Leonid - Sainted by the storm (UC)

La tempête gronde au dehors, et c'est comme si les volets qui claquent, le vent qui hurle, les éclairs qui zèbrent le ciel, c'était réunis en un même lieu pour accueillir la venue d'un petit être. C'est dans une maison close que ses p'tits poumons se remplissent d'air et qu'il braille pour la première fois. Premier éclat de voix d'une incroyablement longue suite. Sa mère, Assia, fait l'plus vieux métier du monde. Est-ce une honte ? Non. Jeune fille abandonnée dans le lit inhospitalier d'un orphelinat, et foutue à la porte une fois sa majorité atteinte, elle est belle, avec son regard sombre, sa crinière d'ébène, et ses sourires charmeurs. Elle est belle, et elle le sait. Et elle se fait entraîner bien loin de la route qu'elle avait décidé de mener. Elle même ne regrette pas sa condition. Les grossesses sont données courantes dans son métier. Il suffit parfois d'une tisane pour chasser cet état. Mais pas cette fois. Car Assia en a décidé autrement. Et c'est ainsi qu'elle donne naissance à un enfant des tempêtes. Enfant qui naîtra au plus fort d'une tempête. Assia a toujours clamé qu'il était promit à une grande destinée, personne ne l'a jamais crue. Leonid en tête de proue.

Il sait, Leonid, qui est son père. Cette espèce de figure d'autorité qui fait foi dans cette ville. Il est haut placé, et a toujours renié son fils. Si dans son plus jeune âge, ça l'avait remplit d'une rage sauvage, mauvaise, bien vite, la rancœur disparaît. Le gamin n'a pas passé une enfance désastreuse et traumatisante.

Loin de là, il s'éveille dans un monde où les femmes sont reines, et où elles font tourner les têtes, où elles font rouler l'or hors des bourses. Des femmes aux profils différents, aux plaies multiples, martyrisés par un monde qui, à la fois, ne veut pas d'elles, mais également, en a désespérément besoin. Il y a quelques hommes également, qui font office de figure paternelle pour le gamin. Et ce cadre lui offre tout l'amour dont Leonid a besoin.

Très tôt, il apprend de multiples choses à leur contact. Il sait reconnaître les belles dentelles d'une tenue avant de savoir lire, comment faire disparaître les tâches. Il apprend, il s'abreuve de ce savoir un peu étrange dont on le gratifie. On lui explique comment faire parler quelqu'un, comment détecter les blessures de l'âme, comment faire tourner les têtes, juste avec une démarche. Tout cela est loin désormais. Quand il est en âge d'aider, alors le gamin s'occupe du ménage à la maison, il fait les lessives et s'assure de la sécurité de ses mères, de ses pères et des adelphes qui passent chaque jours les portes du lieu, petits chatons abandonnés sans le sous, l'endroit se fait cocon pour qui le veut vraiment.


Si, jusqu'à ses six ans, le gamin n'avait entendu parler des "Grishas" que de loin, c'est lorsqu'il entend des bruits de lutte à l'étage et qu'il doit protéger l'un des siens qu'il révèle son "don". Une successions de petites explosions bruyantes qui s'échappe de ses pognes encore potelées. Si ce coup d'éclat fiche en déroute l'homme, il occasionnera de cuisantes douleurs au niveau des mains du gone, qui mettra du temps à panser ses plaies. C'est l'occasion pour lui d'avoir un premier aperçu de la botanique. Cette magie jusqu'alors inconnue le fascine, de même que les plantes, il tombe là dedans dès son plus jeune âge, et n'aura de cesse de parfaire ses connaissances sur le sujet. Leonid a la main verte, il parvient à faire pousser un paquet de plantes, qu'il fait prospérer dans un petit jardinet dans le pauvre lopin de terre que certains appellent "le jardin" d'la maison. Son don... Si sa mère a le désir de le cacher au reste du monde, Leonid s'y plie, jusqu'à ce qu'il estime qu'il soit en mesure de se défendre seul, et de s'en sortir au cas où il en parlerait à la mauvaise personne. Pour la plupart, l'expérience du jeune homme s'est fait seul, ou en suivant les indications glanées ici et là. Il ne vit pas sa condition comme une fierté, mais ne le voit pas non plus comme un poids.

Vivant dans une ville portuaire, l'enfant, puis le jeune homme, se perd souvent, pour occuper ses journées en jeux et poursuite dans les docks, jouant avec ses pairs, se battant avec eux. Plus tard, il apprendra à se battre à l'épée auprès de ces mêmes gosses, et il troquera une décoction aphrodisiaque de ses soins, au fils du forgeron, contre une rapière, certes, elle était de mauvaise facture, et devait être aussi tranchante qu'un couteau à beurre, mais c'était la sienne. Bien vite... Le gone des tempêtes comprit qu'il pouvait avoir beaucoup, en échange de ses créations. Il se mit à vendre ses préparations diverses sur quelques marchés noirs, loin de la vue du reste du monde. Les choses plus... Extrêmes se vendaient dans quelques ruelles sombres, cela permit au gone, et à ses pairs, de traverser les périodes de vache maigres. Si dans sa prime jeunesse, et suite à ses plaies, Leonid avait eut peur de son don, cela n'avait pas duré. C'était un mioche qu'avait pas froid aux yeux. C'est une fois devenu un grand garçon, qu'il se mit à rêver d'indépendance, une envie farouche de vivre sa vie, loin d'ce nid, de ce cocon qui n'était que ritournelles et routines usante pour son cerveau qui n'a jamais supporté ça. Il lui fallut quelques années pour réunir une somme conséquente, et se faire embaucher sur un rafiot. Leonid se souvient encore, la première fois qu'il a vu sa figure de proue. Les tentacules semblant s'en prendre à la coque du bateau alors qu'en réalité, le tout était minutieusement sculpté. Et bien vite... Sa vie prit un tournant différent. Hissant fièrement le pavillon noir, du haut de ses 35 ans, Leonid prit la mer. Il avait déjà le jargon de charetier des vieux loups de mers, lui qui avait passé bien trop de son temps à faire des courses poursuites dans les docks avec les autres gones du coin. Il voyait en Bert une véritable figure paternelle de substitution, affrontant la mer en furie, des périls incroyables, il a jamais regretté son choix. L’adrénaline coulait dans ses veines comme un feu ardant. Bien vite, il prit la casquette du spécialiste, et des poisons, et des herbes médicinales. Ne cessant de s'instruire sur le sujet (une manière comme une autre de passer son temps libre). C'est une seconde famille qu'il trouva auprès de l'équipage du Kraken. Ses retours auprès de sa mère étaient trop espacés selon sa mère. Le temps ne passait pas au même rythme pour lui que pour elle manifestement. Un jour... Ils repêchèrent littéralement un gamin, ça devait faire cinq ans qu'il était dans l'équipage ? Des blessures grignotaient son corps. Leonid n'avait eu d'autres choix que d'le pourchasser à coup de décoctions et autres produits à base de plantes afin de panser ses plaies. Il ignorait tout du gamin, mais il semblait pas être le seul. L'équipage le prit rapidement sous son aile, et, bien des années plus tard, alors que Bert avalait finalement sa gaffe, leur trouvaille de ce jour là devint leur capitaine. Un rôle que Leonid ne l'enviait absolument pas.

"Être le capitaine d'une bande de vieux loups comme nous ? Bon courage gamin." Et pourtant, ces simples mots valaient, pour le brun, toutes les félicitations du monde. Aujourd'hui... Six ans plus tard, il fait toujours parti de cette grande famille, et ne compte pas en changer.

Pas un seul de ses passages dans la ville qui l'a vu naître ne lui rappelle le souvenir lointain de sa mère, partie sans doute un peu trop tôt. L'enfant des tempêtes a fait son deuil.