Fiche || Arkadiusz Lilov || Anihiler est une autre forme de maîtrise

Caractère

A le regarder comme ça, de plein pied, il apparaît calme. Ses yeux aussi clairs que les glaciers semblent insondables. Mais derrière son masque d'impassibilité brûle un feu de rébellion. Il a envie de conquérir le monde. Ne pas maîtriser sa Petite Science le rend impétueux, impatient. Il perd vite le contrôle de son esprit, de ses mouvements et alors la frustration le gagne, il se mure dans le silence, habillé d'une aura orageuse. Son père le pousse dans ses retranchements, mais le feu ne vient pas plus pour autant. Il n'est jamais venu, il a seulement un jour disparu.

Les entraînements l'ont rendu endurant, que ce soit physiquement et mentalement. Et s'il n'arrive pas à faire quelque chose, il n'est pas du genre à abandonner. Inlassablement, il essaie, encore, et encore. Même après des années d'échec. Un profond manque le tiraille. Celui d'une mère disparue dont il sent encore l'amour sans pouvoir le lui rendre. Il a une soif qu'il est incapable d'étancher et à chaque nouvelle destination, il espère trouver la sensation de se sentir complet. Il ne peut s'empêcher de jalouser les autres grishas, ceux qui maîtrisent si bien leur Petite Science, son père n'échappe pas à la règle. Il lui en veut de si bien enseigner aux autres ce qu'il est incapable de lui enseigner à lui. Il en résulte une isolation qu'il s'impose pour ne pas trop y penser, mais il finit toujours pas ruminer dans son coin. Il ne parle pas de manière élégante, en colère contre le monde entier, il passe son temps à pester entre ses dents.

Malgré l'absence de luxe au quotidien, Arkadiusz accorde une grande importance à son apparence physique. Ses cheveux sont toujours propres, c'est une obsession. Il a aussi une fâcheuse tendance à avoir besoin de ranger les choses par taille et la place des éléments n'a jamais été aussi optimisée que de son fait. Les stères de bois de son précédent logis en sont la preuve concrète.

TW: Accouchement difficile et décès

- Dépêchez-vous de faire venir un médecin !
- Impossible il est trop loin !
- Posez-la là !
- Faites quelque chose au lieu de regarder ! Vous là, aller chercher de l'eau claire.

Juste de l'eau claire, et propre suffisait. Il pourrait réchauffer cette dernière pour être à la bonne température, pour aider sa femme à accoucher. Tant pis si on le devinait grisha. Mais il n'eut pas le temps. Le travail avait commencé. Sa femme pleurait de douleur, se battait contre son corps pour expulser l'enfant. Même le mal de mer lui avait semblé anodin à côté. Milàn finit par se retrouver avec le nourrisson braillant dans les bras, il s'empressa alors de le glisser entre ceux de sa mère qui le porta à son sein. Le cordon fut coupé, l'enfant allait bien, mais, comme un funeste signe du destin, beaucoup trop de sang avait coulé.

Là, dans le port de Weddle sur une paillasse improvisée, Ilana, blanche comme un linge prononça ses dernières paroles de la voix la plus douce possible, embrassant le front de son nouveau-né avec amour.

- Arkadiusz.

Son regard chercha une ultime fois celui de son compagnon de toujours, les yeux brouillés de larmes, Milàn ne pouvait rien faire, il le savait. Aucun grisha soigneur n'avait pointé le bout de son nez, aucun médecin, ils étaient livrés à eux-mêmes, épuisés, sous alimentés, au bon vouloir des Sankts et il semblait que l'heure d'Ilana était venue. Gardant sa femme contre son torse, il les tenait contre lui, dans une dernière étreinte. Puis lorsqu'il sut qu'Ilana était vraiment partie, il resta là, encore quelques instants, berçant le duo des êtres les plus chers de sa vie avant de dégager l'enfant du sein de sa mère pour le prendre contre lui.
Fin TW

Milàn trouva une nourrice pour son fils en échange de ses services de traducteur auprès des nobles de la Baronnie. Il attendit qu’il grandisse, s'installant à Weddle, dans une petite maisonnette juste assez grande pour eux. Il finit par rompre les liens avec la noblesse, trop inquiet de se voir mêlé à des histoires de drogues, les tant redoutée fleurs jaunes capables d'affaiblir les grishas. Il choisit de s'installer comme artisan boulanger, persuadé que la pâte à pain ne le trahirait jamais.

Lorsqu'Arkadiusz fut assez grand pour se passer de lait, il prit la responsabilité de s'occuper seul de son fils. Vif d'esprit, Ark apprenait vite. Marcher, courir, parler, Milàn n'aurait pas su dire dans quel ordre. Mais il savait que le premier mot prononcé avait été "four". La sémantique de la boulangerie faisait partie du vocabulaire de l'enfant avant même les essentiels. Mais il savait comment se faire comprendre pour tout le reste et c'était ce qui importait à son père. Les années s'écoulèrent, l'affaire de Milàn prospérait grâce aux demandes du Baron depuis qu'il avait découvert les petits pains spéciaux, ceux fourrés à la viande, aux légumes. Et ce n'était pas tant le concept qui faisaient revenir les clients, c'était la cuisson parfaite de ces pains.

Arkadiusz avait dix ans lorsqu'il montra ses premières affinités avec la Petite Science. Tout se passa très rapidement, il était très tôt le matin, il faisait encore nuit noire et Milàn faisait chauffer le four pour la journée, préparant sa pâte dans son coin. Il avait laissé la porte grande ouverte, pour évacuer le trop plein de chaleur qui augmentait rapidement, sans oublier de garder un œil sur son fils qui observait les flammes brûler, comme hypnotisé. L’œil humain aurait eut beaucoup de mal à capter l'exactitude de la suite des évènements. Un hibou s'égara dans la pièce, et déboussolé vola de manière hasardeuse jusqu'à se retrouver dans le four, dont l'ouverture offrait une place conséquente. Arkadiusz, s'il n'avait pas d'affinités particulière avec les humains et avait tendance à fuir les relations sociales, aimait profondément les animaux. L'inquiétude pour le volatile développa un instinct protecteur qui le fit bondir à la suite de celui-ci. Il s'enroula en bouclier autour du rapace, à l'intérieur du four. Mais aucune douleur ne se présenta alors qu'il fermait les yeux très fort, tétanisé par ses propres actions.

Des bras le tirèrent brutalement hors de l'habitacle alors qu'il continuait de serrer le hibou contre lui. Il ne pleura pas de sa peau éraflée, griffée. Il était content que l'oiseau n'ait pas brûlé. Mais le grondement en colère et anxieux de son père le tétanisa. Jamais il n'avait paru aussi fâché. Relevant les yeux vers ce dernier, il sentit les flammes mystérieusement absentes un peu plus tôt revenir de plus belle dans son dos, lui réchauffant la peau comme une morsure désagréable. Les larmes aux yeux, le hibou étonnamment calme entre les bras, il s'enfuit par la porte, se dirigeant vers le bois le plus proche pour se cacher, et relâcher l'animal. Un hululement, qu'il garderait dès lors en mémoire, lui parvint. De la gratitude semblait-il. Et toujours sous le choc de la soudaine brutalité de son père, Ark ne savait pas, que ses cheveux bruns avaient brusquement viré au blond cendré.

Les jours qui suivirent l'évènement furent difficiles. Pour Milàn, comme pour Arkadiusz qui n'osait plus s'approcher d'une simple flamme. Milàn voyait son fils disparaître toute la journée, ne revenant que pour grappiller à manger. Le mutisme de ce dernier le peinait fortement. Il savait qu'il avait réagit sous l'injonction de la peur et de la surprise et qu'il l'avait effrayé, mais il ne pensait pas que ça créerait une telle distance entre eux. Sachant qu'il ne pourrait accepter de vivre des années ainsi, il s'employa à former un successeur et décida de vendre son affaire pour s'installer en forêt en tant que bûcheron fournissant les charpentiers de Novyi Zem. C'était une main tendue envers son fils, éloignant le four pour ouvrir le dialogue sur ce qui s'était passé.

Arkadiusz ne voulait pas en entendre parler. Il prenait plaisir à ranger les bûches avec précision, Ola sur l'épaule. Le hibou était revenu vers lui tous les jours après leur mésaventure commune et s'étaient adoptés l'un l'autre. Milàn finit par laisser tomber le sujet de la discorde, voulant retrouver une bonne relation avec ce dernier. Cela fonctionna, en tout cas, dans un premier temps. Arkadiusz grandissait bien, se musclait, étoffait son vocabulaire, mais il ne semblait pas heureux et épanoui pour autant. Son père remarquait bien les regards rancuniers à l'égard des flammes du feu de camp ou de la cheminée ou l'allure triste des statuettes qu'Arkadiusz sculptait dans les chutes de bois. Alors il lui proposa du mentorat. Il l'avait fait, il y avait fort longtemps, entraîner un jeune homme pour apprendre à maitriser sa lumière, alors pourquoi n'aurait-il pas pu le faire avec son propre fils ?

D'abord de mauvaise grâce, Ark accepta la requête de son père par affection, mais plus il essayait, moins il y parvenait. Pourtant, malgré les échecs, l'envie de réussir était la plus forte et maîtriser le feu était devenu un défi personnel. Rien n'y faisait, malgré toute la volonté du père et du fils. Cinq années plus tard, après de nombreux aller-retour entre les différents territoires, après avoir essayé d'associer son fils à d'autres apprentis, Milàn, n'avait plus aucun espoir. Son fils avait vingt-deux ans et il n'était même pas capable d'allumer une bougie.

- Tout ça n'était peut-être qu'un coup de chance. Tu n'es peut-être pas Grisha après tout.
- Tant mieux, bon débarras. Je pourrais vivre une vie normale sans me cacher comme ça.

Les choses auraient pu en rester là, mais lors d'une livraison à Weddle, Milàn aurait juré apercevoir la silhouette de son ancien élève traverser la foule. Une prestance comme la sienne, ça ne s'oubliait pas. Mais alors qu'il voulu s'en approcher, le rattraper pour lui demander comment il allait, il le perdit de vue. Il semblait s'être volatilisé. Peut-être l'était-il vraiment. Après tout, Akihiko avait acquis de nombreux savoir. Il était peut-être la solution qu'il cherchait depuis tout ce temps.

Il écrivit une lettre, la cacheta et la confia à Arkadiusz, l'envoyant sur les routes avec un paquetage et une description de l'homme qu'il devait chercher. Le fils ne devait pas revenir à moins de maîtriser sa Petite Science.