Alex ~ On est vraiment obligés de faire ça ?

Frigo. C’est le premier mot que le petit laissa échapper de sa bouche. Avant ça, tout le monde le pensait muet. Depuis son arrivée à l’orphelinat, il n’avait jamais rien dit, jamais pleuré. Il se contentait de regarder les gens, assis dans un coin, discret au point qu’on l’oubliait régulièrement. Combien de fois les pensionnaires et les gérants plus âgés ont manqué de s’asseoir dessus tant il se confondait avec les fauteuils ? Alexeï, car c’est comme ça qu’on l’avait nommé, laissait le temps passer. Et puis un jour, cet homme est apparut dans son champ de vision. Il inspira quelque chose dans le cœur du petit garçon. De la confiance, de la bienveillance. Il avait envie de rester près de lui, avec cette peluche en forme de chèvre qu’il lui avait offert et qu’il serrait contre lui comme le plus beau des cadeaux.

Lorsque l’homme s’apprêta à repartir, Alexeï comprit que c’était le moment où jamais de faire sa place auprès de cette homme et dans son cœur, car, il avait décidé qu’il serait sa famille, son papa. Alors il s’accrocha à sa jambe et serra très fort. Sa vie en dépendait. Par chance, Fragor Sobol avait un grand cœur et il l’accepta avec lui. Alexeï tenta de prononcer son nom. Comme un surnom particulièrement affectueux, Frigo fut son premier mot.

Comme une Destinée parfaite, Alexeï trouva auprès de sa famille adoptive tout l’amour dont il avait besoin. Des frères et sœurs à foison, une maman avec un grand cœur, et des chèvres, beaucoup de chèvres. Mais il y avait surtout Karamel. Sa chèvre. Elle est arrivée en même temps que lui. Toute petite, marron chocolat avec des tâches caramels. Une chèvre, c’était génial, et puis, c’était mieux qu’un chat. Un chat, c’était méchant. Alexeï en gardait un souvenir douloureux et visible sur ses avants-bras, quand il avait, un jour, essayé de caresser un chat errant. Pour Kara, ça avait été tout de suite une complicité sans remise en question. D’emblée, il s’était proposé pour lui donner le biberon et les soins nécessaires. Il avait même réussi à faire accepter qu’elle dorme dans sa chambre, avec lui, à condition qu’il promette de toujours bien tout nettoyer. Oh leur mère se faisait des cheveux blancs avec tous ces gamins aux personnalités aussi diverses que variées. Alexeï lui était plutôt discret dans l’ensemble, mais son sourire et son regard parlaient davantage que des longs discours. Il aimait sa famille plus que tout et était reconnaissant à son papa adoptif d’avoir accepté d’emmener la « petite crotte » qu’il était.

Et puis le petit cocon fabuleux dans lequel Alexeï grandissait se fissura légèrement quand Fragor partit faire la guerre. Il avait six ans quand son papa partit sous le regard inquiet de sa mère, tout le monde savait que lorsque l’ont partait sur le champ de bataille, rien ne garantissait de revenir. Fragor avait été malin, pour éviter que la petite crotte ne s’accroche une fois de plus à sa jambe, il avait attendu qu’il s’endorme. Alexeï continua de grandir, d’apprendre et décida, du haut de ses treize ans, de rejoindre l’armée pour un stage militaire, motivé par l’idée de rejoindre son père qui lui manquait tant sur le champ de bataille. Sa chère maman n’était évidemment pas ravie, et il eut du mal à laisser Kara de côté, mais, il le fallait bien, pour apprendre à combattre !

Malgré la difficulté du stage et le manque de sa famille, Alexeï s’intégra plutôt bien. Il se forgea un groupe d’amis fidèles. Aussi soudés que les doigts d’une main, malgré leurs différences, toujours à se soutenir, se suivre partout. L’adolescent avait trouvé sa seconde famille et en était absolument heureux. Évidemment, tout ne fut pas rose,mais enfin, il avait l’impression de se distinguer. Il eut même la joie et le malheur de voir son père débarquer, furibond, pour essayer de le dissuader de s’engager. Mais après une discussion animée, ils finirent par se mettre d’accord. Dans tous les cas, la formation était bonne à prendre. Et s’il pouvait être bien préparé pour se défendre, c’était ce qui comptait le plus.

A ses quatorze ans, Alexeï s’enrôla définitivement dans l’armée. Il avait trouvé sa spécialité, il était très bon au tir à l’arc. Il avait dû parfaire sa façon de monter à cheval, pour être capable de tirer depuis son destrier. Malgré tout cet entraînement, il restait assez frêle. Et si sa silhouette n’était en rien impressionnante comme les autres soldats, sa musculature était suffisante pour le rendre résistant aux longues heures d’entraînement. Malgré les ampoules et les courbatures.

De temps à autres, il rendait visite à sa famille et lorsqu’il ne devait pas être à la caserne, il restait plus longtemps pour le grand plaisir de sa mère et des ses quelques nombreux frères et sœurs encore présents. C’était aussi l’occasion de passer du temps avec Kara. Il avait voulu l’emmener avec lui, mais il avait peur que ses camarades essaient de la manger. Il enviait Matseï et Morozova, malgré l'appréhension qui lui collait des frissons désagréables à chaque fois que le Main Coon provoquait un contact visuel et puis, souvent il luttait pour rester en sa présence. Mais pour Matseï, il faisait l’effort, tant que le chat restait loin, bien sûr, il le gardait à l’œil, c’était possible de rester au même endroit, courageux mais pas téméraire.