Tu as grandi dans une famille nombreuse. Tu n'étais pas le plus vieux ni le plus jeune. Tu étais juste là, au même titre que tes frères et sœurs.
Tu es jeune quand tu es envoyé à l’armée. Tu devais devenir un soldat. Un bon parce que ton père avait réussi à se faire un nom dans le monde militaire. Lui qui n’était personne était devenu Lieutenant. Et il fallait absolument que le nom Lindermann reste dans les mémoires. Tes aînés se sont fait une place, ils étaient même assez bons pour intégrer les Druskelles. Ils font la fierté de ton père. Toi par contre, sans être le mouton noir, tu avais d’autres envies. Tu voulais la vie. Tu étais intrigué par la médecine, depuis que tu es tout petit d’ailleurs. Tu vois les médecins aider ta mère à donner naissance aux jumeaux qui t’ont succédé, soigner les bobos et les os cassés, mettre fin aux fièvres et recoudre les plaies. Tu aimes ce que les docteurs sont capables de faire.
Alors tu avais choisi. Tu serais médecin.
Mais il fallait tout de même suivre les demandes de ton paternel, alors tu as fait l’armée toi-aussi. Tu as fait en sorte d’être ni trop bon ni trop mauvais. Tu te fondais dans le décor, perdant ton regard dans les forêts glacés qui entouraient votre campement. Par contre, tu trainais toujours dans les pattes des médecins, toujours le premier sur les lieux quand un camarade se blessaient. Tu as attiré l’attention et on a fini par te recruter pour une formation en médecine, au plus grand damne de ton père.
C’est à partir de ce moment-là que tu as vraiment appris à découvrir le monde. C’est au contact des blessés, des malades, que tu as découvert l'horreur qu'était les Grisha. Ces êtres qui ont le pouvoir de contrôler le Monde et la Nature, de les plier à leur volonté sans jamais demander l'avis, ils les soumettent, les rend esclaves de leurs envie. Et le corps... Ils en font ce qu'ils veulent, il le manipule à leur guise.
Ca ne marche pas comme ça. Ca ne devrait jamais fonctionner comme ça. Le libre-arbitre est détruit par tous ces demjins
Ils ont la possibilité de faire de grandes choses. De sauver tellement de gens... Et à la place, ils tuent. Tu ne peux pas comprendre ça. Tu n'arrives pas à l'imaginer. Et pour tout ça, tu les détestes. C'est injuste, ils sont injustes.
Tu t'es enfoncé dans cette colère, cette haine qui t'a bouffé et qui t'a épuisé. Tu perdais peu à peu foi en tout.
Et puis tu as eu cette mission.
Cette mission qui t'a coûté bien trop cher.
Cette mission contre tous ces Demjins. Ils vous ont attaqué en traître, dans le dos. Arrêtant les cœurs et envoyant voler les corps. Ils ont brûlé, étouffé, entaillé chacun de tes compagnons. Et toi, Dame. Tu n'arrivais à rien. Les points ne tenaient pas, le sang tâchait tes mains, tes amis tombaient morts à côté de toi sans que tu ne puisses rien faire, soit ils étaient partis avant que leur cadavre ne touchent le sol, soit ils souffraient le martyre dans tes bras.
Oh Dame, tu détestes les grisha.
Et puis évidemment, tu n’as pas été épargné pendant cette attaque. Tu ne sauras pas ce qu’il s’est passé. Tu as entendu cette détonation, cette explosion incroyable qui t’as soufflé. La douleur qui a éclaté dans ton tympan était effroyable. Le sifflement qui a suivi était si perçant…
C’en était trop pour toi, Dame, tu as simplement déserté, l’âme en peine, le cœur au bord des lèvres et les pieds pas forcément sur terre. Tu vacillais. Tu vacillais tant…
Et ce n’est jamais parti. Tu es resté quelque temps caché dans une cabane de chasseur au fin fond des déserts de neige. Tu ne t’es pas reconstruit, tu as pleuré la perte, la mort et le handicap.
Parce que tu as partiellement perdu l’ouïe, Dame. Et tu as définitivement perdu beaucoup de ton équilibre.
Mais tu as trouvé ton ami le plus cher au cœur de la tempête. Tu n’es pas éleveur de loup, mais tu es Fjerdan et Djel guide tes pas. Tu as un morceau, tout petit morceau, de Frêne toujours dans ta poche. Tu as ton dieu à tes côtés mais il s’est encore rapproché en toi en t’offrant ce louveteau gris perdu dans la neige. Tu l’as récupéré et vous avez su vous compléter. Parce que tu l’as maintenu en vie, lui te maintient maintenant debout.
Kitoi.
Il est toujours à tes côtés, son flanc droit contre ta jambe gauche, ta main sur sa tête pour un peu de stabilité. Vous faites la paire maintenant, toujours ensemble. Tu ne pourras pas te passer de lui, jamais.
Et finalement, vous choisissez de quitter votre cabane à la saison suivante. Tu ne veux pas rester ici. Tu ne peux pas. Tu aimes la neige, tu aimes le climat de Fjerdan mais maintenant, tu es un déserteur. Et tu sais ce qu’on fait au gens comme toi. Alors, tu as pris la route pour Ravka. Tu as rencontré une jeune femme qui n’a pas eu la vie facile non plus mais tu as eu cœur de la prendre sous ton aile. Et finalement, tu as croisé la route de celui qui t’offrirait un nouvel horizon.
Zero t’a proposé une nouvelle vie que tu embrase avec toujours la même pointe de nostalgie et de haine pour les Demjin.
L’eau entend et comprend, mais la glace ne pardonne pas.