La reine des glaces ◘ Eleonora & Siver

Cet endroit n’était pas adapté à ce que je m’entraîne mais je me devais de changer puisque Hlin m’avait surprise là où j’avais l’habitude d’aller. Quand bien même il s’agissait de ma fille et qu’elle ne représentait nullement une menace, je ne pouvais pas me permettre de prendre ce genre de risques. Mais encore une fois, je ne parvins pas à trouver ce qui m’intéressait. C’est en remontant la pente enneigée que je m’aperçus qu’une des sacoches accrochées à la selle d’Arès avait disparue. Je grognais pour moi-même.

« Mon beau, je vais te laisser là, le temps de retrouver la sacoche, on ne peut pas revenir sans l’ail des ours, Nikolaï m’en voudrait. »

Je n’avais pas pour habitude de revenir les mains vides. Mes employés de maisons ne travaillaient si bien pour moi que parce que je leur montrais du respect, en tant que personnes, et c’était les petites attentions qui changeaient tout. Que je contribue un temps soit peu. J’avais dégoté un coin en forêt préservé de la neige et particulièrement garni de cette plante qui poussait là, presque par miracle et qui était divine dans les plats que nous préparait le chef cuisinier.

Le craquement de la neige sous mes bottes m’accompagna et ne s’arrêta qu’avec mes pas, au pied d’un monticule. Je l’observais et puis me penchais, tirant ma main gantée vers l’avant pour la plonger dans la neige et attraper la besace. Satisfaite, j’époussetais le cuir d’un peu de petite science, puis je rebroussais chemin.

J’entendis Arès s’ébrouer avant de le voir, je sus rapidement que quelque chose n’était pas normal. Mon cheval avait un langage, et là, il jouait, piaffait. Cela ne voulait dire qu’une chose. Il n’était pas tout seul. Calant la besace sur mon épaule pour dégager mes mains, je m’envolais grâce à ma petite science. Ainsi, je ne faisais plus aucun bruit dans la neige. Mon corps rejoignit discrètement une branche dénudée de neige sur laquelle je me perchais pour observer la scène.

A quelques mètres, je vis un homme, de dos tenter de corrompre mon cheval avec du pain sec. Je déglutis difficilement lorsque je vis mon cheval se laisser approcher. Et puis, je compris, la gestuelle, l’attitude de l’homme était la même que celle que j’employais. Mon cœur tambourina dans ma poitrine et l’espoir se mit à grossir. Se pouvait-il... ? Je descendis de mon perchoir, atterrissant dans le dos de l’homme avec la légèreté d’une plume. Mon ton se fit réprobateur lorsque j’ouvris la bouche.

« Que faites-vous avec mon cheval ? »

Mais lorsqu’il se retourna et que je croisais son regard, mes sourcils s’arquèrent à l’opposé et l’émotion me gagna. Les années étaient passées, et il était un homme maintenant, mais, ses yeux, son regard était le même. Il y avait cette flamme, cette audace. Je balbutiais, la voix enrouée par l’émotion.

« Si..Siver ? »

Mes yeux s’embuèrent légèrement. J’étais heureuse de le savoir en vie et si j’avais mal vécu le fait qu’il parte, je ne lui en avais jamais voulu. Arès vint donner un coup de naseaux dans la main de l’homme, cherchant davantage de gourmandise, loin de se douter de ce qui se tramait entre nous.

Mon cœur se gonfle d’espoir lorsque l’animal accepte mon offrande. Le sentiment n’est néanmoins que de courte durée, car sans que je ne sente rien venir, une voix s’élève dans mon dos. Je fais volte-face, surpris, ahuri même, en découvrant que quelqu’un s’est glissé derrière moi. Mais comment a-t-elle fait pour être aussi discrète avec toute cette neige ?! La question valdingue presque aussitôt dans l’oubli. Le visage de la femme qui se tient devant moi percute mon esprit de plein fouet. Le choc me coupe le souffle. Mes souvenirs paniquent et, bordel, moi aussi !

… Cette femme … !

Je recule précipitamment alors qu’elle souffle mon nom. Le sang se fige dans mes veines, comme si je venais de voir un fantôme. Et c’est bel et bien le cas ! Mes pieds s’emmêlent dans la neige. Je n’ai pas le temps de m’assurer que tout ceci est réel, je perds l’équilibre, tombe en arrière, et me retrouve le cul par terre, couvert de blanc, complètement effaré.

— Bon sang, mais … Mais vous devriez être beaucoup plus vieille !

Le museau du cheval vient chercher une autre friandise du côté de ma main. Le contact doux et chaud me ramène sur terre, assez pour me permettre de prendre un peu de recul sur ce qui est en train de se passer. Et m’assurer que je ne suis pas en train de rêver.

Méfiance et suspicion. Mon cœur bat vite dans mon torse, résidu de peur et vibrance d’une émotion que je ne saurai qualifier. L’explication commence à s’immiscer dans mon esprit. C’est une grisha, pas vrai ? Je ne vois que ça. Comment pourrait-elle connaître mon nom s’il ne s’agit pas de celle qui m’a sauvé la vie vingt ans plus tôt ? Je me débats tant bien que mal pour me remettre debout sur mes jambes avec ma fierté bafouée.

— Elena ? murmuré-je, comme si un quelconque danger rodait parmi ces arbres. C’est … bien vous ?

Mes yeux ne la quittent pas, même si je n’arrive pas à croiser son regard. Elle a cette noble prestance, cette présence intimidante et cette attitude franche qui me rendent penaud. Je lui dois beaucoup. Et quelle est la dernière image qu’elle a eue de moi ? Un gosse qui s’est enfui sans un mot, sans un remercient, en emportant avec lui une bourse de kruges qui ne lui appartenait pas. Que retrouve-t-elle aujourd’hui ? Rien de plus glorieux, je le crains. Un sourire dépité traverse mes lèvres alors que j’offre ma paume ouverte à l’équidé.

— Vous avez un très beau cheval …

Que je m’apprêtais à voler. La honte me serre le ventre. Pour l’étouffer, et pour ne pas affronter Elena, je donne deux tapes affectueuses sur l’épaule massive de l’animal.

Surprise de le voir, je l’étais, heureuse aussi, mais je ne savais pas si j’étais rassurée par sa réaction à mon égard. Il avait l’expression de quelqu’un qui n’en croit pas ses yeux, presque apeuré. Je fis une moue compatissante lorsque je réalisais qu’en effet s’il avait vieillit, moi non. Ou très peu. Tout prise par l’émotion de revoir celui que je voyais comme un fils adoptif disparu, je n’avais pas réalisé le choc que je pouvais représenter à ses yeux. D’autant que s’il était évident pour moi qu’il était Inferni, il n’avait jamais su que j’étais une Hurleuse. Je le vis reculer et je sentis aussitôt

« Attention tu vas t…. »

Mon corps esquissa un mouvement vers lui mais trop tard.

« ...tomber. »

Il était déjà sur le sol, me fixant toujours comme si je n’avais pas dû être là. Je tâchais de le prendre sans offense aucune, d’autant que lorsqu’il m’asséna que j’aurais dû être plus vieille, j’eus une grimace quelque peu vexée. Oui, c’était vrai, mais je n’avais pas hâte de ressembler à une grand-mère. Je me retins de dire que lui aurait dû avoir l’air plus jeune. Mais, je suppose que son parcours ne lui a pas permis d’utiliser sa Petite Science à sa guise. Et puis, pourquoi me vouvoyait-il ? Il m’appelait El, plus de vingt ans auparavant, parfois Lena quand il était pris de fainéantise. J’eus une mine presque désolée. Pour moi, le temps semblait s’écouler différemment. Arès pencha sa tête vers lui pour le renifler, cherchant à manger. Je soupirais et voulu tendre ma main vers lui pour l’aider à se relever, mais il sembla vouloir le faire seul. Un sourire doux s’étira sur mes lèvres lorsqu’il m’appela par mon vieux prénom. Je hochais la tête puis lançais sur le ton de la confidence.

« C’est bien moi, enfin...c’était. On m’appelle Eleonora maintenant. »

Je me désignais de haut en bas.

« Elena devrait être beaucoup plus vieille. »

Cette fois, mon sourire se fit taquin et un clin d’œil vint achever ma remarque. Il ne servait à rien de rester dans une atmosphère suspicieuse. Mes mains derrière le dos, j’agitais mes doigts et fit danser des flocons autour de nous, puis tout retomba avec légèreté. J’espérais le détendre, je ne savais pas comment m’y prendre. Il n’était plus un enfant qu’on pouvait amuser avec un joli tour, et je me sentais beaucoup trop maladroite. Je me repris lorsqu’il complimenta mon cheval et je lui désignais alors pour le présenter.

« Arès. Il t’aime bien on dirait. Il se laisse difficilement approcher par les inconnus. »

Je songeais un instant à Hlin, mon enfant qui n’avait eu aucun mal à se faire aimer de mon cheval. Elle avait ça dans le sang. Je souris tendrement. La vie me menait à de belles rencontres ces derniers mois, et même si je n’avais pu retenir Hlin la première fois, j’avais pu enfin retrouver une relation plus sereine avec elle. Je regardais Siver avec tendresse, lui qui semblait fuir mon regard, comme si je l’impressionnais. J’approchais ma main de la sienne pour la saisir doucement, cherchant à croiser ses prunelles azurées.

« Tu as tant grandis. »

Il me dépassait de deux têtes désormais. Doucement, je pressais ses doigts. Puis, je l’entraînais avec moi, en direction de mon domaine. Il pourrait encore tenir une demi heure de marche non ?

« Viens te réchauffer à la maison. Tu me raconteras tes aventures, et puis, tutoie-moi s’il te plaît. »

Elle sourit. Elle ne semble pas fâchée. Ni déçue, ni quoi que ce soit d’autre. Mes yeux se plissent, mais je ne parviens pas à éprouver une réelle suspicion. Cette femme m’a sauvé la vie là où bien d’autre aurait ignoré le gamin des rues que j’étais. Sans que je ne puisse y faire quoi que ce soit, je sens la confiance de fer que j’ai réussi à lui accorder vingt ans plus tôt revenir comme si rien n’avait changé. Rien, hormis l’embarras honteux qui me tend l’échine.

Elena me corrige et m’explique sa nouvelle identité. Tout semble logique, en effet, et je ne devrais même pas en être étonné. J’ai gardé d’elle l’image d’un esprit intelligent, maîtrisé, et capable de gérer un domaine entier d’une main experte. Qu’elle ait planifié ses arrières est évident. Et me prouve implicitement que j’ai devant moi une grisha expérimentée.

Comme pour souligner mes conclusions, le vent s’agite. Le tourbillon frais nous enveloppe de sa caresse légère et joueuse. La neige scintille dans les airs. C’est joli. Pourtant je me crispe sans le vouloir. Durant un instant, mes yeux fouillent les environs en s’attendant à voir Lev apparaître entre les arbres. Peut-il vraiment m’avoir retrouvé dans ce cocon de glace isolé du monde ? Mais mes craintes irraisonnées ne durent pas et je reporte mon attention troublée sur Elena.

— Vous êtes une Hurleuse.

J’ai ce besoin de mettre les choses à plat. De prononcer la vérité à voix haute, pour écarter les doutes et calmer mes suspicions. C’est Elena qui a créé ce vent. Juste elle. Je souffle lentement en regardant les derniers flocons danser dans la brise, avant de venir fondre sur la robe du cheval.

Arès, donc.

Il accueille la caresse mais renifle toujours mes doigts à la recherche d’une deuxième friandise. Un sourire effleure mes lèvres. Il y a bien longtemps que je n’ai pas côtoyé ces animaux d’aussi près. La dernière fois devait justement remonter à mon séjour chez Elena.

— Arès a l’air un peu gourmand sur les bords.

Je n’ai pas le cœur de lui avouer ce que je m’apprêtais à faire. Sans doute l’a-t-elle déjà plus ou moins deviné. Je n’aurais pas réussi à partir avec ce cheval, de toute manière, au vu du caractère qu’elle me dépeint. C’est peut-être pour ça qu’elle ne m’en tient pas rigueur.

Je suis surpris lorsqu’elle se rapproche pour prendre ma main. A nouveau, un drôle de sentiment me submerge. Ai-je vraiment le droit de me laisser aller à ces retrouvailles ? Ne devrais-je pas reprendre mon chemin et poursuivre ma quête sans perdre un instant ? Je fais l’erreur de croiser son regard et me retrouve piégé au creux de mes envies contradictoires. Il y a tellement d’émerveillement dans sa manière de constater à quel point j’ai grandi. Comme une mère … Et ça me presse le cœur, d’une manière si particulière que je ne saurais dire si c’est plus émouvant que douloureux.

Mes lèvres s’ouvrent mais je me retrouve incapable d’exprimer ce qui se passe en moi. Alors Elena prend les devants. Sans me laisser le temps de refuser, elle m’entraine avec elle. Mes jambes suivent, un peu maladroites car engourdies par le froid, et voilà enfin que je retrouve la parole :

— A la « maison » ?

Elle dit ça comme si je ne m'étais jamais volatilisé. Comme si j’avais grandi sur ces terres et que j’étais simplement de retour après un long voyage. Les choses peuvent-elles vraiment être aussi simples ?

— Vous êtes sûre ? Enfin … Je veux dire … Tu es sûre ?

D’un autre côté, la journée touche à sa fin, et le retard que j’avais déjà accumulé avant de m’arrêter auprès d’Arès a pris des ampleurs impossibles à rattraper. L’idée de me réchauffer près d’une cheminée est vraiment tentante.

— Attends.

Mes pas s’arrêtent quand même. Je me fige au milieu de la neige, déterminé. Ma main lui échappe. Je cherche son regard et parviens enfin à scruter son visage sans détour. J’ai besoin de savoir. J’ai besoin d’être sûr. Parce que je ne suis pas capable de me jouer de cette femme-là, ni d’abuser de sa bienveillance.

— ... Tu ne m’en veux pas d’être parti ?

Siver m’observa avec intensité. Je compris qu’il digérait les informations, les unes après les autres. L’inquiétude s’empara de moi lorsque je vis la crainte dans ses iris. Je ne voulais surtout pas l’effrayer, encore moins avec ma Petite Science. Alors, l’entendre prononcer que je suis une Hurleuse me provoque un drôle de sentiment, comme un soulagement.

« Oui. Je suis désolée si ça t’as mis mal à l’aise. »

Je souhaiterais pouvoir lui dire que je sais qu’il est Inferni. Mais j’eu l’impression que là n’était pas le moment, alors, je tû cette information pour la révéler au moment opportun. Peut-être accepterait-il de le faire par lui-même. En attendant, je le laissais faire connaissance avec mon cheval qu’il qualifia de gourmand.

« En effet, et il a un sacré caractère ! »

Mon ton était enjoué, empli de tendresse à l’égard d’Arès. C’était agréable de pouvoir parler plus librement. Je ne doutais pas que les motivations de Siver étaient autres avant de me reconnaître, mais je ne doutais pas non plus un seul instant que désormais, il ne tenait plus à poursuivre ses objectifs là, quand bien même, j’étais certaine qu’il n’aurait pas réussi à faire plus de quelques mètres, pour le simple amusement de mon cher cheval.

Ma main s’empara de la sienne, aussi chaude qu’elle puisse être par ce temps, je l’entraînais, laissant Arès nous suivre de lui-même. Sa remarque me fit tourner la tête vers lui et mon regard se perdit sur son visage troublé par l’émotion. Il enchaîna, bégayant ses questions. Son expression lui donna soudain un air plus jeune et mon cœur se gonfla d’émotion une fois de plus. Mon sourire fut tendre. J’ouvris la bouche pour lui répondre, mais il m’interrompit et je me retrouvais saisie d’une inquiétude soudaine. Allait-il refuser et repartir aussitôt ? Ma main se retrouva orpheline de la sienne et pour la première fois depuis longtemps, je ressenti le froid m’envahir avant que sa question ne vienne éclairer les parts d’ombre. Mon visage se détendit et mes mains attrapèrent les siennes.

« Siver. J’ai été incroyablement chagrinée de ton départ. La seule personne à qui j’en ai voulu, c’est moi. J’ai cru que je t’avais donné une raison de partir. Mais j’ai fini par comprendre que je te retenais juste dans ta quête. J’ai vraiment eu peur pour toi, tu étais si jeune... »

Je repris ma respiration, pressant ses mains, cherchant son regard.

« As-tu réussi à trouver ton amie ? »

Je me souvenais encore de sa lettre, que j’avais précieusement gardée dans mon bureau. De toutes mes vies passées, je n’avais conservé que ce qui se rapportait à Siver. J’étais incapable de brûler ses carnets, ses dessins, sa dernière lettre. Et quoi qu’il se soit passé, je le considérais toujours comme mon fils.

Il y a cet étrange flottement lorsque la vérité sur sa petite-science est révélée au grand jour. Nous sommes tous les deux soulagés, enfin je crois, mais quelque chose tiraille le visage d’Elena. Je secoue la tête et lève la main devant moi pour apaiser ses craintes.

— Non, c’est … Je ne suis pas mal à l’aise ... C’est juste que j’ai eu quelques … hm, déboires, avec un autre Hurleur il y a peu …

Un soupir las affaisse mes épaules. La colère de Lev me poursuit bien plus que ce que j’imaginais. J’étais persuadé qu’en m’enfonçant dans les terres, aussi proches du territoire des chasseurs de grishas, la menace de son fantôme me laisserait tranquille. Mais je me suis trompé. Il y avait tellement de rage et tellement de désespoir dans ses paroles, dans ses actes, à chacune de nos dernières rencontres … Comment pourrait-il lâcher l'affaire avec toute la haine qu'il me porte ?

Mais une fois ma méfiance envolée, Elena en profite pour prendre ma main et m’entraîner à sa suite. Son geste est si naturel que je reste désarmé. J’ai beau être un sale petit escroc, cette fois j’ai besoin de jouer cartes sur table. Une désagréable sensation stagne dans le fond de mon estomac depuis que j’ai quitté le port de Ketterdam sans une explication pour celui qui m’a tant aidé au cours des derniers mois. A présent, j’ai aussi l’impression de profiter à tort de la bienveillance d’Elena, et je crois que ça va finir par me rendre malade.

Alors je mets les pieds dans le plat, planté au milieu de la neige. Déterminé à être transparent pour une fois. Et jusqu’au bout. La Hurleuse semble comprendre que cette question qui m’a brûlé les lèvres a toute son importance. Ses doigts entourent les miens de nouveau, dans un élan qui se veut réconfortant. Et elle parle. Elle répond avec une sincérité qui me broie le cœur. Entendre de sa bouche que mon départ l’a chagriné me fait l’effet d’une gifle. Évidemment, il faudrait être sacrément hypocrite pour prétendre que ses ressentis me surprennent. Mais il y a un gouffre entre se douter de quelque chose en lui tournant le dos et l’affronter en face.

— Je suis … désolé, El’.

Je baisse les yeux. J’ai eu une mère, il y a longtemps. Et même si j’ai dû grandir sans elle, Elena a pris sa place pendant un temps. L’impression d’avoir blessé cette figure maternelle ajoute un peu plus au fardeau qui pèse dans mon ventre.

— Rien de ce que tu as fait ne m’a poussé à partir. En fait, tu m’as donné tout un tas de raisons de rester …

Mes joues sont traversées d’un sourire placide. Elle cherche mon regard et je me résous à le lui rendre.

— C’est sûrement pour ça que je suis resté aussi longtemps. Tu m’as offert … quelque chose qui ressemble à un rêve, je crois, soufflé-je, la gorge nouée d’une émotion qui exprime pourtant le besoin de sortir. Un rêve que le gamin que j’étais n’aurait jamais pu imaginer. Ton toit, le couvert et … et tout le reste, tout ce que tu m’as appris. Je ne savais même pas lire quand je suis arrivé chez toi.

Un rire nerveux secoue très brièvement mes épaules. Je reprends une inspiration un peu bancale, avant de poursuivre :

— Tu m’as donné énormément de raisons de rester, El. Plus que n’importe qui d’autre …

Alors pourquoi suis-je parti ? Pourquoi me suis-je volatilisé alors qu’on m’offrait la chance d’une vie tout autre ? Une famille, une maison, un ventre plein, un avenir stable. Pourquoi partir à la recherche d’un fantôme, que j’ai peu à peu abandonné après avoir atteint la capitale de Ravka ? Peut-être bien que, quelque part, ce rêve était trop beau pour être vrai.  

— Je sais que j’aurais dû te le dire il y a bien longtemps … ajouté-je avec un sourire maladroit. Il faut que tu saches que … Tu n’imagines pas à quel point je te suis reconnaissant pour tout ce que tu as fait pour moi. Alors, je … Merci, El …

Un poids considérable semble me libérer lorsque les mots quittent enfin ma langue. Je secoue doucement la tête.

— Non, je ne l’ai pas retrouvé … Pas encore. Je me dis qu’elle est peut-être restée à Fjerda …

Cette fois, mes yeux dévient vers l’horizon qui transparait à travers les arbres blancs. Comme à chaque fois que je pense à Sky depuis que j’ai quitté le Kraken, son collier autour du cou, une nostalgie douce-amère m’enserre le cœur.

— Qu’importe ce que je vais trouver en retournant là-bas … Je me dis juste que … Enfin, je pense que j’ai besoin d’avoir le fin mot de l’histoire, sur ce qui lui est arrivé, pour … pour tourner la page.

Je reporta à nouveau mon attention vers la belle dame enveloppée de son aura de glace.

— Si je viens avec toi, El’, je veux être franc avec toi. Tu dois savoir que je ne resterai pas.

Pas cette fois. Je ne veux plus lui causer la moindre peine. Si c’est le cas, alors je préfère encore reprendre la route avant de commettre d’autres dégâts.

Je fronçais les sourcils, un peu inquiète alors qu’il évoqua une altercation avec un hurleur. J’aurais voulu lui poser des questions, lui proposer mon aide, mais son air résigné, la lassitude de son attitude m’intimait de ne rien dire pour le moment. Chaque chose en son temps, et, je voulais tout sauf le voir partir parce que je me montrais trop intrusive. Si j’avais l’étonnante impression qu’il s’était enfui hier, il y avait tout de même plus de vingt ans à prendre en compte. Parler d’Arès sembla le détendre un peu. Juste un peu. Il avait besoin de soulager sa conscience et posa enfin cette question qui le taraudait. J’étais, d’une certaine façon, touchée qu’il s’en inquiète, après tout ce temps. Et puis ce n’était pas comme s’il s’était présenté à ma porte, l’air de rien. Nous nous étions croisés par hasard, sans doute parce que c’était le moment.

En lui expliquant ce que j’ai ressenti au moment où il est parti, je fis mon possible pour lui laisser entendre que je ne lui en voulais pas. J’avais évidemment gardé cette douleur durant toutes ces années, avec moi, mais ce n’était pas contre lui, c’était uniquement parce que j’étais incapable d’oublier, de mettre ces mois de bonheur de côté. De manière probablement égoïste. Aujourd’hui, je voulais simplement de ses nouvelles, l’aider, encore un peu. Peut-être rattraper le temps perdu. Si c’était encore possible.

Il finit par s’excuser. Je remarquais que mes paroles l’avaient touché, à la manière dont ses prunelles s’habillaient de remords. Je voulais lui dire que ce n’était pas grave. Mais il reprit le cours de son récit rapidement et je me refusais de l’interrompre, de peur de manquer des aveux, de manquer des informations qui m’auraient aidée à comprendre un peu plus. Et plus il avançait dans son discours, plus mes mains pressaient par à coup les siennes, avec tendresse et émotion. Les larmes aux yeux, je l’écoutais me dire qu’il aurait voulu rester.

Il me remercia encore de tout ce que j’avais fait pour lui. Se rendait-il compte de tout ce qu’il avait fait pour moi ? Je ne pu m’empêcher de le serrer dans mes bras, dans une étreinte maternelle. Je lui murmurais, la gorge nouée par les sanglots.

« Tu n’étais qu’un enfant, tu as simplement suivit ton instinct, parce que tu as fait une promesse, importante, et que tu es un homme de parole. Je te remercie d’être entré dans ma vie, même pour peu de temps, tu m’as redonné le goût de vivre, de l’espoir. Sache-le. »

Il avait marqué un tournant important dans ma vie. Et puis grâce à lui, j’avais éprouvé l’envie d’être mère, si bien que lorsque c’est arrivé, que Hlin a vu le jour, j’avais eu la pensée à la fois belle et douloureuse d’imaginer Siver en grand frère pour elle. Il avait toujours été comme un fils, et il le serait toujours. Je relâchais doucement mon étreinte pour le regarder, le regard encore brillant, mes mains à l’arrière de ses avants-bras, je lui demandais pour son amie. Sa réponse me peina plus que je ne l’aurais cru. J’admirais le fait qu’après toutes ces années, il n’ait pas abandonné.

« Elle a de la chance de t’avoir. Après toutes ces années, tu la cherches encore. J’espère vraiment que tu la retrouveras, et si je peux faire quoi que ce soit pour t’y aider...n’hésite pas. »

S’il persistait à la chercher, c’est qu’au fond de lui, il devait sentir qu’elle était encore là, quelque part. Je me demandais bien ce qui avait pu se passer pour qu’un lien si fort se crée entre eux. Probablement rien de joyeux ne devait être à l’origine d’une telle relation. Il évoqua Fjerda et je frémissais d’inquiétude à cette seule idée. Des grishas en terre fjerdanne étaient en danger encore plus permanent que partout ailleurs. Mais je ne précisais rien, je savais qu’il en était parfaitement conscient et qu’il n’allait certainement pas y aller de gaîté de cœur. Le regard sur l’horizon, il m’apparut fatigué et nostalgique. Il avait besoin de clore ce chapitre et je ne voulais pas l’en empêcher. Mais même si j’en étais parfaitement consciente, je ne pu masquer la pointe de douleur qui me frappa alors qu’il m’informa qu’il ne comptait pas rester.

« Comment pourrais-je seulement l’imaginer avec ce que tu viens de m’expliquer ? »

Malgré la peine que j’éprouvais à imaginer les au-revoirs alors que je venais à peine de le retrouver, mon sourire se fit chaleureux, et mon expression tendrement sincère alors que je lui indiquais la bonne direction, en l’entraînant une nouvelle fois par la main. Arès à mes côtés observant ce qui se jouait d’un regard curieux.

« Autant profiter pleinement de ces instants ensemble alors. Viens, j’aimerais que tu me racontes tes périples, je pourrais alors te raconter les miens. Si tu le souhaites, bien entendu. Et puis, ça te permettra de reprendre des forces avant de traverser la frontière. Tu sais comme moi que Fjerda est particulièrement hostile. »

Mon sourire se fit doux. Je lui prêterais un cheval, lui donnerait tout ce qu’il a besoin. Je ferais mon possible pour l’aider sans le retenir.

Elena me cherche des excuses. Un pincement s’éveille au fond de ma poitrine. Moi ? Un homme de parole ? C’est faux. Catégoriquement faux. Mais je n’ai pas le courage de la contredire ni de lui lister tous les exemples qui le prouvent. Tout comme je n’arrive pas à lui dire qu’elle m’idéalise et qu’elle se trompe sur mon compte, lorsqu’elle affirme que Sky a de la chance de m’avoir. Parce que là aussi, ce qu’imagine la Hurleuse est plus beau que la vérité morne. J’ai cessé de la chercher. Je l’ai abandonné à son sort, de longues années durant, en me complaisant dans la sécurité de façade offerte par Ravka. J’ai fait tout mon possible pour oublier d’où je venais, poussé par la lâcheté qui m’a jusqu’à présent sauvé la vie.

Je reste droit, ou du moins, je fais mon possible pour le demeurer. Ne pas baisser la tête, ne pas détourner les yeux. Tout pour ne pas montrer à Elena que je ne me reconnais pas dans le portrait qu’elle dépeint, pour ne pas la décevoir.

Et à mon grand soulagement, elle accepte l’idée de mon départ prochain. Mes épaules se détendent alors que je respire avec plus de facilité. Elle récupère ma main pour m’entrainer de nouveau sur le chemin de son logis, et cette fois, je me laisse faire sans rechigner. La perspective d’une halte, dans le confort et la chaleur d’une maison, est plus alléchante que n’importe quoi d’autre à cette heure-ci. Je me surprends à répondre à son sourire, rassuré par la courbure familière de ses lèvres, et cesse de me torturer de questions.

— Mes périples ?

J’écarquille les yeux, pris de court. Quel prétexte puis-je utiliser pour éviter ce traquenard ? Je ne peux pas lui raconter mes occupations des dernières années, mes arnaques, mes petits larcins et mon penchant pour le jeu qui ressemble à s’y méprendre à de l’addiction. Elena m’a appris à lire et à écrire. Je me vois difficilement lui expliquer que ses enseignements n’ont pas servi à des fins louables.

— Je suis… très curieux d’entendre les tiens.

Mes yeux se plissent légèrement. Découvrir que cette femme partage la même nature que moi a piqué ma curiosité. Malgré toutes ces années, elle n’a pas bougé d’une ride. La petite-science a cet aspect d’autant plus fascinant lorsqu’il touche les individus que me sont chers. Combien de vies a-t-elle vécues ? Comment s’est-elle retrouvée sous l’identité d’Eleonora ?

J’ai bien conscience, néanmoins, qu’il s’agit d’un échange de bons procédés. Je dois faire un pas vers elle et lui dévoiler un peu de ma vie, si je veux espérer qu’elle en fasse de même.

— Il y a plein de choses que je pourrais te raconter…

Je sais que je peux lui faire confiance. Sans cesser de suivre le chemin indiqué, je relève la tête vers elle.

— … Mais il y en a une dont je peux te parler maintenant. Je sais que tu garderas le secret, je n’ai aucun doute là-dessus…

Je jette un œil vers Arès.

— Ton cheval, est-ce qu’il a peur du feu ?

Par précaution, je recule d’un pas ou deux dans la neige, me libérant par ce geste des doigts d’Elena. Je prends une longue inspiration en activant mon briquet. Je ne dois pas penser à Sky et à ce qui s’est passé, sur ce port fjerdan, lorsque je lui ai montré de la même manière mon affinité avec les flammes.

Les choses ne se reproduiront pas. C’était un terrible hasard. Un coup de malchance. C’est tout.

Je forme une délicate petite sphère ardente entre mes deux paumes, fragile et timide au milieu de ce décor d’eau et de froid. J’ouvre tout juste les mains pour la révéler aux yeux d’Elena. Une drôle de nervosité chatouille mon ventre. Ce n’est pas si surprenant que ça, car son regard, au même titre que son jugement, est important pour le petit garçon qui a quitté sa protection quinze ans plus tôt.

— En fait... Je suis comme toi…


Un léger sourire passe sur mes joues engourdies par l'hiver.

Le voir se détendre alors que j’annonçais ne pas chercher à le retenir me fit autant de bien que de mal, mais je savais que c’était la bonne décision à prendre. Il ne servait à rien de vouloir retenir les gens qu’on aimait près de soi, car c’était ça aussi, les aimer, savoir les laisser partir. Je l’avais appris, à mes dépends, mais cela avait été nécessaire. J’aurais été bien égoïste d’exiger quoi que ce soit de plus et j’étais déjà heureuse de pouvoir accueillir Siver, ne serait-ce que le temps d’une nuit, et de pouvoir rattraper un peu le temps perdu. Il m’avait manqué plus que de raison, mon fils, quand bien même je ne l’avais pas mis au monde, il éveillait en moi un amour si fort que le revoir en vie et bien portant induisait un bonheur réconfortant dans ma chair. Et qu’il accepte de passer du temps avec moi me donnait la sensation de ne pas avoir tout raté.

Les expressions de Siver n’ont guère changées malgré les années qui l’avaient rattrapé. Je devinais aussi qu’il n’avait guère usé de sa petite science. J’avais tant de choses à lui demander, mais je me retenais, essayais de ne pas me montrer trop pressante. Il ne semblait pas enclin à me parler de lui, je ne savais dire pourquoi. Fallait-il me cacher des choses ? Pensait-il que j’allais le houspiller ? Avais-je été si stricte lorsqu’il était enfant ? Je n’en ai pas le souvenir, Siver avait toujours été de bonne volonté. Je ne me souviens pas d’avoir eu à élever la voix. Il sembla intéressé par mes propres histoires, si bien que ma première intuition me sembla bonne. Il était vrai qu’il m’avait connue sous un autre nom, proche de celui que j’avais actuellement, et pourtant, je n’étais plus la même femme aux yeux du monde.

Nous marchions d’un bon pas lorsqu’il me parla de nouveau et que son ton m’intrigua fortement. Mon attention toute reportée sur lui, je ne pipais mot. Je hochais la tête, évidemment que j’allais garder le secret. Et lorsqu’il demanda si Arès avait peur du feu, je compris. Je ne pus empêcher un léger sourire assaillir mes lèvres.

« Non, il n’a pas peur de grand-chose. »

Et surtout, s’il ne se sentait pas menacé, il ne se méfiait pas particulièrement. Mais je savais qu’en cas de danger, il pouvait s’échapper. J’observais Siver prendre de la distance, et se préparer. Sa main avait quitté la mienne mais je n’avais pas peur. J’entendis Arès renâcler derrière moi, il avait sentit la présence du feu entre les mains de l’Inferni, mais il n’était pas effrayé, simplement curieux. Mon sourire s’étira et j’eus l’impression de revenir en arrière devant son visage enfantin en quête d’approbation de ma part. L’émotion enserra ma cage thoracique, mes yeux brillèrent et c’est avec fierté que je hochais la tête.

« Je suis heureuse que tu aies accepté cette part de toi. »

Et si touchée qu’il m’en ait parlé. Je tendis les mains pour les joindre et agitant celles-ci je fis danser un vent chaud et caressant sur le visage de Siver, un vent qui laissa la sphère lumineuse intacte et peut-être même, l’alimenta un peu. Les petites sciences pouvaient se compléter. Je me rapprochais de Siver pour venir englober ses mains.

« T’exerce-tu par toi-même ou as-tu trouvé un mentor ? »

J’étais curieuse, infiniment curieuse. Je murmurais derrière mon sourire. La nuit tombait et la petite sphère n’en était que plus visible. Je ne m’en faisais pas, nous étions bel et bien seuls ici, mais je préférais tout de même que nous poursuivions nos confidence à l’abri de ma demeure. Là je savais qu’aucune oreille mal intentionnée ne s’y trouvait.

La flamme brille entre mes paumes comme un trésor unique au milieu de l’hiver. Pourtant, mon attention reste focalisée sur le visage d’Elena. Je cherche à déceler les émotions sur ses traits. Après tout, ce n’est pas un secret anodin... Je m’attends à de la colère peut-être, à de la surprise au moins. Mais au sourire qui caresse ses lèvres, ça, je ne m’y attendais pas.

Ses paroles, comme la lueur au fond de ses prunelles chaleureuses, me réchauffent plus sûrement que n’importe quel brasier. C’est moi qui suis étonné, au final. Etonné qu’elle le prenne aussi bien, étonné qu’elle me félicite d’avoir accepté ma petite-science. C’est comme si, d’un coup, le petit garçon en moi prenait conscience que ce pouvoir n’était pas si néfaste tout compte fait.

Ne le montre jamais à personne, avait répété ma mère. Celle qui m’avait mis au monde. Celle qui n’en faisait désormais plus partie.
Je suis heureuse que tu aies accepté cette part de toi, avait affirmé Elena, alors même que j’allais à l’encontre des instructions de ma génitrice.

Et aujourd’hui, avec ces quelques mots qui s’échappent dans le vent, un nouveau monde s’ouvre dans mon esprit, plein de nouvelles saveurs et de nouvelles couleurs. Mon cœur se presse dans mon torse, touché au plus profond de lui. A mon tour, je souris, comme si la brise chaude qu’elle crée au gré de ses mains suffisait à soulever le coin de mes lèvres.

— Tu... Attends...

Mes yeux papillonnent. Les choses se réimbriquent dans mon esprit. Je lui adresse un regard ébahi.

— Tu savais ?

Tout prend sens ! Le fait qu’elle ne soit pas surprise, le fait qu’elle ne pose pas les basiques questions inutiles... Le fait qu’elle me félicite, comme si elle savait le chemin que j’avais parcouru, depuis que nos vies se sont quittées.

Oui, Elena sait depuis longtemps. Depuis le début sans doute. Comment a-t-elle fait ?

— Non, je... J’ai trouvé un mentor, à Ketterdam. Juste le temps de quelques semaines... Je manque encore beaucoup d’entrainement.

J’aime la vision que renvoient ses mains en coupe autour des miennes, surmontées de la flamme infime mais persévérante.

— Mais... Mais peut-être que tu pourras m’aider à m’améliorer... ?

Un nouvel espoir fleurit en moi. La Hurleuse que j’ai en face de moi est forte et expérimentée. Peut-être pourra-t-elle m’apprendre à trouver la faille dans le vent de mon ennemi...

Mais je choisis de chasser l’image de Lev. Ce soir, je préfère consacrer mon temps et mon attention à cette femme qui a tant fait pour moi. Doucement, mes mains se referment sur le feu, gardant ce secret à l’abris. Mes pas reprennent leur chemin aux côtés de ceux d’Elena. Elle a raison, il y a tant de choses que j’ai à lui raconter. Désormais, cette idée même m’apparaît si vaste que la nuit entière ne saurait suffire pour l’épuiser...

Merci pour ce magnifique rp