un certain talent d’acteur… ou pas.

Enfin, mes pieds se posèrent sur la terre ferme. Je soufflais, presque de soulagement, même si je n’avais aucun problème à voler. J’adorais être dans les airs, j’adorais user de ma petite science, j’étais fier d’être un grisha. Dans un sens, j’étais comme le vent : doux, violent, inarrêtable, indépendant, incontrôlable. Lev aussi avait ce petit côté « je mène ma vie comme je l’entends ».

« Ouais, répondis-je d’un souffle en souriant, retirant les brindilles que j’avais un peu partout, les feuilles et autres poussières. T’as géré. »

C’était tout de même important de le préciser. Ce n’était pas spécialement notre meilleure idée - bien que ça soit Lev qui en soit à l’origine, je l’avais approuvé, j’avais ma part de responsabilité derrière tout cela. Néanmoins, pour l’avoir testé, nous savions à quoi nous en tenir et pourquoi pas nous entraîner sur l’Impolite. Au pire, je ferais un plongeon plus ou moins artistique - au pire, une belle crêpe.

« Hors de question qu’un soigneur me touche, rétorquai-je en souriant en coin pour ne pas paraître trop agressif. Ce n’est qu’une égratignure, ça partira en quelques jours. »

Il était hors de question qu’un soigneur me touche pour si peu. J’avais eu de plus grosses blessures au cours de la vie de pirate, de ma vie de troubadour, de ma vie tout court, et jamais je n’avais laissé un soigneur panser mes plaies. Je n’osais pas imaginer ce qu’il pourrait découvrir, des secrets de mon passé que je garde au fond de moi, enterré au plus profond, mais qui ont laissés des marques sur ma peau - mon dos, notamment, je le savais. Ce n'était pas prononcer, mais on pouvait le voir si on faisait attention. Je voulais que ces secrets restent où ils étaient, enfouis.

« On ne viendra que plus vers moi. Ça me donne un air de bad boy j’en suis sûr, ajoutai-je en lui faisant un clin d'œil. Tu ne m’aurais pas proposé des bisous magiques sinon. »

Je m’approchais de mon frère d’armes et claquais un rapide baiser sur sa joue avant de tourner les talons. Si ça avait été quelqu’un d’autre, l’idée d’aller plus loin m’aurait traversé l’esprit, mais c’était Lev, c’était mon partenaire, celui avec qui je faisais gonfler les voiles de l’Impolite Shark. J’étais peut-être un coureur de jupons, mais je n’avais jamais eu cette attirance pour lui, malgré nos jeux de flirts. Ce n’était que cela, un jeu, rien de plus.

« J’ai cru voir quelque chose par-là, lui répondis-je en me retenant in extremis de le reprendre sur le surnom. Si on ne trouve rien, je te propose que l’on fasse demi-tour et que l’on s’arrête à la première taverne. Cette mission commence à manquer de rhum ! »

La forêt était de plus en plus dense, comme si c’était fait exprès que l’endroit soit difficilement accessible. Après de longues et périlleuses minutes où je me suis battue avec deux branches, des ronces et une toile d’araignée, un grand bâtiment se dressa entre les troncs d’arbres. L’endroit avait l’air abandonné, mais je me demandais s’il fallait vraiment se fier aux apparences - il ne le fallait pas, c’était une certitude. Cependant, nous n’avions pas fait tout ce chemin pour faire demi-tour aussi rapidement.

« Je ne sais pas du tout si c’est ce que l’on cherche, mais on peut y jeter un coup d’œil, qu’en penses-tu ? »

Il lui sourit. Il a un sourire pour lui Lev lui répond, en parfait mimétisme et sûrement aussi parce que c’est Flynn. Maintenant qu’il y pense, il peut peut-être le considérer comme son meilleur ami. Il y a Tobias aussi, mais ce qu’il partage avec le second de L’Impolite est encore différent, bien plus doux et peut-être plus sincère. Il y a moins de sourire mais plus de tendresse. Non, c’est parfaitement différent. Mais Flynn… Tout est facile avec lui, c’est frais et vrai. Lev n’a aucune prétention en termes d’amitié mais pour autant, il ne pense pas pouvoir vraiment espérer mieux. Pas d’ambiguïté autrement que sous forme de blague entre eux, une certaine tendresse cachée sous les surnoms lamentables. Non, définitivement, Flynn a une place particulière.

Le Hurleur laisse son collègue se recoiffer et a un sourire attendri en l’entendant se remonter comme ça contre les soigneurs. Il comprend au fond, il comprend bien et pourtant, ça serait vraiment dommage qu’un si beau visage soit abîmé.

Etrangement, la Roussette ne revient pas sur ce « t’as géré », il ne s’en vante pas. Il n’est pas fier de lui d’avoir mis en danger la vie de Flynnouille. Incorrigible vantard en temps normal, il sait aussi se tenir à carreau quand ça ne va pas dans le bon sens.

-Le plus sexy des bad boy mais tu sais que je te proposerais des bisous pour bien moins que ça.

Sourire en coin et clin d’œil en retour, ses mains se croisent à l’arrière de sa tête quand il se met à siffler d’un air innocent qui ne lui va définitivement pas. Les lèvres de Flynn viennent embrasser sa joue et Lev se m’est en route à sa suite en l’écoutant, pour une fois, attentivement.

-Au moins, l’expérience n’aura pas été veine.

Ils s’enfoncent ensemble à nouveau dans la forêt alors que le pirate rit de bon cœur.

-Je suis persuadé qu’avec notre consommation, notre corps est plus composé de ce divin nectar que d’eau comme initialement prévu par Dame Nature.

Un sourire joueur vient s’étaler sur ses lèvres.

-Et ça sera pas pour me déplaire !

Il n’y a jamais trop de Rhum, bordel. La suite du trajet n’a pas manqué de partager Lev entre rire et grognements agacés mais avoir Flynn à ses côtés a toujours fait pencher la balance d’un côté bien plus plaisant. Finalement, la bâtisse qui se dresse devant eux l’intrigue. Elle a ce petit quelque chose de sinistre.

-Au pire, si on trouve rien, on aura des histoires à raconter, qu’elles soient vraies ou non.

Il a un nouveau clin d’œil pour son binôme. Le vent, ici, semblait plus fort, moins agréable et moins manipulable. Il a cette sensation, au fond de lui, qu’ils ne sont pas les bienvenue. Les bourrasques qui se faufilent dans la bâtisse arrachent à la maison des plaintes fantomatiques.

-C’est mon imagination débordante qui me dit qu’il fait un petit peu plus frais ou il fait effectivement un petit peu plus frais ?

Un sourcil se hausse et il s’avance vers la maison. Elle a un étage et semble parfaitement délabrée.

-Tu crois aux fantômes ?

Parce que lui, il est persuadé qu’ils vont en rencontrer quelques un… Ou à défaut, des Grisha qui se font passer pour. Sa main se pose sur la poignée qu’il n’a pas besoin de tourner. Il ouvre la porte dans un grincement sinistre et caractéristique.

-Tu es prêt ?

Tout est noir, une étrange odeur lui prend les narines. Parfait pour un conte d’épouvante.

-Il doit bien y avoir quelques trésors là-dedans.

Lev repartira avec un trésor, quoi qu’il en coute.

Je fus surpris qu’il ne rebondisse pas sur ma remarque. Lev était un homme qui se vantait dès que l’occasion se présentait. Il avait raison : il était talentueux - et certainement de façon dont je ne pouvais pas savoir. Je ne perdis pas mon sourire alors que mes pensées fusaient, cherchant à comprendre pourquoi. Se serait-il vraiment voulu pour ce qu’il s’était passé ? Ce n’était qu’une égratignure, rien de grave, vraiment. Nous avions frôlé la mort plus d’une fois en combattant pour défendre notre chez-nous, pour défendre aussi notre vie. Cependant, je savais à quel point Lev ne montrait pas tant que cela ses sentiments - un peu comme moi. Lui comme moi avions le masque parfait : le sourire. Ce fut pour cette raison que je me rapprochais de lui, passant un bras autour de ses épaules. Je collais ma tête contre la sienne, fermant quelques instants les yeux.

« Hey… Tout va bien, ok ? je l’incitais à avancer, continuant notre route afin de ne pas non plus nous éterniser sur le moment. Si tu proposes des bisous pour moins que cela, pourquoi n’ai-je pas eu la proposition plus tôt, hein ? »

Je ricanais doucement, le ton de la conversation un peu moins sérieux, mais moins pesant d’émotions. Nos pas étaient accompagnés de nos rires complices, la conversation déviant sur le rhum - en bons pirates que nous étions. Il n’en fallait pas plus pour que cette aventure soit derrière nous. Ce n’était pas mon genre, ni celui de Lev, de ressasser inlassablement le passé.

« Si seulement ! Tu imagines le nombre de blagues que l’on pourrait dire par rapport à cela ? »

Évidemment, mon cerveau avait déjà quelques phrases toutes prêtes à peine avais-je terminé cette remarque. Finalement, nous marchâmes côte à côte jusqu’à la fameuse bâtisse. Elle n’avait pas l’air des plus accueillantes. Vraiment sinistre en réalité. Je grimaçais, espérant que nous trouvions quelque chose.

« Cela va s’en dire. Il faudra bien au moins une histoire vraie et deux fausses. »

De quoi embrouiller les esprits. Mais c’était bien le but. Mes yeux fixèrent cette porte qui s’ouvrit sans que l’on fasse quoi que ce soit, dans un bruit à faire fuir les esprits les plus farceurs. Pourquoi avais-je un mauvais pressentiment ? Mon regard se redressa, rencontrant celui de Lev, et je hochais la tête. Oui, j’étais prêt. Ce n’était pas une porte mal huilée qui allait me faire claquer les genoux. Nous pénétrâmes dans la ruine. Je ne distinguais rien, comme mon comparse, et mon nez fut agressé par une odeur effroyable.

« On y voit que dalle, bordel. »

Remarque qui n’était pas nécessaire. Ma tête tournait de part et d’autre de la pièce, cherchant quelque chose qui attire mon regard, n’importe quoi. (Dé oui) J'eus la stupide pensée de m'imaginer inferni pendant une seconde, avant de me dire qu'être hurleur était ce qui me correspondait le mieux - bien qu'une lumière ne serait pas de refus.

« T'arrives à trouver un truc ? »

Outre des os écrasés ou à moitié rongés, je ne voyais rien qui valait le coup - mais je savais d'où venait l'odeur horrible qui embaumait l'air comme un parfum.



Oui - L'endroit est glauque, mais il y a bien un trésor quelque part...
Non - On tombe sur des mangeurs de chairs humaines.

La maison craque, les ombres, menaçantes, se referment sur eux sans scrupule, elles les avalent pour mieux les digérer. Enorme monstre de bois craquant. Un coup d'oeil échangé avec Flynn pour confirmer qu'il était avec lui, qu'il l'accompagnait. Cette histoire sent mauvais, outre l'odeur nauséabonde qui leur prenaient les narines avec violence, il y a quelque chose de pourri ici.

Prudemment, Lev pénètre dans la maison la suite de son ami et la porte claque dans son dos dans un sinistre grincement. La lenteur exacerbé de ce mouvement n'a rien de naturel. Et pourtant, il n'y a pas âme qui vivent en dehors d'eux deux pour refermer ce panneau de bois.

Les craquements sous ses pieds lui font baisser les yeux. Des ossements blancs jonchent le sol de bois sombre. Ils ont l'air d'être là depuis un certain temps, il y a quelque chose de plus récent en putréfaction dans cette maison et la Roussette n'est pas pressé de tomber dessus.

Le silence qui s'était établi entre eux est coupé par Flynn. Lev ne trouve rien à lui répondre. Non, effectivement, il fait noir comme dans un four mais ça n'aurait aucune importance de le souligner... Et encore moins de pertinence. Le Hurleur reste silencieux.

L'air se déplace autour d'eux, quelque chose effleure sa nuque. Il se tend et se redresse avant de chercher Flynn du regard en espérant que ce soit une blague de sa part. Il n'est pas assez près de lui pour ça. Et ce n'était pas une de leur bourrasques qui peut faire quelque chose d'aussi appuyer contre sa peau.

La chair de poule le hérisse, un frisson lui remonte la colonne vertébrale. Qu'est ce qu'ils vont bien trouver ici ? Pourquoi est ce qu'ils se sont engagés là dedans ?

A leur gauche, un escalier aux marches brisées. De l'autre côté, une porte condamnée.

-Non je trouve pas grand chose... Et toi ?

L'ambiance écrasante oblige Lev à baisser la voix, il murmure comme pour ne pas se faire repérer par la maison, ou ce qui y vit.

Son attention est alors happée par le plafond, des bruits, légers, de pas sur le planché grinçant.

-On est pas seul Flynnouille...

Comme pour se rassurer... Bien qu'il vous dira qu'il n'a pas peur, Lev est reparti avec ce surnom débile qu'il a imposé à son ami. Sa petite science aux bouts des doigts, il s'approche de l'escalier et commence à en monter les marches. Le noir semble encore plus épais à l'étage, aucun ossement ici, juste un tapis rouge sale et élimé qui arrive pourtant encore à étouffer le bruit de ses pas.

Il n'attend pas de vérifier si l'Ange le suit, intérieurement, il en est persuadé, il est sûr de sentir sa présence dans son dos.

L'odeur est plus forte à l'étage, le noir est plus épais aussi. Les portes s'alignent sagement de part et d'autre du couloir. Une seule semble ouverte et Lev se dirige vers elle.

Il ne l'atteindra jamais.

Une autre porte s'ouvre à la volé dans un silence de mort, l'odeur vient de là, puissante, effroyable. La Roussette n'a pas le temps de porter sa manche à son nez pour s'en protéger. On le pousse violemment à l'intérieur. Ses genoux rappent le sol, son coude rebondi contre le planché, son dos s'écrase contre le mur.

Une ombre plus noir que le couloir se dessine à l'entrée.

-Putain Flynn... T'abuse.

Un peu sonné, il n'est pas sûr de parler à son ami... Mais si ce n'est pas lui … Qui ?

La porte se referme en silence, lentement, le replongeant dans le noir.

Cet endroit filait la chair de poule. Je n’étais pas trouillard, mais bordel, il y avait quelque chose ici qui me dérangeait de plus en plus. Cependant, j’étais assez intrigué par l’endroit et plus motivé que jamais à ramener un bijou à Bobby que je ne m’arrêtais pas sur de telles pensées. J’aurais peut-être dû… Mais mon côté aventurier prit le dessus.

« Rien pour l’instant. Il doit bien y avoir quelque chose… Continuons de chercher. »

J’avais répondu sur le même ton, un murmure, comme s’il ne fallait pas déranger le lieu. Chose étrange, car nous semblâmes être les seuls dans ce bâtiment en ruine. Enfin, c’était ce que je pensais jusqu’à ce que l’on entendît des pas au-dessus de nos têtes. Dans un réflexe complètement débile, je levais le menton, cherchant du regard un indice qui confirmerait les dires de mon coéquipier. Je ne vis, évidemment, rien du tout. Je ne répondis rien au surnom qu’il m’affubla, perdant ce combat. Je finirais bien par m’y habituer.

Mes yeux furent attirés par une ombre en face de moi. Doucement, je m’approchais, réduisant l’écart avec une porte qui semblait condamnée. En réalité, elle n’était pas verrouillée. Je la poussais lentement et je fus assez surprise qu’elle ne grince pas au point d’en réveiller les morts à l’autre bout du monde. Elle ne fit pas le moindre bruit, ni au niveau des gongs, ni au niveau du sol. C’était un couloir étroit menant à trois portes sur la gauche et une porte au bout. Des fenêtres, obstruées par des planches, laissaient péniblement passer quelques rayons lumineux. L’endroit était sinistre et inquiétant, mais je marchais sur le sol rocheux, entendant de plus en plus dans mes oreilles ma respiration, comme si je faisais de plus en plus de bruit - chose étrange parce qu’il ne me semblait pas. La première porte était fermée, la seconde également, mais lorsque je posais la main sur la troisième, j’entendis les gongs derrière moi grincer. La première porte était ouverte. Fronçant les sourcils, le palpitant frappant avec ardeur ma cage thoracique, je fis demi-tour, curieux. Je me penchais légèrement, essayant de voir ce qu’il y avait à l’intérieur, mais l’obscurité était telle que mes yeux mirent plusieurs secondes à m’adapter.
Alors que j’avais l’impression de distinguer des chaînes, j’entendis une porte claquée à l’étage, me faisant relever la tête.

« Lev… »

Le prénom de mon ami soufflé, je voulus immédiatement le rejoindre, mais un cri épouvantable me fit pivoter la tête vers cette pièce mystérieuse. Je grimaçais, reculant, et ne cherchais pas à comprendre. Mon coéquipier avait besoin de moi. Je me ruais dans la pièce principale, cherchant les escaliers. Je commençais à monter quelques marches avant que l’une d’elles se brise, me faisant manger le bois pourri. J’utilisais ma petite science pour arriver rapidement au premier étage.

« Lev ! »

Encore un couloir, des portes fermées et aucun signe de mon ami… Ni d’aucune personne en réalité. J’allais sur la première porte. Fermée. J’appelais mon ami, cherchant à savoir où il se trouvait, la peur qu’il lui arrive quelque chose me tordant les tripes. Je n’étais pas familier avec cette sensation et je désirais m’en séparer le plus rapidement possible.

La tête a tapé le mur, son coude est éraflé et l'idée de se relever maintenant n'est pas envisageable. Ca semble lui tourner. Il a peut-être tapé un petit peu fort. Son ami a vraiment fait ça ? Un coup de vent bien placé, ça fait des merveilles et lui comme Flynn le sait. Mais ce n'était pas du vent. C'était deux mains dans son dos.

Il connaît son ami, il sait qu'il aime beaucoup trop sa petite science pour ne pas l'utiliser à la moindre occasion. Utiliser ses mains pour le pousser dans une salle sombre, il commence à douter de l'implication du musicien. Il se sent en danger. Et il sent que Flynn l'est aussi. Cette maison n'est pas vide et ce fameux trésors est bien gardé.

Il entend un lourd craquement qui lui semble venir de l'escalier le tend et l'angoisse. Est ce que le shark s'est fait mal ? Est ce que son ami est blessé ?

Ses lèvres s'ouvrent pour appeler son camarade, ses poumons se gonflent pour crier son nom, il y mettra tout son souffle si ça peut arriver aux oreilles de Flynn.

-FL-
-Sh.

Il est soufflé. La voix l'a surprit et glacé. Il n'est pas seul. Il n'est pas seul dans cette salle noire. Son regard clair scrute tout ce qui peut être scrutable. Il n'y a rien. Il ne voit rien. Du noir, rien que du noir partout. *Du noir et un grognement de la roussette.

Finalement il tente de se relever, ses mouvements sont lents, maladroits, la tête lui tourne légèrement.

-Non.

C'est un murmure craqué et ce n'est pas le sien. Un uppercut lui écrase la poitrine et le renvoie au sol. Alors non effectivement, il ne se lèvera pas. Mais il sait s'énerver. Il n'est pas avec Flynn et ils sont clairement en danger tout les deux, le trésors est oublié, il ne pense qu'à le retrouver.

Ses mains se mettent à danser à la recherche des alizées. Il sent ses boucles doucement se balancer sous la brise qu'il créé avant que tout s'arrête, que le vent retombe. Qu'une de ses mains soit tirée en arrière et bloquée par une entrave froide. La seconde rejoint sa jumelle. Il est bloqué, sa petite science lui est arraché. Il grogne à nouveau et ne se laissera pas faire comme ça !

-FLYNN !!

Un impact sur sa tempe le fait taire, le noir s'ajoute au noir et les ténèbres étincellent.

Mais son camarade n'est pas en reste. Dans le couloir, alors qu'il cherche son comparse requin, les choses ne restent pas simples et mortes. Les portes s'ouvrent toutes dans un fracas unique. L'air se suspend, tout redevient silencieux.

Avant que le chaos ne s'abatte dans cette maison d'un coup beaucoup trop animée. Les portes se mettent à claquer frénétiquement dans un désordre bruyant. Le vieux bois craque, les gonds rouillés gémissent, les échardes volent avant qu'une langue de flamme se précipite sur le musicien.

Materialki, Inferni et Hurleur pour un simple bijou de biquette ?

Aucun signe de mon comparse requin et ça commençait à m’angoisser sérieusement. Pas une angoisse comme on pourrait l’imaginer, non. C’était un stress mélangé avec une colère croissante. Cette histoire commençait sérieusement à m’énerver et si on osait toucher un seul cheveu de Lev, j’allais faire voler chaque putain de pierre de cette bâtisse. Il n’y avait pas d’autre étage, Lev devait forcément se trouver ici, sauf que les portes étaient fermées. Je ne comprenais pas et mon regard hagard cherchait le moindre indice qui me ferait me dire que nous n'étions pas seuls.
Je n’étais pas un fervent croyant d’histoires de fantômes. Oh non ! Je devais le voir pour le croire… Et même en le voyant, je doutais fortement. Il devait y avoir un grisha, peut-être deux ou trois, ce n’était pas possible autrement. Mais pourquoi ? Pour quelle raison ? Un simple trésor ? Non, il devait avoir de l’importance, plus d’importance qu’on ne l’imaginait. Ce n’était pas possible de garder quelque chose aussi bien, surtout dans un coin aussi reculé, aussi caché, aussi sombre dans la forêt. Et honnêtement, les meilleures cachettes étaient souvent sous terre ou dans la roche - expérience de pirate.

« Lev ! »

Si j’entendis le prénom de mon compagnon de piraterie résonner dans le couloir, j’entendis également sa voix. Mon prénom hurlé. Un frisson me parcourut la colonne vertébrale, du bas vers le haut, et mon instinct me susurra que quelque chose se passait - et allait se passer.
Tout à coup, les portes du couloir s’ouvrirent et se fermèrent, claquant dans un rythme qui étaient le leurs, une légère brise faisant voler quelques mèches de mes cheveux. J’observais la scène, ahuri, presque paralysé sur mes jambes, comme si je me préparais à recevoir une attaque. Mais rien. Très bien… Puisque c’était ainsi…
Mes mains bougèrent. J’appelais l’air, le vent, ma petite science. Je me concentrais comme je ne l’avais jamais fait, fermant les yeux. Il fallait que ça souffle, il fallait que ça soit violent et destructeur. Il ne pouvait pas en être autrement. Je relâchais toute mon énergie en face de moi, créant un tunnel dans plusieurs pièces, les reliant, jusqu’à faire un trou vers l’extérieur. Je hurlais à plein poumon comme si ma voix allait donner encore plus de force à mon geste. Le toit subit également des dégâts, créant une tranchée bien nette - on pouvait mieux y voir qu’à travers les quelques trous qu’il y avait çà et là.

Je me ruais dans chaque pièce jusqu’à voir mon compagnon hurleur au sol. Je me précipitais vers lui, le secouant doucement, ayant peur qu’il ait subi pire que je ne le pensais.

« Lev ! Réveille-toi bordel ! C’est pas le moment de faire la sieste ! »

Ma voix était loin d’être assurée, paniqué à l’idée qui lui soit arrivé quelque chose. Je n’étais pas médecin, je n’étais pas soigneur, j’étais qu’un putain de grisha qui jouait avec le vent et qui divertissait le monde. Je n’avais aucune compétence médicale et avant même que j’ai l’idée de prier un quelconque sankt, des yeux bleus me fixèrent et un sourire soulagé étira ma bouche.

« Tu voulais me copier, que je ne sois pas le seul blessé, avoue. »

Ton joueur pour détendre l’atmosphère, j’espérais néanmoins tombé sur le connard qui avait osé faire cela.

« Tu sais qui t’a fait ça ? Tu as pu le voir ? Ou la voir ? Ne soyons pas misogyne… »

Son corps, retenu au mur par ses poignets entravés, ne s'écrase pas au sol. Pourtant, lui n'a plus conscience de tout ça pendant quelques minutes. Il aurait été si fier de son ami, de son coup d'éclat, de la puissance qu'il a déployé entre ces murs, il aurai tellement aimé le voir à l’œuvre, voir la porte de la salle qui le retenait claquer pour s'ouvrir sur une sortie.

Il aurait aimé entendre son cri de puissance qui lui aurait, évidemment, procuré un sentiment d'intense satisfaction.

Mais il n'a rien vu. Rien d'autre que le noir de son inconscience, le coup qu'il a reçu la sonné assez bien pour qu'il soit sourd et aveugle à ce qu'il se passe dans cette maison. La lumière du couloir caresse ses boucles, son visage avachi contre sa poitrine. Jusqu'à ce qu'il sente les mains de Flynn sur ses bras qui le secoue doucement. Il finit par entendre son prénom et un ordre. Il entend plus les inflexions inquiètes qui secouent la voix de son chanteur d'ami. Ses yeux s'ouvrent finalement pour se poser sur Flynn. Lev fronce les sourcils, le monde est flou et sa tête le lance. Pourtant, un sourire vient étirer ses lèvres.

-Encore... Encore cinq minutes, tu veux ?

Il avise le sourire de Flynn et relève un petit peu plus la tête avant de froncer les sourcils en l'entendant.

-Tu es blessé ? Qu'est ce qu'il s'est passé ?

Il entend bien son ton amusé, il entend bien ce ton léger dont Flynn à le secret mais s'il est blessé, Lev n'arrivera pas à garder cette légèreté. Il tire sur ses poignets avant de tourner la tête vers le gauche et voir le métal qui l'enserre, sa main droite est dans le même état. Il n'a pas le temps de chercher plus loin que la question du musicien le ramène vers lui.

-Je connais pas son genre, je n'ai pas vu. Tout était noir mais il était dans la pièce... Tu n'as rien vu en arrivant ?

Alors qu'il parle, que son regard se balade sur la pièce noire à la recherche d'un mouvement qu'il ne trouve pas. Pourtant, son agresseur ne reste pas les mains vides. Le métal rampe par terre, le son grinçant par en écho dans la chambre sans qu'on ne puisse la repérer. La Roussette se tend, tire à nouveau sur ses poignets.

-Y'a un Materialki, Flynn.

Le serpent de métal s'enroule alors autour de la cheville blessée du barde, lentement, très lentement il remonte pour l'enserrer violemment.

Mon regard était un mélange de peur et d’étonnement. Voir Lev entravé de la sorte… Je ne leur pardonnerai pas. Peu importe le nombre de personnes qui se cachait derrière ces pierres, je leur ferais payer. On ne touchait pas à un Shark. Mes mains, d’abord sur ses bras, vinrent sur son visage alors qu’il papillonne enfin des yeux. Il se réveillait et je ne pus qu’exprimer mon soulagement de revoir la couleur de ses yeux - pendant une seconde, mon cœur avait fait une attaque à imaginer le pire.

« C’pas le moment de jouer la belle au bois dormant, commentai-je sur un ton sarcastique, mais amusé. »

Ma tête se releva vers les chaînes et je cherchais un moyen de les briser. Comment s’était-il retrouvé dans cette position ? Nous nous étions quittés quelques minutes à peine, non ? Et voilà que je le retrouvais dans de beaux draps. Sourcils froncés, ma tête pivota dans tous les sens à la recherche du moindre indice concernant la présence d’un grisha dans la pièce - et donc, d’un ennemi.

« J’me suis cassé la gueule dans ses putains d’escaliers, rien de grave. Au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, y’a pire. Toi, enchaîné à un mur qui pue la moisissure et le champignon pourri. »

Mon ton était léger, mais il cachait à moitié la colère que j'avais pour ceux qui avaient osé faire ça.
Non, mais celui-là, il n’en manquait pas une ! Il était à deux doigts de retomber dans les bras de Morphée et il fallait qu’il s’inquiète pour moi. Je tâtais ses membres, cherchant à savoir s’il avait une blessure grave quelque part, mais il semblerait que le principal problème soit les entraves en acier sur ses poignets.

« J’ai rien vu, non… Je t’avouerai que j’ai refait la décoration de l’étage. »

Et c’était le moins que l’on puisse dire : y’avait même un magnifique trou, direction la sortie.
Pour l’heure, la fuite n’était pas envisageable. Elle était même impossible lorsque je sentis un métal s’enrouler autour de ma cheville. Impossible de l’arrêter. Mon regard balaya la pièce, mais ce lâche se planquait dans l’ombre. Très bien, puisqu’il voulait la jouer ainsi.
Mes mains se mirent à danser, appelant une nouvelle fois ma petite science.

« Ferme les yeux, Levouille, le vent va claquer. »

Je gonflais mes poumons, retenant ma respiration puis, soudainement, je relâchais le tout, provoquant une bourrasque qui fit plus rapidement le ménage que n’importe quel balai. Le bruit caractéristique d’un corps qui tombe m’indiqua où cette personne se trouvait et j’en profitais pour me ruer sur elle. Coups de poings, coups de pieds, tous les coups étaient permis. Je parais autant que j’encaissais, mais après quelques instants, j’immobilisais ma cible et sans attendre la moindre explication, je fis craquer ses cervicales. Un ennemi en moins.
Je fouillais ses poches, glissant sa bourse et autres trouvailles dans mes poches. Un sourire éclaira mon visage lorsque mes doigts touchèrent un trousseau. Je le fis tinter joyeusement, le présentant devant moi en lâchant un soupir heureux.

« Reste plus qu’à trouver la bonne… »

Claudiquant jusqu’à Lev, j’essayais une clé… (dé oui) qui déverrouilla les entraves de mon ami. Je le réceptionnais dans mes bras, m’asseyant, mes bras l’entourant comme la meilleure des protections.

« Bon… Je ne sais pas combien il reste de connards, mais on m’dit dans l’oreillette que la sieste est terminée… Tu t’sens capable de te lever, Lev ? »

Les mains chaudes sur son visage le maintiennent focus sur Flynn. Le monde tourne mais il ne tourne qu'autour de son ami, lui est sa constante.

-Je t'ai demandé cinq minutes, c'est rien, laisse les moi.

Sourire en coin, sourire craqué mais sourire sincère.

-Mais bon, si tu me trouves belle, je vais faire un effort.

Il ferme les yeux avec force pour se focaliser, pour se recentrer. Il les rouvre quand Flynn lui répond. Vautré dans l'escalier. « Rien de grave » ? Lev fronce les sourcils.

-Pas grave comment ? T'as mal ?

Un rire lui échappe quand son ami lui parle de l'odeur du mur.

-Tant que c'est pas moi qui sens le vieux champignon, hein. Je vais m'en contenter.

Une longue inspiration, la Roussette ferme les yeux pendant que Flynn continu son inspection, baladant ses mains sur son corps, palpant à la recherche d'une plaie. Lev n'est pas dupe, ni inconscient, il sait que tout se concentre autour de sa petite tête. Il en a prit des coups au cours de sa vie et il sait que ce qu'il l'a toujours mit à terre, c'était les pieds dans les tempes ou les murs contre le crâne. Il a prit les deux, il ne s'étonne pas de son état.

Il rit à la remarque de son ami.

-J'en attendais pas moins de ta part, j'ai hâte de voir ce que tu as fait !

Quand il saura se relever. En attendant, il pose un œil effrayé sur la pièce de métal qui s'enroule autour de la jambe de Flynn puis sur ses mains qui se mettent à danser pour appeler les alizées. Il n'a pas un mot à la demande de son ami, juste un sourire. Il sait très bien ce qu'il fait. Les yeux de la Roussette se ferment, il se tend et savoure finalement les bourrasques dans ses boucles. Il ne rouvre les yeux que quand il entend la bataille qui se joue entre son Hurleur et le Matherialki qui l'a cloué au mur. Il suit l'échange sans un mot, laissant grandir la douleur de voir Flynn prendre des coups. Oui, ils sont pirates, mais ça n'empêche que Lev déteste qu'on porte la main sur un des siens. Il ne dit rien pourtant, bien qu'il ne le quitte pas des yeux.

Son soulagement arrive quand la vie quitte l'adversaire des ombres. Flynn est sauf et l'autre, et bien la Roussette en a rien à foutre. Pirate qu'il est, il ne presse pas son collègue pendant qu'il dépouille sa victime, l'autre n'en aura pas besoin là où il va, autant que ça serve à ceux qui restent.

Un sourire éclaire son visage quand le barde revient vers lui avec le trousseau. Ses bras sont vite libres et le corps fatigué du pirate tombe sans effort dans les bras réconfortants qui l'accueillent. Un léger soupir lui échappe quand ses mains se posent sur les avant-bras qui l'entourent. Il ne se laisse pourtant pas de répit. Ils ne sont pas en sécurité et ils n'ont toujours pas trouvé ce pour quoi ils sont venus.

-Je peux oui.

Quittant la douce sécurité sûrement relative des bras de Flynn, Lev se relève, vacille, se stabilise et tend la main à son ami pour l'aider à son tour à se relever.

-Tu boites...

La Roussette n'a pas un regard pour le macchabée qui traîne dans un coin de la place.

-Tu as vu quelque chose au rez-de-chaussé ? Je n'ai pas eu le temps d'y jeter un œil, je suis monté direct.

Il se dirige vers la sortie de la pièce, plus porté par la fierté que son propre corps.

-Ca va aller pour descendre ?

Un rictus en coin, amusé, vient jouer sur ses lèvres :

-Sinon, je te porte comme une princesse !