Issu d'une famille noble, fils de Vicomte, Henry a pourtant toujours cherché à vivre simplement. Le faste ne l’intéresse pas, il est avide de connaissances, de lectures, de découvertes. Il aimerait explorer le monde mais n’ose pas. Les guerres, les brigands, tout ça lui faire un peu peur, il doit bien l’avouer. Ça ne l’empêche pas de rêver de voyager par delà les horizons à la portée de son regard.

Ses parents sont ensemble depuis toujours, n'ont rien à envier à qui que ce soit et aucun nuage à l'horizon ne semble se profiler. La seule ombre qui plane est la tristesse de n'avoir pu faire un second enfant. Mais soit, la vie et ainsi faite. Enfin.... Alors qu'Henry a treize ans, ils décident d’adopter des orphelins. Une fratrie de cinq mômes de trois à seize ans dont les parents ont été abattus à cause d’un non règlement de dettes. Le choix de ses parents pousse Henry à fuir la maisonnée de plus en plus régulièrement. Pas qu'il n'y ait pas assez de place et d'affection pour tout le monde, non non, c'est devenu bien trop bruyant pour lire. Sauf que, pour quitter la propriété, c'est sacrément compliqué, on ne laisse pas un jeune noble traverser les portes ainsi et surtout non accompagné. Un jour, alors qu'il veut sortir en douce, sa mère le surprend sur le point d'ouvrir la porte. Henry se raidit et souhaite avec force de ressembler à quelqu'un d'autre. Soudain, il sent son visage se transformer, son nez s'allonger un peu. Et lorsqu'il aperçoit son reflet dans un miroir du hall d'entrée, il a complètement changé. Ses yeux sont d'un bleu scintillant, ses sourcils beaucoup plus épais et il a les dents de devants écartées. Surpris, il se tourne alors vers sa mère, hésitant à paniquer. Mais lorsqu'elle s'excuse de l'avoir confondu avec son fils, il ne demande pas son reste et déguerpit.

Le problème, c'est que de l'autre côté de la porte, alors qu'il reprend son apparence normale sans s'en rendre compte, une bonne le voit et s'apprête à hurler. Il la menace alors de transformer son joli nez en nez crochu à pustules si elle dit quelque chose. Visiblement la menace suffit, car dès lors elle baisse les yeux à chaque fois qu'elle le croise.

Les greniers de stockage, les clairières de forêt, les bords de lac, tous ces lieux deviennent alors des havres de paix, pour Henry. Des endroits paisibles où il peut dévorer ses livres et écrire de la poésie à loisir. Le hic, c'est qu'en crapahutant dans ces endroits-là, il se fait souvent mal. Les cicatrices laissées par les griffures, ça ne sied pas à un jeune noble, et puis il a un côté coquet, alors à force d'espérer, il parvient à faire disparaître ces vilaines traces. Ou est-ce la manière dont il a agité ses mains au-dessus de sa peau ? La découverte de ses pouvoirs le fascine tant qu'il passe son temps à essayer de modifier des parties de son corps. Et lui qui s'imagine que personne ne fait attention à lui se retrouve plusieurs fois à essuyer des questions curieuses de la part de sa mère. A partir de là il fait davantage attention aux grains de beauté qu'il fait disparaître sur son visage.

Et puis l’âge de l’envoyer en formation militaire arrive, une chose que Henry n’a pas du tout hâte d’entreprendre. Il se montre d’ailleurs rapidement absolument nullissime en coordination de mouvements. Se blessant trop régulièrement en entraînement, il finit par être la risée de sa formation et lorsqu’il manque de s’amputer un bras lui-même, il est renvoyé chez lui. Son père, honteux commence alors à refuser de lui parler. Puis sa mère, partagée entre les deux, lassée de subir une ambiance aussi pesante, finit par suggérer l’érudition. Henry a toujours été doué pour les études de lettres, alors, pourquoi ne pas l’envoyer à Os Alta rejoindre la Grande Bibliothèque ? Il peut tout à faire faire la fierté de son père sans pour autant se rendre au combat. Et qui sait, peut-être deviendra-t-il grand stratège pour l’armée ?

L’envoyer étudier à la Grande Bibliothèque est la meilleure idée qui soit. Les yeux de Henry brillent constamment devant les rangées d’ouvrages et parchemins. Il comprend très rapidement le fonctionnement de celle-ci et prend soin des ouvrages avec une implication proche de l’obsession. Il se sent enfin à sa place quelque part et les bons retours à son sujet, ont calmé la rancune de son père.

Malheureusement, quelques années plus tard, il reçoit une visite concernant sa famille. Son père est gravement malade et en tant qu’aîné "légitime", il doit retourner à son chevet pour diriger la maison et l’exploitation. Au départ, les choses se déroulent plutôt bien malgré la jalousie de son grand-frère adoptif qui voit l'espoir de prendre les rennes de l'affaire familiale lui passer sous le nez, son passage à la Grande Bibliothèque lui a donné une nouvelle assurance. Mais les choses finissent par se corser et Henry se sent rapidement étouffé part ses responsabilités. Dès lors toutes les occasions sont bonnes pour reprendre ses vieilles habitudes de gamin et fuir pour retrouver la solitude tant chérie et rassurante.

C’est comme ça qu’en escaladant un mur et en tombant lamentablement plus bas dans un joli jardin, il atterrit chez la famille Aliocha. Sous le nez de la gamine de la famille. Il la regarde longtemps, penaud en attendant qu’elle se mette à crier pour le faire sortir de là, mais en réalité, elle ne le voit pas. Elle a juste entendu un bruit sourd et s'est approchée de lui jusqu’à lui toucher le torse du bout des doigts. A ce moment-là, il finit par supplier qu’elle ne crie pas et se présente.

A croire qu’elle n’attendait que ça, qu’on perturbe son quotidien, car à peine les premières minutes de surprise passées, les deux jeunes gens commencent à discuter sans plus s’arrêter. Henry revient dès lors presque tous les jours pour revoir la jeune fille, dès qu’il est en mesure de s’échapper. Deux années passent ainsi, leur lien évolue tout doucement vers quelque chose de plus que de l’amitié, du moins, au sens d'Henry, mais compte tenu de leur grand écart d’âge, il se garde bien de s’autoriser quoi que ce soit de déplacé. Pourtant au fur et à mesure, il est bel et bien tombé amoureux de ce regard qui ne peut pas le voir.

Et puis, sa mère revient à la charge, décide de le marier coûte que coûte pour définitivement prendre la relève de l'affaire familiale alors que lui, tout ce qu'il veut, c'est laisser ça à son frère et pouvoir retourner à la bibliothèque. Tout ce qui le retient vraiment sur le domaine familial, c'est la présence de Felicia de l'autre côté de ces murs. Henry commence alors à sérieusement échafauder des plans pour s'enfuir avec sa promise, avec son accord, bien évidemment.