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Shadow&Bone
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 Contre-coup [Liv]

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Noah Linden
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Message(#) Sujet: Contre-coup [Liv] Contre-coup [Liv] EmptyVen 21 Juil - 11:13

Il était resté un bon moment, devant la porte de cette roulotte, le souffle court, ses poumons peinant à regagner tout l’air qu’ils avaient perdu, à se regonfler entièrement. Il avait attendu, les couteaux de lancer bien visibles dans ses mains, prêt à en faire usage, mais personne n’était venu récupérer l’enfant…non, enlever l’enfant de nouveau. Et celui-ci avait fini par se rouler en boule dans une couverture de la roulotte qui, par un heureux hasard, était celle que Noah partageait avec un autre acrobate. Et puis, et puis tous les ennemis avaient été mis en fuite, tués ou le voltigeur ne-savait-quoi. Mais Noah était resté là, alerte, figé, presque physiquement incapable de relacher la pression, de bouger, de faire quoi que ce soit d’autre que d’attendre, les couteaux dans les mains, les yeux dans le vague, l’âme perdue ailleurs. Il avait fallu que le directeur tapote son épaule, que quelqu’un d’autre le touche pour qu’il reprenne pied à terre et, étrangement, la première chose qu’il avait fait était de demander des nouvelles de sa partenaire. Peut-être parce qu’ils étaient tous les deux avant d’être séparés. Peut-être parce qu’elle était la personne avec qui il passait le plus de temps dans ses journées actuellement. Quelle importance? Elle allait bien. Leur spectacle pourrait perdurer. Ils allaient tous bien.

Noah finit par se décrisper, se défaire des couteaux qu’il rangea avec précaution dans sa malle, avant d’attraper l’enfant, désormais endormi, et de le rendre à qui de droit. Et puis? Et puis il ne savait plus ce qu’il s’était passé mais il se retrouvait assis, partageant la même roulotte que la colombe impétueuse qu’était sa partenaire, comme avant l’incident. Comme si tout cela était un mauvais rêve. Un cauchemar dont Noah n’arrivait pas à sortir. Il était incapable de regarder Olivia dans les yeux. Incapable de regarder qui que ce soit dans les yeux, réellement. Il avait fait cette erreur plus tôt, avec les protecteurs de l’enfant, peut-être ses parents mais il en doutait, et il avait dû fuir pour rendre ce qu’il lui restait de déjeuner. Il avait vu son père à travers cet homme qui récupérait l’enfant. Son père et ses yeux qu’il imaginait vide de vie. Il s’était vu lui, dans cet enfant, lui-même entouré d’une famille qu’il n’avait absolument plus. Tous partis dans les flammes alors que son corps évanoui l’empêchait de faire quoi que ce soit. Il se sentait vide alors que les cris et les batailles d’un peu plus tôt lui revenaient en mémoire. Il avait réussi à faire abstraction, à ce moment-là, mais maintenant que le calme était revenu, toutes les sensations et les souvenirs repassaient en boucle dans sa tête. Le regard de son père, la prière à Sankt Grigori, les plaisanteries avec son frère de coeur, le feu qui brûle au milieu de leur ronde d’histoires et de rires comme tous les soirs et puis la panique, le chaos, le noir. Le réveil et la douleur, cette horrible odeur de cochon grillé et de poils roussis et la réalisation qui le transperce de part en part.

Un sanglot le traversa soudainement et Noah toussa pour le camoufler avant de se tourner avec la femme à ses côtés.

-Pardon, tu m’as dit quelque chose?

Sa voix était peu sûre, ses yeux fixant le plancher de la roulotte mais c’était tout ce qu’il pouvait faire pour le moment.

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Olivia Korolov
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Message(#) Sujet: Re: Contre-coup [Liv] Contre-coup [Liv] EmptyDim 23 Juil - 11:23


Elle avait froid. Malgré le climat estival, malgré le confort de la roulotte. Les derniers événements avaient laissé un sentiment de glace à la surface de son épiderme. Les Kherguds étaient tombés et aucun des siens n’avait été tué. Il n’y avait que quelques blessés, y compris parmi ces grishas errants que le cirque avait brièvement croisés. Pourtant, l’effervescence de la peur et de l’urgence restait solidement présente dans son estomac.

Les choses auraient pu être tellement plus graves.

Le monde avait l’air de devenir de plus en plus dangereux depuis plusieurs semaines. Les fjerdans déferlaient sur Ravka, Lev avait manqué de disparaître sous le joug d’un chasseur de grisha, et elle, elle s’était pris un coup de couteau aux funérailles de celui qu’on surnommait désormais le Régicide. Pourquoi avait-elle cette étourdissante impression que tout s’accélérait et que bientôt tout s’effondrerait ? La plaie qui pulsait de douleur à droite de son front lui rappelait à quel point la vie était fragile, et avec quelle facilité elle pouvait se fissurer.

Mais tout le monde allait bien. Tout le monde s’en était sorti. Le cirque avait repris son chemin, droit vers sa prochaine destination et ses futures représentations. Et il resterait fidèle à lui-même, prêt à porter assistance à ceux qui en exprimait le besoin. Qu’importe les écueils. Il resterait une entité grandiose, empreinte de mystère et de magie, que rien – pas même l’immondice de la guerre et des hommes – ne saurait briser. Olivia en était persuadée.

Alors il n’était pas question de rester là à se morfondre. Elle s’était secouée, décidant d’ignorer cette persistante sensation de froid, et avait concentré son énergie sur ce qui savait le mieux occuper son esprit depuis toujours ; son art, ses spectacles et les applaudissements du public. Les chamailleries s’étaient envolées. Assise contre le mur, penchée sur ses notes, elle essayait de dérouler dans sa tête l’enchainement de leur numéro, recadrant son esprit dès qu’il essayait de divaguer vers les récents affrontements.

— Peut-être que ce serait mieux si tu faisais ton salto arrière avant de monter dans les airs … T’en penses quoi ? ... Noah ?

Elle releva les yeux de son carnet corné lorsqu’un drôle de son émana de son partenaire. Il toussa et lui demanda de répéter. Elle bâtit des cils.

En d’autres circonstances, Liv n’aurait pas hésité et se serait probablement engouffrée dans la brèche. Bien sûr qu’elle avait dit quelque chose ! Il ne l’écoutait pas !

Mais en d’autres circonstances, Noah ne se serait pas montré distrait pendant une séance de travail. Et ne lui aurait jamais tendu une perche aussi grossière.

Deux secondes s’écoulèrent durant lesquelles elle prit réellement le temps de le regarder. Depuis que la caravane s’était remise en route, chacun s’était plus ou moins enfoncé dans les méandres muets de ses pensées. Ce n’était que maintenant que Liv s’interrogeait sur l’état de ceux qui l’entouraient. Les corps allaient bien, oui. Mais qu’en était-il des esprits ?

Noah n’était pas comme d’habitude. Stoïque, silencieux. Préoccupé. Le regard fuyant et le teint pâle. Si Liv le connaissait mieux, elle aurait dit qu’il n’était que l’ombre de lui-même. Leur petite guerre perpétuelle n’était plus à l’ordre du jour, même elle ne pouvait pas rester insensible à ce que dégageait l’acrobate. Elle reposa le carnet sur ses jambes et déglutit, peu sûre d’elle.

— Tu vas bien … ?


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Message(#) Sujet: Re: Contre-coup [Liv] Contre-coup [Liv] EmptyMar 22 Aoû - 21:43

Reprendre pied…reprendre pied réellement, et pas que physiquement, avec la réalité, était un travail bien plus complexe que Noah avait pu l’imaginer. Ses blessures étaient fraîches, juste refermées dans son âme alors que le filet qui courait sur sa tempe n’était déjà qu’un détail de son physique, se perdant entre ses cheveux et ses tâches de rousseurs. Personne ne savait pour lui. Personne ne savait pour son cirque et c’était très bien ainsi. Il n’avait pas voulu qu’on le prenne en pitié. Il ne voulait toujours pas voir cette lueur maudite dans le regard des gens. Comme s’il n’était rien qu’un malheureux plus bon qu’à jeter à la poubelle. Il avait de la valeur. Il était cassé, certes, et peut-être que ces fêlures viendraient toujours le hanter dans les pires moments de sa vie, mais il avait de la valeur. Il était utile. Et c’était ce qu’il avait dit au directeur du cirque qui, sans qu’il ne sache comment, était au courant pour ses pertes. Pour cet espèce de génocide étrange.

Noah déglutit difficilement, leva la tête vers Olivia avant de la hocher légèrement. Il n’était pas vraiment certain de pouvoir dire quoi que ce soit. C’était bizarre, comme situation. Liv (comme l’appelaient les autres) et lui. Silencieux. presque austères. Comme si la vie les avait quittés, un petit peu, durant cette attaque. Un peu plus, pour Noah, s’il était sincère. Mais il ne pouvait pas juger pour la colombe, il ne savait rien d’elle si ce n’était le stricte minimum: elle s’appelait Olivia Korolov. C’était la voltigeuse du cirque. Elle faisait ses spectacles en solo. Jusqu’au jour où elle s’était blessée et n’avait plus été en mesure de remonter les tissus seule. Elle était absolument, obstinément, parfaitement douée. Elle captivait l’attention, captait la lumière, avec ou sans petite science et émerveillait le public. Et s’il ne se voyait dans ces numéros que comme un faire-valoir, c’était une autre histoire. Et ça ne concernait que Noah. Mais non, il ne savait rien d’elle. Il n’avait aucune idée de la manière dont elle pouvait gérer ce genre d'événement. Et pourtant, malgré tout ça, elle avait la gentillesse de lui demander comment lui allait. Il devait être pathétique. Non, ne pas penser à ça. Il souffla, se racla la gorge et se leva. Habitué aux cahots des roulottes, il ne fut pas dérangé par les mouvements de la route. Ils s’arrêteraient probablement bientôt pour manger et lever un camp de fortune, à moins qu’un ordre différent ait été donné, Noah était trop déconnecté pour vraiment savoir. Il avait réalisé il y avait une minute ou deux qu’Olivia et lui se trouvaient dans sa roulotte, il supposait parce qu’on avait pas voulu le bouger trop loin du bâtiment et Noah était plutôt content d’être en terrain connu. Il s’agenouilla, récupéra dans sa malle un bout de tissu et de l’eau avant de se positionner face à sa partenaire et d’imbiber le tissu avec l’eau.

-Je…ne bouge pas d’accord? S’il te plait.

Il détestait l’image qu’il donnait alors: peu assuré, presque apeuré. Mais Olivia, contrairement à lui, était blessée et avait du sang sur le côté du visage. Il pouvait au moins aider à nettoyer ça. Avec une grande douceur dont il faisait rarement preuve envers sa partenaire, il tapota sa tempe, se concentrant sur elle plutôt que sur lui-même. C’était vraiment plus facile de faire ça. Voir comment le monde autour de lui allait et faire taire ses propres démons. Peut-être même lui tirer un sourire.

-Je…je suis désolé j’ai pas vraiment écouté. On pourrait en parler demain? Si ça te va? Est-ce que t’es blessée ailleurs? Est-ce que tes yeux sont touchés? Ce serait dommage de devenir aveugle, tu verrais plus ton beau gosse de partenaire.

Il lui fit un clin d’oeil à moitié convaincant, toujours blême, le souvenir d’une remarque sarcastique affectueuse au fond de la tête, comme un camarade aurait pu lui reprocher de toujours vouloir alléger les situations de stress pour la famille.

-Est-ce que… est-ce que tu veux parler de tout ça?

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Message(#) Sujet: Re: Contre-coup [Liv] Contre-coup [Liv] EmptyDim 17 Sep - 11:02


Se retrouver avec Noah après de tels événements avait de quoi déstabiliser.

Les choses auraient été différentes si elle avait été en présence d'Ewan. Ils se connaissaient assez pour se comprendre sans avoir nécessairement besoin de parler. Il n’y aurait pas eu la crainte du jugement, l’appréhension de dire quelque chose de mal, ce malaise palpable de marcher sur des œufs. Avec Ludmila, Liv n’aurait pas non plus eu besoin d’ouvrir la bouche. La simple présence de la cartomancienne aurait suffi à la rassurer et à apaiser le chaos de son esprit.

Oui, certainement. Mais qu'importe. Elle était face à Noah.

Noah, qu’elle connaissait si peu. Noah, avec qui elle peinait à trouver un mode de communication. Noah qu’elle n’avait jamais vu dans un tel état secondaire.

Noah, enfin, qui n’avait personne au sein de ce cirque.
Aucune figure rassurante, si ce n’était le directeur, peut-être. Mais celui-ci avait sans aucun doute bien à faire. L’acrobate n’était pas ici depuis bien longtemps, certes, pour autant Olivia n’avait pas le souvenir de l’avoir vu se faire des amis. Des connaissances, des camarades de travail tout au plus. Mais Noah avait-il une véritable épaule sur laquelle s’appuyer ? Leur troupe était un tout. Une entité à part entière. Malgré leur incapacité à trouver un terrain d’entente, il était inconcevable que Liv oublie cette règle et ne s’inquiète pas des états d’âme de son partenaire.

Alors quand il hocha la tête pour lui assurer que, oui, il allait bien, Liv sut que ce n’était pas suffisant. Et potentiellement faux. Le plus compliqué restait à trouver comment faire parler ce garçon qui ne lui faisait sans doute pas vraiment confiance. Elle se devait au moins d’essayer.

Noah entra en mouvement, ce qui la surprit presque au vu de l’inertie dont il avait fait preuve jusque là. Elle le suivit des yeux lorsqu’il récupéra quelque chose dans ses affaires et se tendit lorsqu’il revint de positionner face à elle. C’était idiot, parce qu’ils formaient un duo désormais. La proximité de l’autre était censée être leur quotidien. Pourtant, elle retint son souffle quand même.

— Qu’est-ce que tu f…

Le silence la saisit lorsqu’il lui demanda de ne pas bouger. S’il te plaît. La douceur et le manque d’assurance qui paraissaient dans sa voix suffirent à ce qu’elle obtempère. Alors elle le laissa essuyer, avec une délicatesse déconcertante, les traces qui rougissaient sa tempe. Ses paupières papillonnèrent, sans qu’elle ne puisse s’empêcher d’observer ce visage devant elle.

— Euh… O-oui, demain… C’est très bien, demain…

Les doigts de Noah se retirèrent et ses mots lui tirèrent un léger rire.

— Oh, rassure-toi. Même aveugle, j’aurais encore le malheur de t’entendre parler.

Qu’ils se chamaillent eut le mérite de la détendre. Ça, au moins, elle connaissait. Elle savait où elle mettait les pieds. Retrouvant plus de sérieux, l’invocatrice lui adressa un léger sourire.

— Je vais bien. J’aurai quelques bleus, tout au plus…

Un instant, Olivia se revit tirer par les cheveux à travers la cohue. Le froid se fit  plus présent sur son épiderme. Son regard croisa celui de Noah, et elle y vit une main tendue ; pour elle, mais aussi pour lui. Elle n’avait aucune envie de parler de ce qui s’était passé, non. Liv aurait préféré emmagasiner tout ça sans broncher, pour détruire les souvenirs un à un. Elle s’estimait assez solide pour ça. Mais elle voulait aussi saisir la chance d’aider Noah, et si elle espérait qu’il parle, alors il était évident qu’elle devrait parler aussi.

Elle déglutit et s’appliqua à relâcher lentement l’air prisonnier de ses poumons.

— J’ai… Je ne peux pas m’empêcher de me demander… Si ces hommes avaient réussi à nous enlever… S’ils avaient réussi à prendre les grishas… Qu’est-ce qui se serait passé ? Qu’est-ce qu’ils auraient fait de nous ?

Ce fut discret, mais ses doigts serrèrent plus fort le carnet sur ses genoux. Elle baissa les yeux.

— Le monde… Le monde est tellement hostile envers la petite-science… On a eu beaucoup de chance aujourd’hui… Qui nous dit qu’on en aura encore autant demain ? Et après-demain ?

Fatalement, l’image de Lev lui revint en mémoire. Son corps cassé, ses ongles arrachés et son œil en moins. Elle manqua de tressaillir. Le sort de son oncle était un sort que chaque grisha encourait chaque jour, pour être ce qu’ils étaient. Liv n’avait d’autre choix que d’apprendre à vivre avec. Son attention retourna auprès de Noah.

— Et toi … ? Qu’est-ce que … Qu’est-ce qui t’est arrivé … ?


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Message(#) Sujet: Re: Contre-coup [Liv] Contre-coup [Liv] EmptyLun 18 Sep - 20:04

Ses doigts tapotaient l’exact endroit. Le même que là où, sur sa propre peau, filait une cicatrice, disparaissant dans sa chevelure folle. Il pouvait évaluer les dégats, voir que Liv ne garderait rien de cette altercation musclée, et c’était tant mieux. Il posa le tissu au sol, replaça une mèche blonde des cheveux de la colombe derrière son oreille en tentant d’esquisser un sourire encourageant. Sans trop de succès. Il avait mal au coeur, Noah, bercé par le cahot discret de sa roulotte. Ce n’était pas un mal dû au transport. C’était un mal à l’âme dont il aurait bien voulu se passer. Il fit une blague, comme l’imbécile heureux qu’il était trop souvent et sa partenaire, dans sa grandeur d’âme, rebondit sur ses dires. C’était quelque chose qui avait le don de l’énerver, le plus souvent mais là…là c’était juste attendrissant de la voir faire cet effort, cet essai de quelque chose d’habituel, pour eux deux…peut-être juste pour Noah. Il ne savait pas. Et puis sa question, cette invitation pour l’aider du mieux qu’il le pouvait, avec ses maigres moyens, les avaient ramené de nouveau à cet après-midi. Il faisait le pitre pour faire rire les enfants de la procession, comme à l’époque il avait fait le pitre pour faire rire les gens de la troupe. Sa famille. Apparemment, Noah n’apprenait jamais et l’humour n’éloignait pas le danger.


Quelques bleus. Juste ça. C’était…c’était déjà trop. Mais c’était mieux que ce qui aurait pu se passer. Leur regard se croisèrent, pas longtemps, peut être pas suffisamment mais Noah ne pouvait pas…il ne pouvait pas lui montrer ce qu’il ressentait vraiment alors qu’elle parlait à demi-mot d’un potentiel futur funeste qu’il avait vécu lui-même. De la quiétude d’une soirée perturbée par les cris, le désastre, le chaos. La mort. Les flammes. Et le noir. Et du réveil hagard, entouré par les chairs et les os brûlés de ceux qui, la veille encore, embrassaient son front avant d’aller se coucher. C’était douloureux, comme mille couteaux que l’on plantait dans son coeur, dont on prenait la garde pour les enfoncer plus encore. Et elle parlait de ses doutes. Et elle parlait de ses peurs et cette flamme d’injustice qui brûlait encore au creux du coeur du Fjerdan se réveilla, vite étouffée en nuages de fumée par le deuil écrasant que portait l’acrobate. C’était injuste. c’était horrible. Cette peur ignoble des gens plus puissants que soi. Elle lui avait enlevé sa famille. Elle lui avait enlevé son coeur, ne laissant qu’une enveloppe de désolation éternelle. Il restait le cirque, oui. Mais il était si seul et le souvenir des siens pesait sur les épaules de Noah chaque jour un peu plus. Il ne pouvait pas en parler. Il ne voulait pas en parler. Mais…Mais comment expliquer à sa partenaire les larmes qui coulaient de ses yeux?

Noah ouvrit la bouche, laissa échapper un souffle, le regard embué de trop. C’était trop, toute cette journée. Il voulait plaisanter. Que Sankt Grigori lui donnât encore la force de paraître aussi léger que pendant ses représentations. Mais Olivia connaissait les ficelles et les astuces qui permettaient de paraître aux yeux des spectateurs. Comment pourrait-il réussir à la tromper? Il ferma les yeux, fort, essuya rageusement les traînées d’eau sur ses joues avant de s’asseoir correctement et de regarder un peu dans le vide. Garder un secret pareil était si difficile. Il ne voulait que…il voulait juste une personne qui pourrait…qui pourrait… Mais Liv… Liv le détestait. Et finalement, finalement ce fait là le rassura plus que tout au monde. On avait pas pitié d’une personne qu’on détestait. Alors Liv n’aurait pas pitié de lui. Il ouvrit la bouche, les yeux pointés sur le mur, pas sur elle, surtout pas sur elle, la main serrée autour du médaillon de son père, les jointures blanches serrant l’objet à travers l’étoffe.

-Je…je suis pas un grisha…Voilà ce qui m’est arrivé.

Il ricana un instant avant de reprendre.
-C’est bizarre de dire ça alors que tu viens de dire que c’est pire que tout d’être un grisha dans le monde aujourd’hui. Que tu seras jamais en sécurité. Que tu pourrais bien disparaître du jour au lendemain et que ça ferait plaisir à tant de gens qui te connaissent absolument pas parce qu’ils ont peur de toi. Mais je suis pas un grisha. Parfois j’me dit…si j’avais été un inferni j’aurais pt’être pu…je sais pas moi, éteindre les flammes qui ont léché leur corps jusqu’à plus soif. J’aurai pu couper l’air des poumons des monstres qui ont fait ça mais non. Je suis juste Noah. Je suis un peu plus agile qu’un autre. Un bébé qui a eu de la chance d’être recueilli par des gens exceptionnels qui l’ont élevé comme étant l’un des leurs. Mais je suis pas un grisha. Je suis juste Noah et j’étais un des seuls humains de notre grande famille. Et je suis…je suis là maintenant, tu vois? A jouer à la voltige avec toi, à tenter de trouver du sens à une vie qui clairement n’en a plus. A essayer tous les jours d’honorer leur souvenir, de faire de mon mieux pour être le plus grand crétin que ce monde ait connu, pour tenir la promesse que je leur ai faite, tu vois? Mais je suis pas un grisha. Et si j’étais un grisha, peut-être que j’aurai pu juste brûler avec eux. Pleurer avec eux…mourir avec eux. Au lieu de ça on m’a juste arraché le coeur pour le réduire en cendre. On a rempli ma vie de souvenirs qui avant me faisaient aller de l’avant et qui maintenant me donnent envie d’aller me jeter d’un pont. Je suis pas un grisha. Je suis pas un des leurs. Je…

Il sourit soudainement, plongeant son regard dans celui d’Olivia pour la première fois depuis ce petit discours.

-Je suis que de passage, de toute façon, c’est pas important.

Et c’était vrai. Rien ne changerait. Il n’aurait plus jamais ce lien avec personne. Il n’aurait plus jamais l’occasion d’avoir une telle famille. Ou des amis comme ceux qu’il s’était fait dans sa troupe de cirque. Et si peut-être il arrivait à être cordial avec la colombe et les autres, et s’il commençait réellement à l’apprécier, qu’est ce que ça changerait? Elle était la première à asséner qu’il n’était pas fait pour rester. Qu’il n’était là que pour l’aider à guérir avant de faire demi tour et de partir. Ou de rester pour faire son propre numéro. Comme s’il avait ne serait-ce qu’osé penser à faire le spectacle en solo. Le cirque, le partage, c’était trop ancré dans son être pour pouvoir faire sans mais il savait, il savait que ses jours dans cette troupe était comptée. Pourquoi craquer devant Olivia alors?

Il tenta de se calmer, appuya la base de ses mains sur ses yeux, essayant d’endiguer le flot de larmes tant bien que mal. Maintenant que les digues étaient fragilisée, il était difficile de retenir le torrent de sentiments que Noah gardait caché.
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Message(#) Sujet: Re: Contre-coup [Liv] Contre-coup [Liv] EmptySam 20 Jan - 11:18


La question qui avait quitté ses lèvres était simple. Qu’est-ce qui lui était arrivé entre le moment où elle l’avait quitté pour aller aider l’amant de Luka et celui où ils s’étaient de nouveau retrouvés dans cette roulotte ? Qui avait-il affronté ? Qu’avait-il vu ? Liv s’attendait à des faits, à des émotions saccadées et encore instables à cause des récents événements.

Elle ne s’attendait pas, en revanche, à briser un sceau profondément enfouit dans le passé de Noah.

Son cœur tomba dans le vide lorsqu’elle comprit que l’humidité aux coins de ses yeux n’avait rien à voir avec un jeu de lumière. Elle blêmit. Voulu ouvrir la bouche. Mais rien n’en sortit. Parce qu’aux premiers mots de Noah, aussi troublants soient-ils, elle comprit qu’elle avait réveillé quelque chose de bien plus gros qu’elle n’aurait pu l’imaginer.

Alors il parla. Parla, parla, parla. Lui confia des choses qu’elle ne comprit pas. Se rendait-il seulement compte de ce qu’il lui racontait ? A elle ? Il semblait dans un état second, ce qui ne fit que renforcer l’inquiétude d’Olivia, pétrifiée devant ses larmes et ses souvenirs.

Parce qu’il s’agissait de souvenirs, n’est-ce pas ? Les flammes, les corps consumés sous la chaleur... L’enfant recueilli par des êtres d’exception... La grande famille qu’il évoquait n’était pas celle du Cirque du Soleil. C’était quelque chose d’autre. Une autre entité, envolée comme de la fumée, qui lui saignait le cœur depuis les affres du passé. Un vent d’effroi la traversa, et ce fut pire encore quand Noah évoqua cette idée affreuse d’avoir voulu brûler avec ceux qu’il a perdus. La douleur brute qu’il déversait sans pouvoir s’arrêter la submergea. Liv n’était pas prête pour ça. Mais qui l’aurait été, à sa place ?

Et puis soudain, la cascade s’arrêta comme elle avait commencé. Brusquement, sans prévenir. L’attitude du voltigeur était si déroutante que Liv commença réellement à prendre peur. Ce sourire qu’il affichait... Comment trouvait-il seulement la force de l’incruster sur ses lèvres ? La boîte de Pandore se referma d’un coup sec derrière ce sourire, la laissant sonnée, perdue, et à se demander si elle n'avait pas rêvé tout ce qui venait d’être dit.

Mais Noah pleurait. Et ses larmes demeuraient le témoin et la preuve indéniable de ce qui s’était passé, à l’instant comme dans son passé obscur.

Olivia prit une inspiration fébrile. S’il n’avait pas plongé son regard au creux du sien, juste à l’instant, elle aurait craint de faire le moindre bruit pour ne pas lui rappeler sa présence. Après tout, Noah craquait et se révélait dans sa plus grande faiblesse, juste devant elle. Elle. Ils n’étaient pas proches. Ils n’étaient même pas amis. Qu’il choisisse consciemment de se confier à elle était inconcevable.

— N-Noah...

Elle osa finalement bouger. Avec hésitation, son bras se leva. Elle avait peur de troubler la bulle dans laquelle l’acrobate s’était enfermé, mais elle restait persuadée qu’elle devait l’en faire sortir. Sa main se posa sur son épaule, silencieux soutien. Elle ne se sentait pas le droit de le prendre dans ses bras et de lui imposer ce genre de contact.

— Ça a l’air important pour toi...

Qu’il soit de passage ou non ne changeait rien à la réalité de ce qu’il refoulait.

— Je croyais...

Elle déglutit. Sa voix devint presque un murmure.

— Je croyais que tu n’aimais pas les grishas...

L’autre fois, sous le chapiteau, il avait refusé l’idée de se faire soigner par Ether sous prétexte qu’il était grisha. Pourquoi ? Pourquoi avoir réagi comme ça et pourquoi regretter aujourd’hui de ne pas être né avec la petite-science ? Ces gens qu’il évoquait, qu’il aimait et qu’il pleurait... Ces gens aussi étaient des grishas. C’était incompréhensible.

— Qu’est-il arrivé... à ta famille... ?

Avec un peu d’imagination, elle se doutait qu’elle aurait pu combler les trous dans son discours décousu. Mais une petite voix en elle lui soufflait que, peut-être, Noah avait besoin de l’expliquer à voix haute. De laisser sa peine couler encore un peu plus, hors de lui. Et peut-être qu’elle avait besoin de l’entendre, elle aussi. Pour mieux le comprendre et, qui sait, pour essayer de l’aider un peu.



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Message(#) Sujet: Re: Contre-coup [Liv] Contre-coup [Liv] EmptyDim 21 Jan - 20:56

Les mains posées sur les yeux, Noah tentait d’endiguer le flot d’eau qui s’écoulait par ceux-ci. Sa respiration s’accélérait, petit à petit, comme si ne pas y parvenir allait le plonger dans une crise de panique. Il avait régulièrement ce genre de crises, enfant. Il avait entendu des adultes dire à sa mère que ça venait souvent avec les enfants abandonnés, ils sentaient juste que le monde ne voulait pas d’eux et c’était tout. Il avait eu du mal à comprendre mais cette peur s’était insinuée en lui et avait provoqué pire encore, pendant des années. Maintenant…maintenant il savait que le monde ne voulait pas forcément de lui, il savait qu’il ne voulait pas non plus qu’il ne soit plus là. Peut-être était-ce l’oeuvre de Sankt Grigori, il l’ignorait. Un sanglot se coinça dans sa gorge, pathétique. Celle-ci se resserra, ses poumons en firent de même et sa respiration commença doucement mais surement à se faire sifflante, alors que son cerveau murmurait à Noah à quel point il était un poids pour les gens l’entourant, là encore à déverser un torrent de larmes impossible à contenir face à une Liv qui n’avait absolument demandé.

Une main se posa sur son épaule avec la douceur d’une plume, faisant hoqueter Noah. Encore une fois aujourd’hui, on le sauvait de son esprit. Il laissa ses bras glisser le long de son corps, les larmes le saisir en entier, couler librement sur ses joues pâles alors que ses yeux plongeaient dans le regard d’Olivia. Ce n’était pas de la pitié, ce n’était pas de la sympathie non plus, il ne savait pas. Il ne put y réfléchir longtemps alors que la phrase qu’elle prononça le fit grimacer, son coeur tomba en mille morceaux plus petits encore à l’idée qu’on puisse croire que lui…LUI, n’aime pas les grishas. Il ouvrit la bouche, la referma, incapable de vraiment quoi savoir dire. Et puis, et puis la colombe lui demanda de parler. Et étrangement, même si son coeur se serrait à la simple idée de parler de sa famille, et que ça lui donnait la nausée, son âme y vit le moyen de pouvoir se soulager, un peu, juste un peu, de ce deuil écrasant. Noah se laissa couler contre le mur de la roulotte, accompagné d’un cahot de la route dans le mouvement. Et alors que sa position changeante le séparait de nouveau de la jeune femme, il saisit sa main à peine fut-il de nouveau assis.

-Je…j’ai besoin de ça. S’il…s’il te plait.

Il joua un instant avec les doigts si fins entre les siens, les pinçants doucement, sans force, sans malice, juste pour les sentir sous les siens. Olivia avait-elle conscience qu’elle était présentement son ancre? Il en doutait. Peu importait. Il lia les doigts d’une de ses main à ceux de la voltigeuse et serra, sa main venant tranquillement enlacer la sienne alors que son autre lui servait à essuyer ses larmes.

- C’est une longue histoire. Et elle ne finit pas bien. Pas bien du tout.

Il sentit son accent ressortir alors qu’il prononçait ces mots presque solennels. Il n’avait jamais raconté à personne. N’avait jamais osé le faire. N’avait jamais eu l’égoïsme de reposer une partie de ce poids sur quelqu’un. Mais voir cette caravane de grisha, avoir pu les aider mais ne pas savoir si à la fin du chemin ils étaient encore entier était une torture qu’il avait du mal à encaisser.

-A Fjerda, régulièrement, il arrive qu’on trouve des bébés. C’est comme un cocon de couverture marron à l’intérieur de laquelle son coeur a gelé. La température ne permet pas souvent à un nouveau né abandonné de survivre dans la neige. Et c’est pour ça que les parents qui n’en veulent pas le laissent là. Au pire il finit dévoré par les loups, c’est comme une offrande directe à Djel. Au mieux ils s’endorment pour ne plus jamais se réveiller. Je…j’étais un de ces nouveaux-nés. Sauf que, je ne sais pas pourquoi, je suis resté en vie. Et ils m’ont trouvé. Mes parents. Ils s’appelaient Ana et Hector Linden. Ils travaillaient dans un cirque. Elle était acrobate et lui monsieur muscle et les gens adoraient leurs numéros respectifs. Ils se sont rencontré au cirque. Parce qu’Ana était la fille du directeur et qu’Hector était trop fort, trop imposant, trop effrayant pour appartenir à quoi que ce soit d’autre. Elle était soigneuse, c’était un durast et leurs coeurs étaient si grands que leur amour rayonnait dans toute la troupe. Ils étaient…ils étaient tout ce qu’un enfant aurait pu vouloir d’un parent. Ils étaient mon pilier, mon soutien et tout ce que je sais, tout ce que je suis aujourd’hui, je leur dois. A eux et au reste du cirque. Le cirque des étoiles. C’est marrant comme ça résonne avec notre compagnie actuelle, pas vrai? Sauf que les étoiles se sont éteintes. Il ne fait pas bon d’être un grisha. A Fjerda c’est…c’est pire. Quand j’avais huit ans j’ai assisté à ma première exécution publique. Elle n’avait rien fait. Elle ne faisait qu’exister. Ce dont tu parles c’est…je l’ai vu. Je l’ai vécu. J’aime les grisha. J’ai toujours évolué avec eux. Ils ne sont pas différents de moi. Il sont plus doué dans certains domaines, c’est sûr, mais je suis aussi plus doué qu’eux dans plein de domaines aussi. Je suis pas certain que tous les grishas que je connaisse sache lancer le couteau. Ou jongler sur un fil à cinq mètres de haut avec des quilles en flammes. Moi si. Mon père me disait toujours qu’on mesure la valeur d’un homme à sa façon de traiter ses pairs, pas à ses capacités naturelles. Il avait raison, comme d’habitude. Lui et maman étaient les meilleurs êtres vivants que j’ai jamais connu.

Sa main libre alla se poser sur le mélange que formaient leurs deux mains liées, avant d’y appliquer une caresse distraite. Le regard de Noah ne quittait pas le mur lui faisant face, comme s’il parlait dans le vent, comme si Liv n’était pas présente. Parler d’eux c’était…aussi douloureux que fantastique.

- Ma mère était une mère poule, elle voulait toujours m’enrouler dans un tissu molletonné pour éviter que je me fasse mal. Et moi je revenais toujours de mes escapades égratigné de partout. Et au lieu de me soigner, elle me faisait endurer la piqûre des alcools désinfectants. Parce qu’être un grisha était dangereux et que, dans tous les cas, c’était important de comprendre qu’on utilise pas ce don à la légère. Elle était la seule qui me soignait et je crois pas…je crois pas que je serai encore capable de me faire soigner par un autre grisha qu’elle. C’est… au dessus de mes forces. Mais je divague.

Son corps entier se crispa dans l’expectative, sachant ce qui allait venir dans son récit mais ses mains continuèrent leur balais inconscient et doux sur leur consoeur captive.

- Le cirque marchait bien. C’était un peu vieillot comme type de cirque mais c’était toujours familial et abordable. Il était impossible de croire qu’on avait des grishas dans la troupe. On assistait aux exécutions des villages où on allait. Certains d’entre nous parvenaient même a insulter leurs pairs sur le bucher, à crier de fausse joie quand ils poussaient leurs dernier râle. Je…j’ai jamais eu la force. Et tout allait bien. Et puis un soir, y a bientôt deux ans, on s’est fait attaquer. Je… je me suis fait projeter sur un rondin de bois dans la cohue. Quand j’ai repris conscience, c’était le matin. J’avais du sang partout sur le visage. Et ça puait… je connais cette odeur par coeur mais c’était pire encore. La fumée s’élevait encore. Et y avait cet énorme tas difformes de…chairs calcinées. Je savais pas où j’étais, je savais pas ce que je faisais là. J’étais complètement désorienté. Et puis la lumière a capté un truc. Et c’est là que j’ai compris.

Il sortit de sous son haut le médaillon de Sankt Grigori qu’il gardait toujours sur lui et l’observa à travers les larmes qui avaient continué de tomber, sans son avis, sans qu’il s’en rende compte.

J’ai vu son médaillon au milieu de la catastrophe, engoncé dans ce qu’il restait de la main de mon père. Et j’ai compris. Je sais pas trop ce qu’il s’est passé après. J’ai crié je crois. J’ai hurlé, et ensuite c’est le trou noir, jusqu’à ce que je me retrouve à Ravka, à prendre un bateau en direction de Kertch. Et ensuite je me suis ressaisi. J’ai demandé du travail au seul endroit où je puisse me rendre utile. Et voilà.

Il ne pouvait pas lui raconter tout. Il ne pouvait pas lui dire à quel point ses amis, sa famille s’étaient débattus de toute leur force. Ne lui dirait pas que c’était l’un des jumeaux infernis qui l’avait poussé, pas pour le faire tomber mais le mettre à l’abri. Ne lui dirait pas qu’on l’avait tiré dans les buissons. Et que son père et sa mère avaient plaidé en sa faveur quand on l’avait chercher pour l’exécuter aussi, qu’ils avaient supplié les sankts et leurs ravisseurs de le laisser en paix, cet enfant abandonné épargné par les loups de Djel. Qu’il n’avait pas entendu son père dire à quel point Noah, son fils tant aimé, n’avait absolument rien de spécial. Que c’était un humain absolument dénué d’intérêt et que ce mensonge l’avait sauvé. Il ne pouvait pas lui raconter parce qu’il n’avait aucune idée que tout cela s’était déroulé. Une plainte étrange passa ses lèvres, pure douleur de l’âme qui enfin s’exprimer et Noah eut soudainement ce besoin irrépressible d’être enlacé. SI bien qu’il lâcha la main d’Olivia pour passer ses mains autour de lui même, dans une étreinte aussi inutile que peu satisfaisante.

- Voilà. Tu sais. Je n’ai jamais détesté les grishas. Et ce qui s’est passé aujourd’hui c’est trop…semblable. Alors me voilà en train d’exploser en ta présence alors que ça n’aurait jamais dû se produire. Je suis ridicule, je le sais.

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Message(#) Sujet: Re: Contre-coup [Liv] Contre-coup [Liv] EmptyDim 18 Fév - 19:50



Sa surprise fut réelle quand la main de Noah se referma sur la sienne. Et alors que ses yeux chutaient à la rencontre de cette vision étrange – depuis quand se permettaient-ils ce genre de contact en dehors des entrainements et des représentations ? – les explications qu’il lui délivra finirent par l’inquiéter. Que lui, le garçon si sérieux, si exigeant, ce roc inébranlable qui semblait pouvoir tout supporter y compris la faiblesse de son corps capricieux, qu’il puisse avoir besoin de quelque chose d’aussi anodin qu’un contact physique... C’était déstabilisant. Peut-être plus encore que les larmes qui ruisselaient sur ses joues.

Olivia hocha maladroitement la tête. Elle ne saurait dire pourquoi elle avait la gorge nouée. Était-elle assez empathique pour sentir la détresse qui émanait de Noah ? Ses doigts répondirent à la pression des siens, présence infime mais bien réelle qui lui souffla une silencieuse promesse : Je suis là et je t’écoute.

— Eh bien... La route s’annonce encore longue, alors...

Elle pinça les lèvres, sans en dire plus. L’idée n’était pas de le forcer à quoi que ce soit. S’il le lui avait demandé, elle aurait pu faire comme si elle n’avait rien vu et ils auraient repris le travail. Après tout, Liv était douée pour ça, créer l’illusion.

Mais l’acrobate n’avait pas fait ce choix, et à présent que leurs mains étaient liées, elle avait l’impression qu’il l’entrainait avec lui dans les scènes de son passé. Son imagination construisit sans mal l’image d’un petit poupon emmailloté dans des linges, hurlant dans le silence glacial de l’hiver. Qui donc était capable d’un tel acte ? Et quelles étaient les chances pour que quelqu’un tombe au bon moment sur un nouveau-né offert au courroux du froid ? Elle imagina parfaitement la carrure de monsieur muscle et la beauté de la fille du directeur. Elle pouvait presque entendre les rires et les cris de joie qui avaient fait place à l’horrible fin qu’avait frôlé Noah. Et puis... Elle frémit quand vint le chapitre de l’exécution, sa prise se resserrant subtilement sur la paume du jeune homme. Il avait vu... Il avait vu de ses propres yeux ce qu’elle avait toujours craint. La terreur se renforça dans son ventre, comme une solide roche de glace, aussi froide que les mœurs de Fjerda.

A nouveau, ses yeux glissèrent jusqu’au lien emmêlé que formaient leurs mains. De ses doigts libres, Noah venait de sceller ce contact avec une douceur qu’elle ne lui connaissait que dans le contexte des représentations. Pas dans l’intimité du privé. Et alors, il lui parla de sa mère. Elle comprit... Elle comprit pourquoi il avait refusé l’aide d’Ether et elle comprit surtout qu’elle avait sauté sur des conclusions hâtives.

— Oh, Noah... Je suis désolée, je n’ai...

Pas réfléchi. Comme souvent, quand il était question de lui et de leurs incessants crêpages de chignon. Elle se tut bien vite, honteuse, car l’histoire était loin d’être finie. Noah avait raison. Le récit était long et jamais elle n’avait autant entendu le son de sa voix.

L’horreur qu’il lui dépeint la laissa sans voix. L’attaque, le feu, l’odeur... Et le néant. Le néant qui semblait capable de prendre forme dans cette caravane et de l’avaler toute entière. Le médaillon scintilla devant elle, lugubre souvenir d’un massacre inhumain. Comment avait-il pu trouver le courage de le récupérer dans la main de son père ?

Comment avait-il trouvé la force d’encaisser ce qu’il venait de raconter ? Comment était-il possible de survivre à ça ?

Parce que Liv en était certaine. Elle, elle n’aurait pas tenu le coup. Elle n’avait pas la force de Noah, ni pour maintenir son corps dans les airs, ni pour surmonter les affres d’une telle vie.

Le contact de l’acrobate s’envola, laissant le froid venir engourdir le bout de ses doigts. De longues secondes lui furent nécessaires pour avaler toute l’histoire, pour prendre conscience de la violence toute particulière qui avait frappé Noah aujourd’hui et pour accueillir ses regrets d’avoir laissé sa carapace se fêler devant elle. Elle ne réalisa pas tout de suite que sa main n’était plus suffisante pour empêcher le jeune homme de partir à la dérive, lui qui se repliait sur lui-même dans une vaine tentative de réconfort. Et lorsque ce fut le cas, Liv parvint enfin à entrer en mouvement.

Son dos quitta le mur de la roulotte. S’agenouillant par terre, elle se rapprocha en face de lui. Spontanément, elle vint rétablir le contact qu’il avait rompu, posant ses mains sur ses genoux sans toutefois envahir plus loin son espace. La voix qui s’éleva de sa gorge ne fut qu’un murmure :

— Comment as-tu fait... pour garder tout ça... en toi... pendant si longtemps... ?

Olivia secoue doucement la tête, ses boucles blondes virevoltant sur ses épaules.

— Tu n’es pas ridicule, Noah... Tu es... l’une des personnes les plus fortes que je connaisse.

Elle ne lui aurait jamais menti à ce sujet. Les seuls compliments qu’elle concédait à son partenaire étaient sincères... Et cette fois, elle le pensait plus que jamais.

— Ton histoire est affreuse... Et je suis désolée que tu aies eu à vivre tout ça...

Elle pinça les lèvres en détournant les yeux. Y avait-il vraiment des mots capables de soigner les conséquences d’un tel drame ?

— Je sais... Je sais qu’on n’est pas proches, toi et moi... Et, je crois que je comprends, maintenant, pourquoi tu ne l’es pas non plus avec les autres membres du cirque.

Elle fit une pause. Déglutit en rassemblant ses idées. Ses fesses revinrent s’asseoir sur ses chevilles.

— Tes parents avaient l’air d’être des gens merveilleux... Je sais que... que personne ne pourra jamais prétendre les remplacer. Comme tous ceux que tu as perdus, il y a deux ans... Mais... Noah. Je suis sûre, par contre, qu’ils n’auraient pas voulu te voir vivre cette fin avec eux.

Ses mains pressèrent doucement ses genoux.

— Tu es là, oui. Mais tu n’es pas seul. Tu es avec nous.

Sa prise glissa de ses jambes comme une caresse. Machinalement, elle rassembla ses doigts sur ses cuisses et commença à les mouvoir avec lenteur.

— Je sais que nous ne sommes pas ta famille... Je sais que nous n’effacerons jamais cette douleur en toi, parce que personne ne le peut... Je sais aussi... que nous ne sommes pas infaillibles. Le monde nous l’a rappelé aujourd’hui. Mais si tu le souhaites, si tu nous ouvres la porte, alors le cirque du soleil peut être un nouveau pilier dans ton existence...

Elle écarta délicatement les paumes et laissa filtrer une lueur dorée dans le secret de la roulotte. La petite-science avait le don de mettre de l’ordre dans ses pensées. Peut-être parviendrait-elle aussi à apaiser Noah.

— Tu es ici parce que tu veux te rendre utile... Mais tu aimes ça, non... ?

Elle releva les yeux vers lui, cherchant confirmation dans son regard.

— Voltiger, je veux dire... Je le sens, quand tu es là-haut avec moi. Je sens que ça te fait vibrer... Tu es né pour ça, Noah. Alors peut-être... Peut-être que le cirque du soleil pourrait te donner une nouvelle raison d’être, et peut-être aussi qu’il pourrait remplir ta vie de nouveaux souvenirs...

La lumière se stabilisa sous le mouvement lent de ses doigts. Bientôt, elle leva ses deux paumes en coupe entre elle et lui, comme le symbole d’un espoir peint sur les murs du chapiteau.

— Peut-être que le cirque des étoiles pourrait vivre encore un peu, ici, à travers toi... Quoi que tu décides, nous te soutiendrons. Parce que nous soutenons toujours les nôtres. Il ne tient qu’à toi de prendre cette main tendue.

D’une inspiration, elle quitta la sphère lumineuse pour se concentrer sur son visage.

— Tu n’es plus seul.


_________________
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•• ALASKA

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Eté 751
Dans le monde

À KERTCH, les Crows ont attaqué les Mercuriens, réduisant drastiquement leurs unités. Les fondateurs de la ville n’ont pas le choix : les quartiers sous leur juridiction sont réduits à NORTHWOOD et EAST GATE. De plus, la guilde des voleurs a osé dérober aux Crows une carte menant à un artefact grisha. Mais impossible de savoir qui peut bien faire partie de ce groupuscule. Les Corbeaux enquêtent tout en poursuivant leurs travaux sur le Barrel.

Alors que RAVKA est en deuil pour sa reine, le peuple se rebelle contre le Roi Yaromir. FJERDA en profite pour attaquer OS KERVO, la ville portuaire. La bataille est sanglante et les pertes sont considérables, mais l’envahisseur est repoussé. La lumière est faite sur l’escadron secret de la couronne ravkane : LES RÉSIGNÉS. Les frontières entre Ravka et Fjerda sont fermées et des unités militaires sont déployées stratégiquement. Sur le plan économique, le fer et le cuivre voient leurs prix grimper et l’artisanat ravkan gagne en cote. La couronne ravkane tente d’emprunter aux Mercuriens, banquiers de Kertch, afin d’asseoir leur pouvoir.

Pendant ce temps, les grishas du PETIT PALAIS ont connu les routes pavées d’ennemis. Après un combat acharné, ils découvrent un nouvel endroit aux alentours de CHERNAST, dans une grotte à l’abri des regards. C’est leur nouveau sanctuaire, leur chez-eux, mais ils doivent également partir à la recherche des enfants disparus.