Milo - Echoes

TW mention d'emprise psychologique et de violence physique sur enfant.


D'aussi loin qu'il se souvienne, son père a toujours été composante de sa vie, l'autre étant leur fuite perpétuelle, ne jamais rester trop longtemps au même endroit. Milo se souvient d'un homme tout en hauteur, fin... Si fin... On serait néanmoins surpris par la force de ce colosse. Le gamin se souvient d'son paternel comme d'un homme pouvant cacher le soleil, les hurlements de douleur le précédait. Son père était grisha, quelques siècles à son actif, il était Fondeur.

Il a apprit à marcher à la croisée des routes, entre deux villes, à parler au cœur du roulis des vagues, lire avec le cahot des roulottes, gamin toujours de passage, jamais de halte qui durent trop longtemps. Sa mère ? Son petit frère Alexei et lui n'en parlaient jamais, le paternel encore moins. Milo a ses suppositions. Elle serait morte en couche. Son père porte toujours, autour du cou, un bijou lui ayant appartenu. Parfois... Oh parfois il entendait ce géant murmurer quelques tendresses au bijou inerte. L'enfant se souvient... De cette étincelle de folie, qu'il voyait briller au fond de ses deux yeux, semblables à des puits d'obscurité. Et il savait... Il savait que dans ces moments là, il valait mieux se la boucler, choisir le silence. Car c'était dans un de ces moments que, tel un animal blessé, son père, au moindre bruit, leur fondait dessus. Et là... Là, Milo pouvait être sûr qu'il était bon pour une claque dans la trogne, dans le meilleur des cas.

Le problème, avec les monstres... C'est qu'ils ne peuvent pas être, la totalité du temps, mauvais. Et le paternel ne fait pas exception. Milo se souvient de toutes ces fois, où ils se sont assit, tous les trois, à la faveur de la nuit, éclairés par la lune et les astres. Et l'homme leur avait parlé. Des multiples poèmes évoquant cette voute céleste, de ces incroyables légendes, sur les étoiles, des théories d'astronomie. L'homme était loin d'être un idiot. Cultivé, il était également charismatique. Il attirait le regard, c'est sans doute pour cette raison, que sa famille et lui même ne se posaient jamais assez longtemps pour que questions se posent. Concernant Milo... Le jeune homme a grandit crayon dans les pognes, à dessiner, croquer, tout ce qu'il pouvait, tout le temps. Ainsi occupé, il ne souffrait pas de l'ennui. Ainsi occupé, il ne se plaignait pas. Ainsi occupé... Il était quitte de l'ouvrir et de se ramasser une correction dont son postérieur se souviendrait pour quelques jours. Alexei... Avait les livres. Tout ce qui passait à portée de ses menottes finissait lu, l'enfant, le soir, récitait parfois ses lectures, sa mémoire photographique rejouant ces multiples pages, dévorées, et, dans quelques murmures, il racontait à son frère toutes ces histoires. Ces contes, ces légendes, il lui parlait de plantes incroyables aux vertues miraculeuses. Tous ces souvenirs ne lâchent jamais le jeune homme. Le regard tendre de son père, ses grands bras l'enlaçant, alors que l'enfant pleure. Son regard fou, quand l'un des deux garçons osent troubler son moment de communion avec ce que les frères appelleront plus tard, "La Relique". L'homme avait deux visages. L'un, maladroit et aimant, l'autre, cruel et austère. Comment pouvait-on changer du tout au tout ? Les garçons l'ignoraient, mais sans dons, comme ils l'étaient, ils se mirent à craindre les grishas, ne connaissant que leur paternel qui les faisait vivre dans l'angoisse.

Le fait de n'avoir aucune attache, de compter, que sur son frère et sur son père finit par lasser le jeune homme, de même que, la tension permanente au foyer était irrespirable, insurmontable. Le gamin faisait des crises d'angoisse que rien ne parvenait à calmer. Son père, l'ombre effrayante peuplant ses cauchemars, le monstre qu'il détestait aussi fort qu'il aimait était en train de se détruire, et d'entraîner ses marmots dans sa chute. Du moins était-ce ce dont le gamin c'était persuadé. C'est ainsi que... Du haut de ses vingt ans à peine, récupérant affaires et effets personnels, il est partit. Oh. Il avait bien proposé à son frère de venir, il l'avait supplié, mais rien n'y faisait, certains avaient plus de loyauté que d'autres, et si le gamin souhaitait quant à lui, choir en même temps que le père, qu'il en soit ainsi. C'est par une nuit sans lune que Milo quitta l'endroit où ils dormaient, marchant toute la nuit sur quelques routes peu fréquentées, finissant par prendre une place dans une roulotte, transportant nourriture et autres biens à vendre. Aujourd'hui... Milo travaille au Lys bleu. Aujourd'hui, le gamin a trouvé sa place, il dessine, il danse, il vit, là où, toute sa vie, il n'avait fait que survivre. Il s'égaye, lorsqu'il parle avec ses proches, il s'anime, lorsqu'il peint, et, malgré l'ombre de l'anxiété et de la peur, de temps en temps dans l'fond de son regard, il tient bon. Il apprend petit à petit, qu'il n'est pas qu'un raté, qu'il n'est pas ingrat, et qu'il est loin d'être aussi hideux qu'on le lui a fait croire. Et peut être... Peut être qu'au bout du chemin, le garçon apprendra finalement à s'aimer. Et peut être... Peut être qu'il finira par sauter le pas pour devenir courtisant.