La rumeur courait depuis plusieurs jours déjà.
Echappée des lèvres trop bavardes d'une gouvernante, elle n'avait pas tardé à prendre son envol, s'invitant aux oreilles des opportunistes les plus curieux de la ville. Et bien qu'elle fut répétée avec beaucoup de précautions, jamais murmures et chuchotis n'avaient fait tant de bruit. Car quelle nouvelle il y avait là !
Ou plutôt, quelle aubaine.
L'une des plus riches personnalité de l'île s'apprêtait à mettre les voiles, son immense fortune sous le bras. L'homme craignait, disait-on, voir ses précieux Kruges dispersés aux quatre vents au profit de ce prêt demandé par la couronne ravkanne. Ses biens avaient donc pris la mer pour l'autre continent. Ses tableaux de maîtres, ses sculptures prisées, l'argenterie qui ne servait pas même pour les plus grands dîners.
Mais si la plupart de ces merveilles voguaient déjà loin des côtes embrumées, d'autres inestimables possessions demeuraient auprès de leur maître. Car si le personnage était prudent, il n'en était pas moins exubérant. En plus d'être vaniteux. Voilà pourquoi il lui était bien impossible de disparaître sans un mot, sans un dernier coup d'éclat, sans un ultime déballage de richesses si facilement gagnées.
La date de l’événement fut décidée. Les invitations envoyées.
Et tandis que l'on discutait encore du menu à servir pour l'occasion, certains invités savaient déjà quels hors-d’œuvre ils allaient déguster.
*
La musique des violons résonne au cœur de la somptueuse salle de bal. Ici et là, quelques attroupements d'invités, réunis autour d'un plateau d'amuse-bouches, d'une conversation, d'une jalousie commune. Les plus téméraires d'entre eux s'agitent déjà sur la piste, peu soucieux de leur manque de grâce. Et dans un coin, une Pie s'amuse de ce monde qui brille.
De toutes les missions qu'elle a pour habitude de mener, Mérida a un faible pour ce genre de soirées. Pour le faste et l'élégance. Pour les liqueurs raffinées aussi, comme en témoigne la flûte dans sa main. Mais pas seulement. Car c'est au cœur de ce genre de mondanités que les plus riches, par orgueil ou insouciance, dévoilent leurs plus beaux trésors. Un collier scandaleusement inestimable, une montre ayant appartenu à un personnage célèbre, des manchettes uniques serties de pierres devenues introuvables. Pour tout voleur, il s'agit de ce qu'on pourrait appeler, un buffet à volonté. La durast pourtant ne s'est toujours pas servi.
Dans sa robe de soirée, et sous couvert de son masque richement orné, ses yeux papillonnent d'invités en invités. Et si elle se glisse facilement dans les conversations, voletant gracieusement d'une tablée à l'autre, elle prend garde à ne pas trop s'éloigner de la double porte d'entrée.
Car elle n'est pas ici pour voler les invités. Ni pour s'emparer des derniers biens de valeurs du propriétaire. Elle est ici car
lui le sera.
Il n'aura rien de mieux à faire ce soir. Car rien ne peut surpasser cette opportunité. Il viendra parce qu'il est comme elle, un voleur intrépide. Il viendra parce qu'
elle sera là. Parce qu'un larcin, s'il est trop facile, devient ennuyeux. Sauf s'il y a de la concurrence.
Et ce soir, tout est réuni pour enflammer la rivalité de leur duo.
@Adrián Mora