De la mer à la rive...Sauvée des eaux par un pêcheur Fjerdan alors qu'elle n'était qu'un nourrisson, Namarië est élevée dans le culte de Djel.
Elle s'agenouille tous les jours près du frêne pour prier. Elle célèbre Hringkälla et allume chaque année une bougie pour Swieca.
On lui apprend que les Grishas sont des êtres diaboliques qui ne méritent pas de vivre et que l'armée de Fjerda est là pour les protéger et exterminer ce fléau.
Mais toutes ses croyances s'effondrent lorsque son don se révèle à elle.
Terrifiée à l'idée d'être une monstruosité, elle craint plus encore ce qui arrivera si elle est découverte. Alors elle se jure de ne plus utiliser son pouvoir et de faire comme si rien ne s'était passé.
Chaque jours, elle redoute de voir se transformer le reflet dans son miroir en une bête affreuse. Elle est effrayée par ce qu'elle est, par ce qu'elle pourrait devenir.
Qu'avait-elle fait de mal pour mériter un tel sort?
Enfouissant au plus profond d'elle ses peurs mais aussi sa curiosité, elle tâche de trouver du réconfort dans sa foi.
Elle prie Djel d'avoir pitié et qu'il refasse d'elle un être humain. Elle le prie de lui expliquer pourquoi l'avoir sauvé si c'était pour faire d'elle une abomination, une sorcière. Mais aucune réponses ne lui parvient.
Et face aux tumultes du courant...Au fil des ans, le mur de honte et de peur derrière lequel elle s'était enfermé commence à se fissurer. Un sentiment d'injustice grandit en elle, accompagné d'une curiosité pour ce pouvoir qu'elle possède.
Les enseignements religieux lui paraissent de plus en plus faux, voir cruels.
Elle ne se retrouve pas dans les descriptions qu'on lui fait des Grishas.
Et là où plus jeune, elle se serait laissé intimider par ces idéaux, la jeune fille qu'elle devenait les remettait fermement en cause.
Après tout, elle était une Grisha, qu'elle le veuille ou non. C'était un fait qui avait mûrit en elle et qu'elle avait fini par accepter.
Elle ne les laisserait pas définir qui elle était. Elle seule jouissait de ce droit et le temps était venu de décider.
Le jour de son départ approchait. Elle se préparait à quitter sa terre d'adoption pour rejoindre Ravka.
Mais avant de pouvoir mettre son plan à exécution, un faux-pas lui coûte son anonymat et la force à fuir plus tôt que prévu.
Elle tenta de prévenir ses parents, craignant pour leurs vies, mais ils furent les premiers à essayer de la capturer. Les premiers à crier le mot: Drüsje!
Hébétée par la force de sa propre douleur, elle parvint cependant à rejoindre la plage où mouillait le bateau de son père.
Sautant dans l'embarcation, elle rama pour sortir du port tandis que des ombres s'agglutinaient sur la plage. Elle rama plus fort, dans l'espoir d'atteindre les eaux profondes. Elle rama à s'en faire saigner les mains, jusqu'à ne plus sentir ses bras, inondée d'un furieux désir de vivre.
Elle flottera sans pavillon...Pendant plusieurs mois, elle vend des poissons et divers objets qu'elle fabrique sur les marchés de Ravka. Si son enfance en Fjerda lui a bien apprit quelque chose, en plus de la pêche, c'était la survit.
Ne parlant cependant pas un mot de ravkan, elle feint le mutisme afin qu'on ne devine pas ses origines. Avec le temps, elle finit par apprendre, suffisamment du moins pour comprendre et se faire comprendre.
Elle passe ses journées et ses nuits sur son bateau de fortune. Lorsque la pêche a été bonne, elle se paie une petite chambre dans une auberge miteuse et y dévore allègrement la soupe de la veille. Elle arpente les rues et toque aux portes de chaque bâtiments à la recherche d'un travail.
Jusqu'au jour où elle surprend, sur les docks, une conversation concernant un capitaine à la recherche de nouveaux membres d'équipage.
Persuadée qu'il s'agit d'un navire de pêche, elle est certaine de s'y faire une place. Elle est cependant surprise de découvrir qu'il ne s'agit pas de pêcheurs, mais de corsaires, spécialisés dans le transport de marchandises et d'êtres humains. Ne se laissant pas intimider, elle parvient à convaincre le capitaine.
Elle nettoie le pont et vide les latrines mais elle a un toit sur la tête et un repas chaud plusieurs fois par semaine.
Les années passées à son bord lui permettent de découvrir le monde et marquent également le début de sa vie de pirate.
Elle passe plus de dix ans sur les eaux, s'enrôlant d'un navire à l'autre. Du marchandage, elle passe aux pillages, façonnant son fort caractère et aiguisant ses talents de fine lame.
Elle découvre le plaisir primal de la chasse et l'exultation à la découverte d'un nouveau trésor. Elle se nourrit de nouvelles cultures et de nouvelles croyances.
Mais plus que tout, elle découvre Ilya Morozova, Le Forgeron des os. L'Istorii Sankt'ya et les histoires des Saints.
Loin des abominations de son enfance, elle apprend la véritable histoire des Grishas et de leurs origines. Ses origines.
Alors sa vie prit enfin un sens. Elle savait désormais qui elle était et quel était le but de son existence. Elle devait retrouver et protéger les artefacts de son peuple. Elle devait devenir plus forte encore et aider à libérer les siens.
Les Grishas n'avaient jamais été des abominations. Ils étaient des êtres magnifiques. Et ils seraient les prochains dirigeants du continent.
Jusqu'à sa terre de prédilection.Pour elle, la découverte de l'Istorii Sankt'ya représentait plus qu'une simple croyance.
Enfant abandonnée sur les eaux, adolescente rejetée par sa seule famille, l'histoire des Sankts représentait l'identité dont elle avait toujours manqué.
Elle n'était la fille de personne, mais elle était une grisha. Et elle portait cette évidence nouvelle comme on hisse un drapeau sur le mât d'un navire, la fierté aux quatre vents.
Les Sankts pour martyrs et Ilya Morozova dans ses prières, elle parcourt le monde à la recherche de reliques leurs ayant appartenu, de ces morceaux d'Histoire que l'on doit protéger. Elle chasse, un catalyseur après l'autre, ce qui permettra aux grishas de reprendre leur liberté. Alors elle met de côté ces biens précieux, en revend parfois à quelques privilégiés, mais garde la majorité des amplificateurs dans un lieu secret. Car ils n'ont pour seuls destinataires que les combattants fidèles au général Kirigan.
Un jour peut-être prendra-t-elle le temps de découvrir leur localisation. Une dernière chasse encore.
Décidera-t-elle alors de les rejoindre?
*
Un bras de rivière.C'est dans cette quête sacrée que Namarië se retrouve à participer à la chasse la plus importante de sa vie, celle du Dragon des Glaces.
Elle n'avait encore jamais eu la chance de rencontrer l'un des célèbres animaux de Morozova. Le simple fait d'en observer un de ses propres yeux, de l'avoir frôlé du bout des doigts, fut pour elle la plus belle des récompenses. C'était la preuve tangible de l'existence du Forgeron des Os, le témoignage d'une descendance, la preuve de leur pouvoir.
Mais malgré toute sa préparation, la chasse ne fut pas concluante. Car elle avait oublié une chose essentielle, toutes les bêtes ne se chassaient pas. Pour certaines, il fallait accepter de jouer son rôle de proie.
Pour beaucoup cet échec signa la fin de l'histoire, mais pour Namarië, ce n'était que le début d'une nouvelle aventure. Car un bruit courrait.
Des Okhotniks seraient parvenus à s'emparer de quelques écailles du dragon. C'était une piste redoutablement dangereuse à suivre, surtout pour elle. Mais malgré ses craintes profondes à retourner sur les terres de son enfance, Namarië ne pouvait laisser passer cette occasion. Elle devait retrouver la piste de ces amplificateurs, qu'importe ses maigres chances de succès, qu'importe les dangers auxquels elle s'exposait.
Quoi qu'il lui en coûte.
Les mois s'écoulèrent. La rumeur tarie. Et Namarië refit enfin surface.