she was brave and strong and broken all at once (ft Deva)

She was brave and broken all at once

 @Deva Petrova @Daniil Petrova

I won't be a puppet on a string

La journée, tu l'avais passé à calculer, et noter sur un petit carnet toutes les dettes des parieurs. Ton nom figurait peut être d'ailleurs, sur un des cahiers d'archive, dans la petite bibliothèque qui siégeait dans ton dos. Tu es gaucher, il te fallait faire attention pour ne pas laisser quelques traces de paume sur les pages. Les lunettes à monture épaisses sur le bout de ton museau te permettais de ne pas y voir trop flou. Une fois tout ton travaille terminé, tu avais rangé avec soin le bureau. C'était toujours la même routine. Et pourtant... Tu ne t'ennuyais pas comme ça aurait dû être le cas, parce que ça défilait dans ce bureau, tu y voyais du monde, et parfois... Parfois Viper te prenais avec toi pour aller au plus près de l'action, il te montrait un peu l'envers du décor. Et c'était comme si un magicien te montrais toutes les ficelles, toutes les trappes de son univers. Si au début t'étais là par la contrainte, aujourd'hui tu avais tes habitudes. Tu avais ta propre vie.

Tu avais fini par sortir de ce même bureau, laissant l'air nocturne charrier les odeurs de jurdas (importation illégale d'un autre quartier, c'était à la mode, actuellement, tout le monde fumait ce tabac, la contrebande était la moins chère, bien que la qualité soit modérée.)

Une silhouette dans la foule te fais plisser les yeux. Une impression étrange qui te glaces les veines, alors même que tu espérais secrètement ne jamais la revoir, pour ne pas la peiner, pour ne pas lui faire de mal... Cesser d'exister, purement et simplement pour faire le moins de mal possible. T'avais toujours la peur au ventre qu'on lui fasse du mal, dans ce monde qui avait perdu, et sa candeur, et sa beauté. Vos regards se croisent, avant que tu ne prennes une ruelle, celle d'une taverne bien connue de ta petite personne. Te cacher, pour ne plus jamais réapparaître, disparaître à nouveau. Ton coeur ne savait pas que penser, une joie vorace d'exister encore, d'être assez important pour que ta soeur te cherche ? Le désespoir de la voir te chercher encore ? Impossible de le savoir vraiment. Tu finis par te couler sur la banquette d'une alcôve, on ne te chercheras pas, dans un endroit plein à craquer de monde... Non ? On dépose un verre de vin de miel devant toi, et tu croises le regard d'un serveur, une nuit sans lendemain, consentie autant par l'un que par l'autre. Tu lui offre un clin d'oeil et un sourire, avant de te figer dans ton siège, lorsque tu aperçois ta soeur à nouveau. Véritable ectoplasme collée à tes basques, mais c'était trop dangereux, elle risquait trop. Tu sens ta bouche sèche, alors qu'un simple

"Devi" s'échappe de tes lèvres entrouvertes.

She was brave and broken all at once

 @Deva Petrova @Daniil Petrova

Like a distant star, shining but already gone.

Le pendentif rebondit contre sa peau, là où son cœur s'agite tel un animal sauvage.
« Je l'ai retrouvé. Il est vivant. »
Dans sa course folle, seules ces paroles du mercenaire lui sont importantes. Elle ne s'excuse pas auprès des passants qu'elle renverse sur son passage. Ne prend même pas la peine de les éviter. Car elle n'a pas le temps pour ça. Elle n'en a plus. Cette sensation d'en avoir déjà trop perdu s’intensifie à chaque secondes. Et bien qu'elle court vite, elle préférerait savoir voler.

A chaque coins de rues, elle croit le reconnaître.
De cette carrure élancée à ce regard croisé au milieu de la foule. L'effet n'est pas nouveau. Cela fait des semaines qu'il s'amusait d'elle. Ce soir pourtant, elle avait une raison supplémentaire de ne pas y faire attention. Elle savait exactement où le trouver.
Au cœur de Kursaal Street, Deva se fraie un chemin jusqu'à l'adresse indiquée par l'Ombre, et après en avoir vérifié plusieurs fois l'enseigne, pénètre enfin dans la taverne.
Sans grande surprise, l'endroit est noir de monde. Elle se souvient y être venue une fois, peu de temps après leur arrivée en ville. Ils cherchaient un endroit où se produire mais avaient rapidement été mis à la porte. Sans doute n'avaient-ils pas, à l'époque, la dégaine suffisamment Kerch pour l'endroit.
A cette pensée, Deva s'immobilise, soudain consciente de son apparence. Elle avait changé depuis son départ. Pas dans le fond non, mais...que dirait-il en voyant les tatouages sur ses bras ? Et son allure modelée de cuir sombre, à l'image des ombres de cette ville ? Serait-il déçu ? Choqué ?
Rendue anxieuse, elle entreprend de tirer sur les manches de sa blouse, remontées jusqu'aux coudes, avant de suspendre son geste. La peur la rendait ridicule.
Secouant la tête, un soupir s'échappe de ses lèvres alors qu'elle se perd un peu plus dans la foule. Des regards s'arrêtent sur elle, sans doute des habitués intrigués de voir une nouvelle tête. Du moment que personne ne l'interpellait pour lui commander à boire, elle s'en fichait. Et c'est au moment où elle dépasse un groupe de curieux qu'elle l'aperçoit.
Son cœur manque un battement. Ou plusieurs. Car elle a aussi arrêté de respirer. Portant la main à sa poitrine, ses doigts frôlent le pendentif pendu à son cou avant de se refermer sur lui. Admirative du visage qu'elle vient de retrouver, elle n'ose faire un pas de plus, craignant que cela suffise à le faire disparaître. Car la situation lui semble trop belle, mais aussi trop fragile.
Alors elle l'observe un instant, prendre vie dans ce décor, sourire à ce jeune homme, jusqu'à ce que leurs regards se croisent enfin. Et c'est en lisant son surnom sur ses lèvres qu'elle réalise.

Ignorant ses doutes, réveillés par la soudaine expression sur son visage, Deva accourt jusqu'à son frère pour se jetter à son cou. Elle n'avait que faire du lieu où ils se trouvaient et des sanglots qui la secouaient. Elle s'agrippait à lui avec une force désespérée; de l'avoir retrouvé, de le perdre à nouveau.
Incapable d'articuler un mot, et au risque de laisser échapper un geignement ridicule, elle se contente de l'étreindre, autorisant ses larmes à couler et son cœur à se reposer.
En cet instant, elle était redevenue Devi, simplement Devi.

 

She was brave and broken all at once

 @Deva Petrova @Daniil Petrova

I won't be a puppet on a string

Il y avait ce goût d'échec, sur le bout de ta langue, et l'inextricable impression d'être marionnette dont les ficelles étaient emmêlées. Impossible de s'en sortir. Impossible de se libérer, de briser ses chaines. Et pourtant... Aujourd'hui tu ne pouvais plus faire marche arrière. Tu ne pouvais plus, alors que ta soeur t'avais vu, alors que votre regard s'était croisé. Tant qu'elle ne t'avais pas retrouvé, tu pouvais toujours croire qu'elle était en sécurité, et surtout, qu'elle ne te haïssait pas de toutes les fibres de son corps. Mais là, tu avais la désagréable certitude que tout allait se morceler, exploser.
Tu la vois, là, bien loin de cette petite noble avec laquelle tu étais parti. Elle avait les avant bras couverts de tatouages, et tu devinais sans mal qu'ils finissaient sous ses manches, il y avait aussi cette tenue sans réel genre, juste confortable. Oh tu te fichais bien pas mal de ce qu'elle faisait, tant qu'elle était heureuse. Ton regard se pose sur le corbeau tatoué à même ta main. Le volatile ne trompait pas non plus quant à ton appartenance au milieu illégal de Ketterdam. Tout retour en arrière était impossible.

Tu la vois qui s’élance pour t'étreindre, pour te serrer dans ses bras, les sanglots, les larmes qui mouillent ton haut, contribuent à briser ton coeur. Tu l'as fais souffrir, tu vas la décevoir, tu le sais. Mais... Une fois qu'elle se sera définitivement détournée de toi, elle sera en sécurité. Tu l'enlace à ton tour, passant tes doigts dans ses cheveux, les peignant du bout des doigts en murmurant quelques :

"Devi, pleurs pas, s'il te plait. Je suis désolé..." Mais tu sais que tu ne parviendras pas à lui dire, les yeux dans les yeux. Et tu sens ton ventre se nouer, une boule se former dans le fond de ta gorge, alors que tu la gardes dans tes bras, et que dans un signe de la main, tu demandes au serveur qui te faisait les yeux doux, tout à l'heure, d'apporter une infusion pour la jeune femme. Le brevage fumant arrive bien vite sur la table. La tension nerveuse finit par te lâcher, lorsque tu surprends quelques regards, toute cette muraille de désintérêt finit par s'écrouler. Elle t'avait manqué bon sang. Ta paume vient se poser sur sa bouille, ton pouce traçant de petits cercles. Tu finis par laisser ta main retomber sur la table. Baissant les yeux.

"Tu n'aurais pas dû chercher à me retrouver. C'était dangereux. C'est toujours dangereux d'ailleurs." Tu faisais tourner la chevalière que tu avais au pouce. Cadeau de Viper. Une chevalière piqué sur le cadavre d'un mercurien. "D'un putain de noble à un moins que rien" qu'il avait dit. Tu n'avais pas eu à coeur de détruire l'image qu'il se faisait de toi. Musicaillon à la manque, idiot qui a tenté de vivre parmi les riches et qui n'a pas pu suivre le rythme. Cigale prête à être dévorée par le serpent. Car Cicada, c'était le nom qu'ils te donnaient, comme cette cigale de la fable, celle qui meurt de froid parce qu'elle veut trop vivre de sa passion, sans travailler.  

She was brave and broken all at once

 @Deva Petrova @Daniil Petrova

Like a distant star, shining but already gone.

Là, dans ses bras, il lui demande de ne pas pleurer. Mais comment faire autrement ?
S'il savait les sentiments qui la submergeaient en cet instant. Du soulagement, de la gratitude, de l'épuisement aussi. Tout ce tourbillon d'émois dans lequel elle menaçait de se perdre, seules ses larmes lui permettaient de les exprimer.
Alors elle s'accroche à ce bras et s'en laisse guider, comme il l'avait toujours fait. Elle ne remarque pas la tasse que l'on vient de poser à ses côtés, trop focalisée sur cette voix qu'elle avait tant eu peur d'oublier. Frottant ses yeux embués, elle retrouve les traits de son frère, les redécouvre aussi. Quelque chose dans ses cheveux peut-être, ou dans le pli de cette mâchoire serrée ?  Mais la main qu'il pose sur sa joue, essuyant ses dernières larmes, chasse momentanément ses vagues questions. Elle le reconnaît là, à cette main tendue qu'elle tente de saisir, comme pour se rassurer de sa présence, l'empêcher de s'enfuir. Mais son geste est trop lent, ou est-ce le sien qui est trop bref, car elle la voit retomber faiblement sur la table.

-Je n'aurais pas dû... ? L'incompréhension l'empêche de terminer sa phrase, qu'elle énonce dans un murmure. Quelque chose dans le ton de sa voix la met mal à l'aise. Une chose qu'elle ne comprend pas. Qu'est-ce que tu racontes ? Reprend-t-elle d'une voix plus affirmée, cherchant une réponse dans son regard.
Elle était toujours parvenu à le lire, savait quand quelque chose n'allait pas, quand il était triste, quand il lui mentait. Mais elle avait bien du mal cette fois.
C'est alors qu'elle remarque les lignes sur le dessus de sa main. Le corbeau tatoué sur sa peau. Etait-ce le danger auquel il faisait allusion? A cette pensée, Deva se redresse brusquement pour parcourir la salle d'un regard sombre, presque insolent. Qu'on vienne le lui reprendre!
Ce n'était sans doute pas l'endroit où faire de l'esbroufe, mais en cet instant elle n'avait plus peur de rien. Enhardie par les quelques leçons de combat reçues et un primal instinct de protection, elle se sentait prête à en découdre avec quiconque. Qu'elle soit objectivement incapable de s'en débrouiller était un détail qui ne l'avait pas effleuré. A croire que l'atmosphère de cette ville commençait à déteindre sur elle.

Mais après un instant, la voilà qui reporte son attention sur son frère, avec au bout des lèvres, cette question qu'elle s'était tant posé.
-Qu'est-ce qu'il t'est arrivé Daniil?
Sa voix résonne telle une complainte. Fébrile, presque douloureuse, implorante de réponses.



 

She was brave and broken all at once

 @Deva Petrova @Daniil Petrova

I won't be a puppet on a string

Tu sais pas comment faire, pour apaiser l'âme de ta jeune soeur. Pour la première fois de ta vie, tu as l'impression d'être désemparé, de ne pas être à la hauteur. Qu'en est-il réellement ? Tu l'ignores. T'es l'étranger de sa vie désormais. Tu passes une main maladroite dans les cheveux de ta soeur, les peignant avec soin, défiant du regard la plèbe. Gard à celui qui s'approcherait pour se moquer, pour mettre les pieds dans ces retrouvailles que tu aurais voulu plus intimistes. Toi qui n'étais qu'un gamin pourris gâté, tu avais appris pas mal de choses au contact des crows, notamment à te défendre. Tu n'étais pas LE guerrier, mais tu ne reculais derrière aucune bassesses pour t'en sortir.

Tu te mordille la lèvre lorsqu'elle te questionne. Et t'oses finalement, croisant son regard. "Non tu n'aurais pas dû. C'est dangereux pour toi. C'est parce que tu risquais ta vie, à être avec moi, que je me suis éloigné. Tu... J'ai pas envie qu'il t'arrive quoi que ce soit."

Et ça y est... On y était, le point de non retour, le point de rupture où tout allait se jouer, où tout allait se briser. Car tu étais ainsi, destructeur, dans le fond. Ou alors était-ce ce qu'on t'avait rentré dans la caboche. Tu déliais tous les liens qui t'attachais à ton monde, les uns après les autres, brisant tes attaches, une, encore une autre, jusqu'à plonger dans l'oublie et la fange de ta propre condition. Prisonnier volontaire, tu t'étais plongé toi même dans cette situation.

La question arrive finalement sur la table. Et tu ne peux pas faire marche arrière, tu savais, au fond de toi, qu'il était impossible de fuir ta vie entière. Alors tu attrappes ta choppe, la portant à tes lèvres, avant de remonter ta manche. "Il m'est arrivé ça. J'ai joué avec la mauvaise personne, j'ai perdu trop d'argent, et j'ai contracté une dette, j'ai été idiot... " Tu poses ton menton sur tes bras croisés sur la table. "Je fais parti de leur groupe pour l'instant, j'me suis trop enfoncé pour faire marche arrière. Ils ont pété mon instrument, m'ont dit qu'ils me pèterait les doigts. Comme ça marchait pas, ils ont finit par dire qu'ils s'en prendraient à toi. Qu'ils sèmeraient des bouts de toi dans toute la ville. Alors j'ai tout fait pour qu'on soit persuadé que ça ne me faisais rien, que ce ne serait pas ça qui me ferais particulièrement réagir. J'ai disparu." Et tu te mords la lèvre, le regard penaud. "Je te déçois, je le sais. Je ne suis pas le frère aussi parfait que tu pensais. J'ai mes faiblesses, j'ai mes démons Devi. Si j'ai disparu c'était pour que tu ne risques rien. Je préfèrais te savoir loin et en sécurité. La musique..." Un pauvre rire t'échappes. "Je crois bien que c'est fini pour moi."  

She was brave and broken all at once

 @Deva Petrova @Daniil Petrova

Like a distant star, shining but already gone.

Elle avait toujours pensé que tout redeviendrait plus simple lorsqu'elle retrouverait son frère. Comme avant. Il lui aurait donné une raison simple à sa disparition, grotesque peut-être même, dont ils auraient pu se moquer avant de reprendre là où ils en étaient. Là où il l'avait laissé.
Mais ses premières paroles n'ont aucun sens pour elle. Au contraire, elles ne font naître en elle que de nouvelles questions. De quel danger parlait-il ? Depuis quand risquait-elle quoi que ce soit à être à ses côtés ?
Dans sa candide impulsivité, il y a longtemps que ces questions auraient franchis ses lèvres. Et bien d'autres avec elles. Pourtant, quelque chose dans l'attitude de Daniil l’interpelle, lui intimant le silence. Il semble nerveux, hésitant. Et c'est quand il la regarde enfin qu'elle comprend qu'il avait fuit son regard jusqu'à maintenant. Jamais elle ne l'avait vu comme ça. Et son malaise apparent fait naître en elle une peur nouvelle. Allait-il l'abandonner une nouvelle fois ?
Alors elle le regarde réfléchir à ses prochaines paroles, comme si c'était l'une des choses les plus difficiles qu'il ait eu à faire. Lui, a qui tout était d'une simplicité ridicule ? Envers elle, a qui il avait toujours pu tout dire ? Le monde ne semble plus tourner dans le bon sens. Mais lorsqu'il a enfin finit de parler, il lui semble s'être arrêté.
Elle cligne plusieurs fois des yeux en le fixant, silencieuse. Cela faisait trop d'informations pour sa petite tête. Trop de sentiments contradictoires qui se débattaient pour se faire entendre. Pourtant il y en eu un qu'elle laissa gagner, celui qui lui parut le plus évident. Attrapant les mains de son frère, Deva vient s'agenouiller près de lui.

-Me décevoir ? Elle pose une paume contre sa joue. Comment peux-tu dire une bêtise pareille ? Elle s'attarde dans son regard troublé, inquiète. La musique sera toujours là Daniil, lui dit-elle les yeux brillants d'espoir, ses mains pressants les siennes. Elle fait partie de toi depuis toujours, personne ne peut t'enlever ça. Parlait-elle de la musique ou d'elle-même, Deva l'ignorait. Les deux sans doute. La musique avait été leur lien sacré. Tirer un trait sur l'un revenait à en tirer un sur l'autre. J'ai de l'argent de côté. Beaucoup. Enfin...assez. Combien tu leur dois encore ?

Elle était assise là, aux pieds de son frère, lui offrant tout ce qu'elle possédait, parfaitement indifférente à cette histoire de jeu qui ne lui ressemblait pas, aux menaces proférées, à l'encre indélébile sur sa peau. Elle n'avait d'yeux que pour cette douleur nouvelle qu'elle lisait en lui et ce qu'elle pouvait y faire.
Car si elle l'avait retrouvé, il lui fallait maintenant le sauver.

-Si je n'ai pas assez, ne t'en fais pas. J'ai trouvé un moyen de gagner de l'argent rapidement. Une fois ta dette remboursée, tu pourras partir d'ici. On pourra partir. Quitter Ketterdam même! L'espoir brillait dans ses yeux, résonnait dans sa voix. Elle se fichait du temps que cela prendrait, ou ce que ça lui coûterait. Elle le sortirait de là, quoi qu'il advienne.



 

She was brave and broken all at once

 @Deva Petrova @Daniil Petrova

I won't be a puppet on a string

Ces retrouvailles, tu savais que ça finirait par te briser le coeur. Tu t'y étais attendu... Tu le savais mieux que personne que tu finirais par lui briser le coeur, comme si t'étais incapable de rester en place, de garder les liens qui te liais au monde de la lumière. Tu sentais, en un sens, que tu étais prêt pour un monde fait d'ombres, d'obscurité, un monde aux pavés pleins de ressentiments. Tu finirais pas vieux noble, dans une maison beaucoup trop riche pendant que le peuple crevait la faim. Non... Tu finirais par mourir jeune, dans des conditions bien glauques. Tout se payait un jour. Ce choix de parcours aussi.

Ton regard se plonge dans le sien, ta main vient se poser délicatement sur la sienne.

"Te décevoir. Je ne suis pas aussi parfait que tu pouvais le penser, j'suis même la pire des raclures tu sais." Et tu secoues la tête. "La musique est partout, mais je ne joue plus vraiment." Comment lui expliquer... Que malgré le fait que tu saches sur quelle gammes de notes elle respire, quels sont les rythmes des couverts, et des bruis des verres dans la taverne, toutes ces notes qui parsèment la ville, mais que tu ne peux plus happer, que tu ne peux plus coucher sur le papier, tu n'en as plus le temps, plus la possibilité. Et tu aurais, dans le fond, préféré que ces deux mondes n'entrent jamais en contact.

"Tu ne comprends pas Devi. Je... Je fini de payer ma dette le mois prochain. Je reste avec eux parce que... J'en ai envie. Pour la première fois... J'ai l'impression de... D'avoir trouvé quelque chose qui ne me lasse pas." Tu lèves la main. "La musique non plus... Ne me faisais pas cet effet, mais regarde où j'ai sombré ?" Ta paume vient finalement coiffer les cheveux de ta soeur, les lisser avec une franche affection.

"Une fois que Ketterdam à posé ses griffes sur toi, rien ne peux t'y arracher. Je ne rentrerai pas. Ils me poursuivront. Ce sera quoi mon existence ? Celle d'un couard ? D'un fuyard ? J'en ai assez de me cacher." Et... Tu fronces les sourcils un instant. "Ma vie là bas, ce sera quoi Devi ? Épouser une autre noble pour faire bonne figure ? M'enfermer dans une demeure démesurée pendant que d'autres crèvent la faim ? Pendant que la guerre fait rage ailleurs ? Avoir des enfants avec une personne que je ne pourrais jamais aimer ? C'est quoi mon avenir là bas ? J'ai vu des tas de gens, prisonniers de leurs fonctions, et malheureux comme des pierres." Tu baisses les yeux, les larmes menaçants de déborder. "Tu sais au début j'ai dû faire attention, donner l'impression que tu n'étais rien pour moi, j'avais peur, ils avaient menacés de te faire du mal. J'ai disparu, je me suis dis que ce serait plus simple, que tu ne risquerais rien." Ton regard se perd sur le lointain. "Avec eux, je ne suis ni "le petit génie qu'on jalouse" ni "le putain de noble qui ne sait rien". J'suis juste moi. Je mène une existence... Plus gratifiante."

Ta main vient à nouveau, caresser sa joue, il y a de l'affection, de la tendresse dans le fond du regard de grand frère que t'étais. T'avais pas été à la hauteur, tu la méritais pas. "Ma petite Devi... Tu as l'âme la plus belle qui soit, ne change jamais."  

She was brave and broken all at once

 @Deva Petrova @Daniil Petrova

Like a distant star, shining but already gone.

L'espoir a toujours été l'une de ses plus grandes forces.
Qu'il soit candide ou irréaliste, parfois mal placé, c'est grâce à lui qu'elle voit le monde avec toutes ces couleurs. Elle les entrevoie au-delà de cette montagne à gravir, derrière les portes qui se referment, au cœur de ce but qui vaut la peine qu'on se batte pour lui.
Mais cette promesse de la vie en laquelle elle croit si fort est sur le point de s'effondrer sous le poids d'une écrasante vérité.

Un instant encore, elle brillait d'optimisme. Presque fébrile tant elle sentait son cœur prêt à exploser sous tout ce bonheur retrouvé et sous celui qui les attendait encore. Mais tout s'estompe alors, car cette espérance qu'elle lui offrait, son frère ne semblait pas en vouloir.
Les mots qu'il prononce la heurtent telles des notes mal jouées, le dérapage strident de la corde d'un archet. Son sourire s'affaisse lentement tandis que des battements de cils confus viennent chasser tout éclat dans ses yeux. Jusqu'à ce que tout se fige, au son de simples mots : « Je reste avec eux parce que...J'en ai envie. » Mais les mots eux continuent d'affluer pendant qu'il s'explique. Et Deva s'enferme alors un peu plus dans cette apparente inertie.

La main de son frère vient caresser sa joue d'un geste tendre et elle peut lire dans son regard toute l'affection qu'il lui porte. Pourtant cela ne la touche pas comme il devrait, plus comme avant.
Sans chasser sa main, simplement indifférente, elle se relève doucement avant de contourner la table basse, s'éloignant de Daniil de quelques pas.

-Et bien...un petit rire lui échappe. J'imagine que je devrais être heureuse pour toi. Elle ne le regarde pas. Je veux dire, tu es en vie et tu es heureux. Tu as trouvé ce que tu cherchais après tout, pourquoi ne le serais-tu pas ? Les mains sur les hanches, elle semble se parler à elle-même, usant le parquet à force de va-et-vient nerveux. Je devrais peut-être m'excuser même, je ne savais pas que tu étais si malheureux.

La musicienne n'était pas idiote, elle savait qu'il n'avait pas sa place au sein de la noblesse ravkanne, du moins pas comme il l'aurait voulu ni même mérité. Mais cette hargne dans ses paroles, cette jalousie qu'il avait cité, ces étiquettes dont il semblait avoir souffert, tout cela l'avait stupéfaite tant elle n'avait pu s'en douter.

-Et puis, tu as fait ça pour moi. Pour me protéger. Elle tente de lui sourire, mais son cœur n'y est pas.

Parce qu'elle sent une rancœur que son amour pour lui, sa gentillesse, tentent de retenir. Sauf qu'elle n'a jamais été douée pour gérer ses sentiments.

-Même si, me laisser croire à ta mort c'est pas exactement ce que j'appelle de la protection. Un autre rire lui échappe, amer. Détournant le regard de son frère, Deva recommence à piétiner dans un sens puis dans l'autre. Tout comme me laisser l'honneur d'annoncer ta disparition à papa et maman. Sa voix devient de plus en plus sonore. Tu comptais envoyer une carte postale au bout d'un moment ou tu nous aurais laissé organiser tes obsèques? Elle devient cinglante et elle n'aime pas ça. Parce que, je sais pas moi mais t'aurais pu trouver un moyen de me prévenir. Un simple mot, une explication, un signe de vie ! Elle commence à s'agiter. Mais c'était plus facile de disparaître. Tu t'imaginais ce par quoi on allait passer, ce par quoi j'allais passer ?! Et tout ça pour quoi ? Elle éclate subitement de rire avant de lui faire face. Pour les Crows ? Et tu parles des gens prisonniers de leurs fonctions ? Son rire résonne à nouveau. Elle semble presque hystérique, totalement submergée par ce qu'elle ressent. Mais tu as choisis...reprend-elle après un moment, toute hilarité disparue.

Elle ose alors le regarder, enfin. Sa colère et sa maladresse planent toujours autour d'elle. Mais c'est sa peine, à la réalisation qu'elle vient de faire, qui parle seule désormais.
-Tu as choisis une bande de malfrats...des gens qui ont menacé ta vie, ta famille...à moi.

A ce moment elle ne peut plus détacher son regard du sien. Elle ne peut même plus bouger et se tient là, immobile, les poings si serrés qu'elle sent ses ongles lui entailler la peau. Pourtant elle tremble. Et des larmes finissent par briller au coin de ses yeux, avant de s'écouler en silence.