Heart Broken ◘ Noah

L’image revenait inlassablement dans sa tête.

Deux silhouettes enlacées, cachées à l’abri d’une roulotte un peu isolée. Le visage surpris d’Ether, le regard frappant du soldat fjerdan qu’il était en train d’embrasser, et cette sensation déchirante dans sa poitrine.

Le souffle court, le regard lointain, Liv porta la main contre son buste sans s’en rendre compte. La douleur mêlée à la sensation de trahison était encore là, fichée au creux de sa chaire et désormais alourdie par une montagne de tristesse.

Comment pouvait-on se relever d’un cœur brisé ? Elle se posait la question chaque soir, avant de s’endormir, alors que l’horrible impression d’être écrasée sous sa peine la saisissait. Depuis qu’elle avait compris qu’Ether ne l’aimait pas, et qu’il ne l’aimera jamais, Olivia regrettait plus que jamais la présence de sa mère. Elle aurait forcément su la conseiller, elle. Mais non. Elle se sentait seule, plus seule que jamais, et était déterminée à le rester.

La chorégraphie qu’elle était en train de répéter la rattrapa et lui fit prendre un instant de retard. Récupérant le fil en catastrophe, Liv s’élança pour la millième fois dans cette satanée danse qu’ils recommençaient encore et encore, faute de trouver l’accord parfait.

Noah était comme d’habitude, plongé dans un sérieux et une persévérance à toute épreuve. L’épisode qu’ils avaient traversé, après l’attaque des Shus, était un lointain souvenir. Son partenaire cachait si bien ses émotions enfouies que Liv se demandait parfois si elle n’avait pas rêvé leur discussion à cœur ouvert. Depuis, leur relation avait globalement repris comme avant, pleine de compétitivité, de piques acérées et de travail acharné.

Pour la troisième fois d’affilée, la voltigeuse loupa un pas de danse. Toujours le même. Sa main échappa à celle de l’acrobate. Leur duo se brisa et la danse fut avortée.

— Bon sang ! Mais c’est pas vrai... !

Agacée, elle serra les poings et donna un coup de pied dans le sable de la piste de spectacle.

Les journées se succédaient depuis l’incident de l’attaque des grishas, et eux avec, et le quotidien de Noah avait reprit l’aspect du brouillard étrange dans lequel il avait vécu après sa propre tragédie. Il avait conscience de s’être refermé comme un beau coquillage, après avoir ouvert avec autant d’intensité son coeur à sa partenaire. Il n’avait pu en être autrement. Maintenant le moment était passé et même si Noah avait promis d’y réfléchir, il n’avait aucune idée de comment se lier avec les autres du cirque. C’était plus facile à dire qu’à faire, maintenant qu’il passait inaperçu et qu’il avait refusé les mains qu’on lui avait tendu. Il était seul et cela le pesait d’autant plus qu’il se rendait un peu plus compte, à chaque minute qui passait, qu’il était responsable de cette solitude. Il se punissait, il savait qu’il se punissait mais il ignorait comment faire cesser tout cela. Et maintenant qu’il était lancé dans cette ronde étrange, parler à d’autres personnes que Liv ou le directeur lui semblait presque insurmontable. Il était pris d’une timidité exemplaire quand il tentait de s’insérer dans les conversations ou même de demander quelque chose à quelqu’un qui ne concernait pas le cirque de près. Lui qui, plus jeune, passait plusieurs heures dans la rue à faire des numéros et sourire aux gens pour les amener à voir leur spectacle… C’était ridicule. Et une fois encore Noah remarquait à quel point il était l’ombre de lui-même. C’était dans des moments pareils que ses deux ombres favorites, ses deux frères de parents différents, lui manquaient plus que tout. Enfin rien ne servait à remuer le passé comme ça. Alors il s’enfonçait encore plus dans le travail, l’air concentré de celui qui répète encore et encore. Il passait de longues heures à vérifier leur matériel, à faire le tour de chaque mousqueton, de chaque centimètre carré d’étoffe, à chasser chaque petit fil qui dépasse, à s’assurer que le sable du cercle était bien étalé. Et par la même occasion il vérifiait les tribunes. Et les installations du chapiteau. Et aussi l’aspect extérieur de chaque roulotte, se proposant ça et là, ignorant sans vraiment le vouloir toute tentative de discussion alors qu’il réparait un rayon de roue par là, un accroc sur un tissus de costume par ici. Noah se levait, se nourissait, travaillait, et repartait dormir. IL détestait ces moments, dans sa roulotte, ou la solitude le clouait à sa couche alors parfois, parfois il sortait marcher de longues heures, et les autres il passait son temps à prier sankt Grigori de protéger Dmitri et Staz lui promettant une dévotion sans faille et une prochaine excursion pour lui rendre hommage en échange. C’était bien peu, mais c’était tout ce qu’il avait. Il vivait à peine mais pour l’instant ça lui convenait. C’était normal et ça lui permettait de fonctionner.

C’était peut-être pour ça que l’attitude d’Olivia l’excédait plus que de mesure ces temps-ci. Elle était clairement ailleurs. Il ne savait pas où, c’était pas ses affaires après tout, mais c’était navrant à voir et franchement dangereux. Des jours, des jours qu’ils s’entraînaient et la chorégraphie choisie ne voulait pas s’enregistrer dans leurs muscles fatigués. Et si parfois Noah manquait la mesure, c’était, à son avis, beaucoup plus à cause de sa partenaire.

Alors qu’ils allaient entamer le moment épineux de leur danse, Olivia s’éloigna et leurs mains se manquèrent, encore. Noah vit la jeune femme s’arrêter, tempêter et taper du pied. Il se redressa, frotta le haut de son crâne avec la main avant de trottiner vers le bord du terrain et d’aller éteindre le dispositif de musique. Le gramophone fit un bruit légèrement désagréable mais Noah n’en eut cure. Il récupéra l’outre de sa partenaire et vint lui tendre, les sourcils froncés de frustration. S’il y avait bien une chose qu’il ne voulait pas faire, c’était se mettre en colère contre elle. Parce que si leur relation était revenue au point de départ et qu’ils se chamaillaient encore comme des bougres, Noah n’oubliait pas l’orbe de lumière qui lui avait redonné confiance.

C’était pas pour ça qu’il allait la ménager.

-Qu’est ce qui se passe, à la fin? T’es encore partie galoper cette nuit et t’as pas dormi, c’est ça? Faut arrêter de courir le garçon ma vieille, parce que tu vas finir par plus pouvoir courir du tout.

Il lui offrit ensuite un sourire moqueur, un sourcil levé en provocation, les bras croisés pour plus d’emphase.

Irritée, à fleurs de peau, elle s’était attendue à ce que Noah émette une remarque salée. Il en était largement capable, elle avait déjà pu en faire les frais. Liv avait encore en tête la leçon de morale cuisante qu’il lui avait déballée, ce fameux matin où elle avait eu l’audace d’arriver en retard à leur séance de répétition.

Mais non, contre toute attente, le garçon s'abstint.

Grinçant des dents, elle attrapa l’eau qu’il lui tendit et colla ses lèvres contre le goulot sans rechigner.

Il était primordial qu’elle se vide l’esprit. Or, boire et respirer profondément étaient des astuces aussi simples qu’essentiels, et elle allait bien finir par y arriver. Le spectacle approchait après tout. Ils allaient bien devoir présenter un numéro devant le public a un moment ou à un autre. D’ici là, Olivia aura forcément réussi à oublier Ether et...

Ce fut soudain, mais elle recracha ce qu’elle avait dans la bouche.

Une chance pour lui, elle avait tourné le dos à l’acrobate. L’eau s’étala sur le sable et sur son menton, comme un geyser semblable à la colère qui pulsa subitement en elle.

— ... Quoi ?!

Elle fit vole face dans sa direction, essuyant son visage d'un geste vif. Oh, Noah n’avait nul besoin de répéter, car Olivia avait parfaitement entendu. Et mieux valait pour lui qu’il ne s’y aventure pas. La lumière grésilla un instant de manière incontrôlée dans les hauteurs du chapiteau.

— Mais pour qui tu te prends, d’abord ?!

Pétillante de colère, elle avança droit vers lui, un index pointé sur son torse.

— Tu ne sais même pas de quoi tu parles ! Tes commentaires à la noix, tu peux te les garder !

Sans crier gare, elle lui jeta son outre vide dessus. Et puis, d’un coup, ses yeux piquèrent trop fort. Liv cilla une fois... Deux fois... Et de plus en plus vite. Son ventre se tordit douloureusement alors qu’elle se retrouva incapable de prendre une véritable goulée d’air.

— J’ai... J’ai rien couru du tout, figure-toi... !

Entendre sa voix dérailler accéléra le processus. Les émotions la submergèrent et débordèrent. Olivia éclata en sanglots sans plus contrôler quoi que ce soit. Les larmes inondèrent ses joues comme un torrent à la saison des fontes. Elle plaqua les mains sur ses yeux et s’accroupit au milieu de la piste, comme si se ratatiner sur elle-même pouvait suffire à réduire le trou dans sa poitrine.

— T’es... q-qu'un... g-goujat, Noah... ! bafouilla-t-elle entre deux hoquets spasmodique.

Il venait à peine de croiser les bras que déjà Liv crachait son eau par terre. Noah perdit de son air provocateur, se mordit la lèvre inférieure pour éviter de rire mais ne put empêcher ses épaules de tressauter deux ou trois fois d’un rire mal contenu. Alors ça, c’était inédit. Il avait toujours fait réagir Olivia. Elle avait cette incapacité à ne pas réagir à ses piques qu’elles soient énervées, moqueuses ou même empreintes de flirt. C’était une particularité que partageait Noah à son encontre, si bien que leurs interactions étaient toujours très amusantes à voir, il imaginait. A vivre aussi parfois. C’était divertissant. Et, s’il devait l’avouer, il n’y avait qu’elle en ce monde qui pouvait lui permettre de s’oublier un peu, d’oublier le passé, de se sentir vivant. Entier. Enfin, ce n’était pas comme s’il allait lui dire un jour.

Sa joie s’envola à son tour plus rapidement qu’une grenouille qui saute dans un étang et ses bras se dénouèrent d’eux-même. Le geste et les mots de la voltigeuse étaient chargés d’une colère si lourde que l’homme recula d’un pas surpris, deux mains devant son corps en guise de protection, et peut-être de soumission étrange. Olivia…Elle n’était pas comme d’habitude. Un coup d’oeil vers le haut du chapiteau et la lumière vacillante le fit grimacer. Oh-oh. Il avait peut-être été trop loin, aujourd’hui.

Il étouffa un “ouf” indigné, se pliant légèrement alors que l’outre de sa partenaire se retrouvait sauvagement balancée dans son estomac.

Il n’eut pas le temps de plus y penser que déjà la colombe fondait sur lui comme un aigle sur sa proie, le faisant reculer. Elle irradiait de rage, son index collé sur le torse de Noah et chaque pas qu’il faisait pour reculer était un pas de plus qu’elle avançait pour entériner ses dires. IL n’avait jamais obtenu réaction pareille et pourtant, pourtant il lui avait dit des choses beaucoup plus méchantes, beaucoup moins joueuses, dans des circonstances beaucoup plus sérieuses. Il ne comprenait pas. Il était perdu. Ses mains avaient migré sur le coté de sa tête, levées bien en l’air pour montrer à Liv qu’il n’avait rien d’agressif contre elle. C’est ce qu’on devait faire face à un prédateur, après tout… face à un animal blessé aussi… Il ignorait dans quelle catégorie se tenait Liv à présent.

Aussi soudainement qu’elle était arrivé, la colère sembla se ternir et les voltigeurs eurent droit à peut-être trois secondes de calme que Noah n’eut pas le temps d’apprécier à leur juste valeur. Et puis, pire encore que la colère, pire que la vexation, pire que tout ce que Noah avait pu déjà lire sur le visage d’Olivia, celui-ci se remplit de larmes. C’était graduel: d’abord ses deux beaux yeux se mirent à briller, une fine couche transparente apparaissant à l’orée des cils blonds de la grisha, et puis un clignement, et un autres et les larmes fuyaient leurs prisons pour dévaler la pente de ses jolies joues claires. Quelque chose se cassa en Noah, faisant un bruit de tous les diables. Peut-être son coeur était-il encore en état pour se sentir aussi dévasté de voir couler les larmes d’une femme qu’il n’était même pas sûr de pouvoir qualifier d’amie.

Ses mains glissèrent sur son corps, bouleversé par le triste spectacle qui se tenait devant lui. Et alors qu’elle s’accroupissait sur elle-même et le traitait de goujat, Noah se dit qu’elle avait raison. Sa plaisanterie allait trop loin, s’il venait à la faire pleurer. Elle était pitoyable, dans un sens peu négatif, juste… une petite boule d’humain qui essayait de rester entier? Il ne savait pas trop comment expliquer mais il avait provoqué ça. Si Olivia sentait le besoin de se renfermer sur elle-même pour se préserver du monde extérieur, c’était de sa faute.

Noah ferma les yeux, prit une grande inspiration puis fit un pas, puis deux, et s’accroupit à hauteur d’Olivia. Il posa une main calme, douce, il espérait réconfortante, sur son dos.

-Je suis désolé, je… parfois… enfin….

Il n’avait jamais été dérouté de voir quelqu’un pleurer. Il avait appris très tôt que c’était quelque chose de sain mais là… il ne savait pas quoi faire. Il ne pouvait pas l’enlacer sans lui demander si c’était vraiment ce qu’elle souhaitait. Il ne pouvait que s’excuser.

- Je suis un crétin? Enfin pas parfois, ça on est d’accord pour dire que c’est toujours. Je voulais pas perdre patience parce que nos répétitions avancent à rien et j’ai tenté l’humour. Mauvaise pioche on dirait. Mais ça va aller, t’inquiète pas, je suis sûr qu’on peut changer cette partie pour y arriver. Et on sera prêt à temps. Et tout le monde verra à quel point la colombe est belle, dans les cieux.

Un sourire tranquille sur les lèvres, il laissa sa main aller et venir dans un geste doux sur le dos de sa partenaire.

Noah n’était pas la cause de ses problèmes de cœur. Il n’avait rien fait de mal, le pauvre, et le geste qu’il eut en levant les bras d’un air innocent témoignant bien qu’il ne comprenait rien à la tempête qui se levait. Pourtant, Liv était incapable de s’arrêter. Un infâme mélange de colère et de tristesse se déversait d’elle, comme si le voltigeur avait eu le malheur d'ouvrir une vile boîte de Pandore.

Elle aurait aimé se décharger encore un peu plus sur lui, le pourrir sans état d’âme pour peut-être extérioriser ce poids qui lui alourdissait la poitrine. Mais le méli-mélo de ses émotions devint trop important. La danseuse se ratatina au milieu de la piste, l’impétuosité de sa colère retombant comme un soufflé ridicule.

Les larmes dévalèrent ses joues comme un torrent à la fonte des glaces. Elle pleurait tellement qu’elle peinait à reprendre sa respiration, c’en était navrant. Olivia allait longtemps se maudire pour cet instant. Elle le savait. Mais pour l’heure, sa peine prenait trop de place pour qu’elle pense au reste.

La main de Noah dans son dos la fit tressaillir, troublant un instant la mélodie étouffée de ses sanglots. Et alors que son partenaire commença à lui dispenser toute une série de mots rassurants, Liv déglutit laborieusement. Elle releva la tête. Etala ses larmes sur son visage en essayant d’essuyer ses yeux trempés. Et prit enfin une grande inspiration.

— Mais je m’en fiche du spectacle, Noah !

Elle roula des yeux, exaspérée qu’il ne comprenne pas ce qui, pour elle, était parfaitement évident.

— Je me suis fait briser le cœur... !

Sa voix dérapa de plus belle. Liv dut prendre sur elle pour contenir les sanglots qui naquirent au creux de sa gorge. Elle avait trop de choses à dire, à libérer, pour laisser les pleurs l’en empêcher.

— J’ai espéré et attendu pendant des mois, tu te rends compte ? gémit-elle entre deux reniflements aux antipodes de l’idée même d’élégance. Je suis restée là, à être gentille, à être disponible, à sourire bêtement et à battre des cils comme une greluche. Pour quoi ? Pour qu’il aille embrasser quelqu’un d’autre !

Elle enfouit à nouveau son visage dans ses mains.

— J’ai été t-tellement idiote, se plaignit-elle, la respiration chaotique, d’une voix étouffée et quasi inintelligible. Et je vois p-pas comment la... la colombe p-pourrait être b-belle après ç-ça... !

Et cette fois, cette perspective fut plus forte que le reste. Elle fondit en larmes de nouveau.

Il n’avait jamais vu Olivia pleurer. Et la voir dans cet état lui rappelait à quel point ils ne savaient rien l’un de l’autre. Et pourtant, même ainsi, il pouvait lui confier sa vie sans problèmes. C’était un peu bizarre comme contradiction mais c’était la leur et ça convenait à Noah. Toujours était-il qu’il était difficile de la rassurer, de l’aider, de l’accompagner dans une détresse pareille. Ses mains en mouvement, accroupi plus ou moins au-dessus d’elle, il murmurait toutes sortes de choses pour la rassurer. Et comme Noah était un éternel crétin, il ne pensa pas que ça pouvait avoir autre chose comme rapport que leur spectacle. Il fallait dire que leur collaboration n’était pas de tout repos. Ils n’avaient pas la même façon de se préparer. Noah savait que son sérieux pouvait parfois désemparer Olivia autant que son attitude légèrement égoïste (non pas qu’elle le soit, il n’en savait rien mais c'était évident qu’elle avait plus l’habitude de travailler seule) pouvait parfois déstabiliser le voltigeur. Ils pouvaient se prendre le nez des heures pour des détails qui leurs semblaient insignifiants le lendemain. Et parfois la magie opérait immédiatement. Et Noah vibrait sur la même musique que la colombe. Quand c’était le cas, rarement, il se sentait pousser les ailes de la liberté. C’était beau, c’était bien. C’était peut-être aussi la raison pour laquelle il voulait que tout soit toujours parfait lors de leurs spectacles.

Mais là, il s’en fichait. A la porte toutes ses élucubrations à propos d’une parfaite représentation. Seule comptait sa partenaire au sol et la main qu’il voulait lui tendre. Il la regarda relever la tête, ne cessa pas ses caresses alors qu’elle essuyait ses joues inutilement et lui criait presque dessus, excédée. Ah. D’accord, ça n’avait rien avoir avec la représentation. Bon c’était en soit un souci en moins mais ça ne les faisait pas plus avancer que cela dans le problème: il avait blessé Olivia, pour de vrai, sans savoir comment. Mais sa partenaire n’avait pas terminé de parler.

Oh. Olivia était amoureuse de quelqu’un. Noah fronça les sourcils au pincement au coeur qu’il ressentit immédiatement et se dit que son empathie dépassait l’entendement aujourd’hui, avant de se concentrer sur les mots de sa partenaire. Il s’assit complètement, passa un bras autour des épaules d’Olivia, peu soucieux de l’intimité du geste, peu soucieux qu’ils n’en soient pas là dans l’amitié qui se dessinait entre eux. Il voulait lui montrer qu’il était là pour elle. Doucement, il l’attira à lui, se colla sur le côté dans une étreinte qui se voulait rassurante. Il murmura un petit ” c’est ok?”, prêt à déguerpir au premier signe de gêne. Ils se touchaient tout le temps tous les deux, mais c’était professionnel. Là c’était… autre chose. Le genre d'interaction qui les changerait encore, comme dans sa roulotte la dernière fois.
-Je suis désolé pour toi, Olivia. Je…j’ai jamais ressenti ça pour personne alors je sais pas ce que ça fait, romantiquement parlant, d’avoir le coeur brisé. Mais je sais que c’est difficile de perdre quelqu’un, qu’importe la manière. Je crois que c’est peut-être mieux d’avoir rien tenté, si la personne t’aimait pas comme ça de base, non? C’est…t’es pas ridicule d’accord? C’est humain, d’aimer. humain ou grisha peu importe. Ressentir ces émotions, c’est un cadeau. Qui peut parfois faire mal, c’est sur mais ça nous fait nous sentir vivant.

Il lui offrit un sourire doux alors qu’un souvenir qui l’était tout autant remonta à son esprit.

-Mon père disait toujours qu’il n’y avait rien de plus beau au monde que l’amour que l’on porte aux autres. Pas celui qu’on reçoit. Celui que l’on donne. Et que ça nous définit. Je trouve qu’il a pas tort. J’ai jamais trouvé qu’il avait tort alors c’est un peu biaisé.

Un nouveau sourire, un peu pataud cette fois, avant que Noah ne décide de se tourner vers elle et d’aller ranger une mèche derrière son oreille.

- La colombe a toujours été magnifique tu sais. Dans les airs, ou au sol.

Et il ne sait pas d’où il sort ça, Noah. Mais il sait que c’est profondément vrai. Parce qu’Olivia Korolov est la personne la plus magnifique qu’il n’ait jamais vu.